Intermède rayonnant à Luc-sur-Mer. Photographie © Alain Lambert.
Le Figaro annonçait il y a trois mois à propos des Tribute bands, Le phénomène débarque en France, ce qui dénote une bonne connaissance de la culture populaire hexagonale. Comme s'ils en étaient encore à la foire aux sosies d'Elvis, de Johnny, de Clo Clo, ou au baluche de grand-papa. Le monde de la musique rock a évolué, les groupes phares ont disparu pour la plupart, et beaucoup de leurs albums cultes sont devenus depuis longtemps déjà des classiques, y compris pour une nouvelle génération de fans, souvent aussi d'excellents musiciens.
Pas si différent de la musique classique où s'est développée toute une population d'interprètes, qui gagnent leur vie à rejouer de vieilles partitions, à quelques nuances près, en frac et en queue de pie, comme au xixe. Qu'on ne qualifierait ni de copieurs ni de clones, et encensés dans la presse spécialisée, ou par leur public, souvent plus que les créateurs contemporains. Contrairement aux hommages en jazz où le principe est de recréer totalement en partant de l'oeuvre choisie, Miles Davis ou King Crimson par Mederic Collignon, Kurt Weil par le Kurt Weil Project [voir notre chronique], Metalica par Metal IK [voir notre chronique], Pink Floyd par Nguyen Lê [voir notre chronique] et bientôt Weather Report par Peirani-Parisien 5tet à Jazz sur Erdre...
Quand on vit à Caen, on peut difficilement penser que ce phénomène « débarque ». D'abord pour avoir entendu les Rebeats à Hérouville il y a une quinzaine d'années devant un auditoire bien clairsemé, qui aujourd'hui remplissent les Zéniths et font redécouvrir en live la musique des Beatles. Et apprécié il y a déjà presque dix ans, un des premiers concerts de Riff-Raff dans son répertoire d'AC/DC, qui fédère maintenant dans l'ouest des concerts et festivals invitant les groupes de toute la France à participer à leurs célébrations musicales.
Ce week-end de début juillet, le Tribute Fest se déroulait en plein air, presque en pleine mer, à marée haute, et presque en plein été, après une semaine bien médiocre. Du soleil, des frites, de la bière et de la bonne musique. Tous ont rajeuni mais Sting et Fredy ont un peu forci, Amy a blondi, Lenny a pâli, Angus a grandi et Bon n'a pas pris une ride... Trois groupes par soir, et des approches différentes de l'interprétation, en fait réduites à deux, la sérieuse et la pastiche, l'une strictement musicale, avec instruments d'époque (Fender et Gibson bien sûr), l'autre incluant toute la mythologie scénique, tout en respectant quasiment la moindre note.
Back To Amy à Luc-sur-Mer. Photographie © Alain Lambert.
Tout débute avec Back To Amy, en hommage à Amy Winehouse disparue en 2011, le plus récent à double titre puisque nous avions raconté ici sa naissance en début d'année [voir notre chronique]. L'occasion de les entendre en concert. Si les comparses originels sont pris ailleurs ce soir-là, la chanteuse Alexane PI s'est entourée d'instrumentistes compétents qui tissent un écrin à sa voix puissante au timbre riche. Le public est captivé.
Avec Back To The Police, venu de Nantes, qui s'attache aux versions live des grands thèmes du groupe Police, il suffit de fermer les yeux et on s'y croirait presque, la voix et le son du trio. Le jeu de scène lui est minimaliste, sans chercher à mimer Sting. Juste rejouer la musique, en retrouver l'esprit.
Riff Raff à Luc-sur-Mer. Photographie © Alain Lambert.
La nuit vient de tomber ce premier soir quand Riff-Raff se met en scène. Les grands morceaux d'AC/DC bien sûr, avec la voix éraillée et surtendue, le gros son blues et hard rock, les riffs de guitare survoltés. Mais aussi toute l'imagerie, la casquette du chanteur torse-nu (Bon Scott), l'uniforme en culotte courte du guitariste galopin (Angus Young), la grosse cloche de Hell Bell, l'humour grivois. Et le public ravi, nombreux et familial comme un 14 juillet.
N'ayant pas entendu Fuzz Top, de Vienne dans l'Isère, rejouer le trio barbu ZZ Top, en deux mots, d'après mon voisin, très bons musicalement, sur le mode pastiche eux aussi, avec les changements de tenues, de guitares et les fausses barbes... Circus, lui, arrive de Paris pour interpréter Lenny Kravitz, avec une guitare hendrixienne à souhait. Un jeu sobre et pêchu, une bonne invitation à aller écouter le modèle, pour qui le connait peu, comme c'est mon cas.
Kind Of Queen à Luc-sur-Mer. Photographie © Alain Lambert.
Le final du dimanche, c'est Kind Of Queen, un autre régional de l'étape, tout neuf lui aussi. Pas facile de refaire du Freddy Mercury. Juste balancer son pied de micro comme une canne de crooner décalé. Question musique, le groupe est parfait, guitare, clavier, batterie, basse, tous bien en place. Avec un jeu de voix, les trois choristes et le leader, impressionnant, pour faire revivre ces petits bijoux musicaux qui entremêlent comédie musicale légère et hard rock râpeux.
Un vrai bon moment de musique populaire et joyeux, avec un son impeccable, ni trop ni pas assez... À refaire!
Riff Raff sera à Saint-Sauveur le Vicomte le 15 juillet et à Castelnaudary le 26 août.
Fuzz Top sera en juillet à Poissy, Dax, Abjat sur Bandiat, Bazas, Huilly...
Alain Lambert
juin 2017
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Dimanche 15 Septembre, 2024