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La démesure des « Vêpres de la Vierge Marie  » de Philippe Hersant

Philippe Hersant, Les Vêpres de la Vierge Marie. Maîtrise et orgues de Notre-Dame de Paris, les Sacqueboutiers de Toulouse, Alain Buet (Baryton), Robert Getchell (ténor), David Joigaux (cloches), Olivier Latry (grand orgue), Yves Castegnet (orgue de chœur), Lionel Sow (direction). Maîtrise Notre-Dame de Paris 2014 [004]

14 février 2015, par Jean-MLarc Warszawski ——

Pour clore le jubilé du 850e anniversaire du début de la construction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui a été marqué tout au long de l'année 2013 par un programme musical exceptionnel, Musique sacrée à Notre-Dame et l'archevêché ont commandé un cycle pour les Vêpres de la Vierge (Invitatoire, Ave Maris Stella, psaume 21, psaume 126,  Cantique aux Éphésiens, Magnificat) à Philippe Hersant.

Le cahier des charges — la commande — était précis, comme c'est souvent le cas à Notre-Dame : utiliser tous les moyens musicaux en propre, c'est-à-dire le grand orgue (Olivier Latry), l'orgue de chœur (Yves Castagnet), et l'ensemble maîtrisien avec le chœur d'enfants, le jeune ensemble, et le chœur d'adultes, sous la direction alors de Lionel Sow, passé à l'Orchestre de Paris depuis. S'ajoute à cela deux chantres, Alain Buet (baryton) et Robert Getchell (ténor). L'archevêché a également imposé la liturgie traditionnelle à Notre-Dame, alternant selon les pièces, le latin et le français.

Philippe Hersant avait pensé utiliser les cloches, mais outre le fait qu'on ne peut déroger à leur usage liturgique et civique, celles-ci sont peu audibles à l'intérieur de la nef. L'effectif comprend toutefois des cloches d'orchestre.

Le jubilée de 2013 ayant été ouvert avec les Vêpres de Monteverdi, Philippe Hersant a voulu en faire une réplique pour la clôture, même si le contenu liturgique de l'italien n'est pas tout à fait identique aux règles suivies à Notre-Dame. Il a donc fait appel aux instruments anciens, cornets et saqueboutes, présents dans l'œuvre de Monteverdi, par ailleurs choix acoustique judicieux pour s'entremettre dans le dialogue des deux orgues et braver la difficile réverbération de l'immense vaisseau.

Soucieux de cohérence formelle, il a organisé les épisodes en trois mouvements, introduits chacun par une toccata.

Malgré les contraintes, le style musical de Philippe Hersant est d'une immense et foisonnante liberté, au service ici d'une œuvre démesurée, littéralement gothique, une clameur qui a dû faire frissonner le public (empêché nous n'en étions malheureusement pas) lors de la création le 10 décembre 2013. Du plain-chant en tons d'église, de la modalité qui n'est pas ici et là sans rappeler Fauré, de la dissonance harmonique, dans un ensemble tonalement polarisé. Cette démesure adaptée au lieu, n'est pas sans intimité, parce c'est aussi un  lieu fermé duquel on est sensé s'adresser à des esprits cosmiques au nom de toutes les âmes supposées de la terre. Il y a de la folie mélangée à de la méditation, conséquence d'une certaine lenteur imposée par la réverbération de la cathédrale.

Ces Vêpres de la Vierge, aspiration à l'au-delà est toutefois une œuvre refermée sur l'inquiétude, avec l'emploi de longs bourdons sombres, évoquant plus le danger que la sérénité des cieux. Philippe Hersant aimant cinéma, on pense au passage massif, lent, lourd de vaisseaux spaciaux (La Guerre des étoiles ?), voire une procession de flagellants paniqués par une épidémie de peste. Mais on est ici dans le commentaire, l'imagination, l'aspiration, l'extériorisation, pas dans l'action. On pense à la critique de Diderot dans ses fragments philosophiques « quel est donc ce Dieu qui inspire tant de crainte ». Imprécations de prisonniers qui ne sont pas sans lumières espérantes.

Le disque ne peut rendre les dispositions spatiales adoptées lors de la création. Il reste que les ingénieurs du son ont également réalisé une belle prestation, parce qu'on ressent bien l'immense espace, effet certainement porté par la partition elle-même, notamment par les oppositions des mixtures des deux orgues, et l'emploi des cloches.

Nous sommes bien incapable de ressentir ou dire quoi que ce soit sur l'adéquation de cette musique au culte marial. Comme on peut aimer pour de mauvaises raisons surtout sans raison, musicalement c'est à notre sens un chef-d'œuvre

Extrait du Magnificat (plage 8)

 

1. Toccata I et Invitatoire

2. Ave Maris Stellis

3. Psaume 121

4. Toccata II.

5. Psaume 126.

6. Cantique aux Éphésiens.

7. Toccata III.

8. Magnificat

 

Jean-Marc Warszawski
14 février 2015

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