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Théâtre de Caen, 17 mai 2016, par Alain Lambert ——

« Kaash » par l'Akram Khan Company : superbe et envoûtant !

Akram Khan Company« Kaash » par l'Akram Khan Company. Photographie © D.R.

Kaash en hindou signifie si seulement, mais si seulement quoi ? Si nous les êtres humains imparfaits et chaotiques arrivions à méditer dans le silence et l'immobilité, comme le danseur du premier moment qui marche à petits pas de droite à gauche avant de nous tourner le dos, immobile ?

Mais l'immobilité n'est pas de ce monde, celui de la danse, pas plus que le silence qui n'existe que comme force de propulsion de la musique, des percussions profondes et entêtantes, spatialisées par la création électro de Nithin Sawhney, entrecoupées d'improvisations rythmiques vocales propres aux percussionnistes indiens, pour mettre en mouvement les cinq danseurs, tous remarquables. Devant un tableau mouvant, plus ou moins flou et coloré, d'Anish Kapoor en fond,  jouant avec les lumières du spectacle.

Une forte influence du monde indien, donc, dans la gestuelle bien sûr, et dans ces alignements fugitifs qui font apparaître et disparaître  des êtres dotés un instant de plusieurs bras et jambes, comme dans la statuaire ancestrale.

Si seulement la danse pouvait nous mener à la circularité parfaite et nous faire atteindre le divin, comme l'annoncent les sages soufis ? Mais la circularité parfaite est piégée par l'irrégularité de nos gestes, leur difficulté à métamorphoser jusqu'au bout les ondulations, les pivotements, les orbes, les ondoiements, les enroulements et les roulades qui toujours produisent d'autres gestes, dans ce hip-hop sacral à la recherche du mouvement pur.

Les corps toujours changent de lieux et de formes, et ce n'est pas parce que les deux hommes et les trois femmes portent des jupes que le mouvement circulaire leur est facilité. Toujours il se brise ou évolue, sans jamais se stabiliser, dans une mutation perpétuelle où l'énumération rythmique fait apparaître de nouveaux gestes, jamais au repos. Peu de contact aussi entre les corps qui s'évitent dans cette kamasutranse, hormis un étonnant pas de deux.

Pourtant, après un silence intermédiaire, survient la musique de John Oswald, Spectre, jouée par le Kronos Quartet, une superposition des moments musicaux du quartet qui monte en un crescendo assourdissant, pendant que des voix d'outre monde défilent à l'envers, semble-t-il, comme pour nous amener de l'autre côté du miroir, ou du mouroir.

Et là, les cinq danseurs atteignent presque la circularité, s'évitant en tournant sur eux-mêmes dans un ballet stellaire qui finit par s'épuiser avec la rythmique vocale, avant que le dernier corps ne se recroqueville dans le silence et l'obscurité. La circularité parfaite n'est donc pas de ce monde. Et la danse continuera d'explorer de nouveaux territoires pour échapper à la gravité.

Un spectacle (repris de 2002), le premier (!) du chorégraphe Akram Khan, à retrouver à Blagnac, La Rochelle et Pau avant la fin du mois.

Et le dernier spectacle de danse de la saison du théâtre de Caen sera les 1 et 2 juin :  « En avant, marche ! » d'Alain Platel et Franck Van Laecke, sur une musique de Steven Prengels, et avec une fanfare d'élèves du conservatoire de Caen. Toutes les infos sur le site du théâtre.

plume 14 Alain Lambert
17 mai 2016


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