Roxanne Chalard, Dania El Zein, Ahlima Mhamdi, Cécile Houillon, Eloïse Cénan-Morthé, Chen Zhiyuan. Photographie © Chris martin.
C'est un curieux palmarès et pour le moins déséquilibré que Frédéric Lodéon est venu présenter à l'issue de la finale de ce 23e concours international de chant de Mâcon dédié comme chaque année à la mélodie contemporaine et à l'opéra. Sur les six finalistes restés en lice à l'issue de la demi-finale, deux se partageaient six des huit prix prévus, l'un n'étant pas remis faute de candidate entrant dans les critères.
Cette année, le concours avait passé commande de quatre mélodies pour quatre tessitures à la compositrice Florentine Mulsant qui avait choisi des poèmes de Maurice Rollinat. Trois seulement ont été interprétées à la finale, faute de ténor parmi les candidats retenus.
À la jeune soprano colorature Dania El Zein dont le naturel, la musicalité et l'intelligence brillent de mille feux dans l'air de la fée de la Cendrillon de Massenet et dans celui du feu de L'enfant et les sortilèges reviennent le Prix du jeune espoir féminin et celui de l'orchestre et des techniciens. Lui est également attribué le prix SACEM de la mélodie contemporaine. Un prix on ne peut plus mérité car, des six candidats, elle est pratiquement la seule à faire vivre et à transmettre un peu de sens à la mélodie de Florentine Mulsant, Le silence, dont elle restitue avec beaucoup de finesse le climat tout à la fois mystérieux et sensuel. Si aucun des trois prix qui lui sont attribués ne paraît usurpé, bien au contraire, il nous semble pourtant qu'un tel talent allié à un timbre d'une couleur et d'une rare subtilité ainsi que sa technique déjà très accomplie aurait mérité d'être plus nettement distingué. Mais le jury a sans doute ses raisons que la critique ignore et, dans son cas, la rareté du répertoire plus exigeant et moins connu a sans doute joué en la défaveur d'une artiste que nous pensons vouée à une belle carrière.
C'est à la mezzo Ahlima Mhamdi — une chanteuse déjà très médiatisée puisque Opéra Magazine lui a consacré une page dans son numéro de novembre — que revient le second prix auquel s'ajoute pour faire bonne mesure celui de la Cité de la voix de Vézelay et celui du public. Certes la chanteuse franco-marocaine ne manque pas de séduction. Elle possède un beau timbre chaleureux et mordoré et une silhouette de mannequin qui lui donne une superbe présence en scène, mais elle paraît manquer d'extension dans le grave, ce qui est tout de même paradoxal pour une mezzo, et l'« Air de Smeton », d'Anna Bolena de Donizetti dont elle maîtrise bien en revanche la richesse expressive la trouve hésitante sur la justesse. Elle devrait en tous cas réviser sa conception de la habanera de Carmen qu'elle interprète dans un registre appuyé et racoleur qui frise une certaine vulgarité.
Roxanne Challard. Photographie © Chris Martin.
Le premier prix revient à Roxanne Challard, soprano lyrique léger, issue de l'Académie de l'Opéra-Comique, dans la plus pure tradition française, à qui on ne reprochera qu'une certaine placidité, car au plan technique elle est aussi à l'aise dans les vocalises de « Caro nome » de Rigoletto que dans les envolées de Manon dans l'« Air du cours la reine » mais l'uniformité dans la couleur laisse l'auditeur dans l'attente d'un peu plus d'investissement expressif. Ici comme dans le cas d' Ahlima Mhamdi le répertoire — connu et populaire — aura sans doute largement joué en faveur de la candidate.
Cet effet de cumul sur deux lauréats laisse finalement trois chanteurs aux moyens pourtant intéressants sur le carreau. Ils se partagent en guise de consolation, un prix inventé cette année par les organisateurs, celui des finalistes. Tous trois méritent à ce titre plus qu'une mention. À 22 ans, le baryton chinois Chen Zhi Yuan impressionne déjà par sa maturité vocale. Il devra en revanche être très attentif à ses choix de répertoire car son Leporello de Don Giovanni manque un peu de souplesse vocale et de rubato. Il impressionne en revanche dans la sérénade de Méphisto du Faust de Gounod par la qualité de son articulation française parfaite et une remarquable caractérisation du personnage. Sa diction reste en revanche incompréhensible dans la mélodie de Florentine Mulsant, La biche. Le soprano lyrique de Cécile Houillon doit encore mûrir mais elle affronte bravement, après un superbe air de Lia de l'Enfant prodigue de Debussy , la large tessiture de « Pace, mio Dio » de la Force du Destin en dosant avec beaucoup d'intelligence ses ressources vocales. Quant à Eloïse Cénac-Morthé, elle est sûrement encore un peu jeune pour l'air de larmes de la Charlotte de Werther mais sa Rosine du Barbier de Séville, expressive et enjouée, ne manque ni de piquant ni d'imagination musicale dans le choix de ses variations.
Concours de chant de Mâcon 2016, les finalistes et l'orchestre. Photographie © Chris Martin.
On le voit, comme en 2015, le concours se distingue par un remarquable niveau chez ses finalistes. Un des atouts de la compétition est d'offrir aux concurrents une belle occasion de se produire avec un accompagnement d'orchestre, ce qui a l'inconvénient de limiter un peu leur choix pour les airs d'opéra dont le matériel n'est pas toujours disponible à la location mais permet de les apprécier grandeur nature. Cette année, pour « meubler » l'attente du palmarès le chef d'orchestre Éric Geneste avait choisi l'ouverture du Prince Igor de Borodine dans lequel l'orchestre symphonique de Mâcon se montre tout à fait remarquable. Les jingles entre chaque annonce, très réussis, étaient dus au contrebassiste Clément Mepas.
Frédéric Norac
et Strapontin au Paradis
22 novembre 2016
La finale du concours 2015, par Fédéric Norac
La demi-finale du concours 2015, par Eusebius
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Mardi 23 Juillet, 2024