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Monaco, 15 novembre 2015, par Jean-Luc Vannier ——

Orchestre philharmonique de Monte-Carlo : le Requiem de Mozart vaut bien une messe

Tragique coïncidence de la programmation, l'orchestre philharmonique de Monte-Carlo et les Chœurs de la Radio hongroise, placés sous la direction de Kazuki Yamada donnaient, dimanche 15 novembre à 11h00 du matin, le Requiem en re mineur, kv 626, de Wolfgang Amadeus Mozart. Comme si des circonstances extérieures avaient dicté leur funeste présage, le programme distribué comportait en outre des extraits de l'une des plus célèbres lettres du compositeur autrichien à son père, datée de 1787 : « Comme la mort (pour la prendre exactement) est le vrai but de la vie, je me suis depuis quelques années, tellement familiarisé avec cette véritable et excellente amie de l'homme que son visage, non seulement, n'a plus rien d'effrayant pour moi mais m'est très apaisant et très consolant ! ». A peine installé sur son estrade, le chef d'orchestre Kazuki Yamada s'est tourné vers le public de la salle Garnier pour lui réclamer en français « une minute de silence en souvenir des victimes du terrorisme ». Une « vraie » minute tenue par une audience debout et figée par l'émotion.

Kazuki YamadaKazuki Yamada. Photographie © Marco Borggreve.

L'exécution de cette œuvre dont la création partielle à Vienne le 10 décembre 1791 fut complétée par celle du 2 janvier 1793 — en pleine terreur révolutionnaire en France — en a revêtu davantage encore de solennité. Solennité accentuée par les toutes premières mesures du « Introitus » dont les notes semblent émaner, tel un souffle animique, des limbes les plus profonds mais aussi par les longs silences et les respirations exigés par le maestro entre chaque séquence. La direction de Kazuki Yamada n'en est que plus magistrale. Rien des nuances de la partition ne semble échapper à la vigilance du maestro qui, pour chacune d'entre elles, trouve la gestuelle adéquate, précise sinon fulgurante : la baguette dressée vibre pour un forte en même temps que la main gauche s'ouvre pour accueillir les vents célestes (Véronique Audard) puis des cuivres rutilants (Gilles Gonneau) tandis que les pupitres des cordes (Liza Kerob, François Méreaux, Thierry Amadi, Nicolas Delclaud, Philippe Junker) nous gratifient de magnifiques et lumineuses sonorités, notamment dans le « Recordare » et, plus encore, dans un envoûtant et somptueux « Lacrimosa ».

Les instrumentistes portent au paroxysme de la perfection les Chœurs de la Radio hongroise dont nous avions déjà mentionné l'extraordinaire prestation lors du Stabat Mater de Rossini en ouverture de la saison philharmonique. Tout comme leur chef Zoltan Pad, les voix féminines et masculines ont reçu une impressionnante ovation pour leur interprétation raffinée mais aussi de caractère : leur infinie douceur dans le « Rex Tremendae », leur puissance maitrisée dans le « Sanctus », leur soupir d'éternité sur l'ultime sempiternam du « Agnus Dei ». Quand reviennent-ils à Monaco ?

Mirco PalazziMirco Palazzi. Photographie © AlexAmengual.

Nous serons, hélas, moins dithyrambique pour les voix solistes à l'exception notoire de celle de la basse : vivement apprécié dans le Stabat Mater précédemment évoqué, Mirco Palazzi qui semble lui-même ensorcelé par la mélodie mozartienne, nous offre des graves stables, trapus mais embellis d'un timbre aristocratique qui ne trébuchent jamais dans les notes les plus basses. Le ténor Giuseppe Filianoti force tellement une voix au souffle défaillant qu'il chante littéralement faux, en particulier dans le « Tuba Mirum ». La mezzo-soprano Marina Domashenko semble, elle aussi, à la peine avec son vibrato au point de dérailler à deux reprises dans le « Recordare ». Plus prudente, la soprano Ilaria Del Prete s'en sort un peu mieux malgré quelques aigus voilés.

Nonobstant ces défaillances vocales, la direction de celui qui prendra officiellement la tête de la philharmonie monégasque, ne nous aura certainement pas fait regretter un horaire aussi dominical que l'office catholique : ce Requiem en re mineur valait bien une messe.

Monaco, 15 novembre 2015
Jean-Luc Vannier


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