Le principe de « Jazz dans les prés » est de permettre aux habitants des campagnes de pouvoir assister à des concerts près de chez eux, à l'initiative de la Ferme Culturelle du Bessin à Varembert, pas loin de Bayeux. Et de son animateur artistique, le batteur Guillaume Chevillard.
Depuis trois saisons, et sur neuf mois, il invite un musicien d'envergure nationale (Olivier Louvel, Nina Attal, André Villégier...), s'adjoint des musiciens voisins et présente un concert inédit sur trois dates dans le Calvados, la Manche et parfois l'Orne.
Ce vendredi, à Villiers-Le-Sec, et avant Dozulé et Couvains, il convie donc Yacir Rami, entendu par lui avec son duo Zafaroud au festival PAN! de Caen l'an passé, plus François Chesnel au Fender Rhodes et Nicolas Talbot à la contrebasse. L'invité a apporté ses compositions dont la plupart se retrouvent sur son cédé En Modalie [voir notre chronique] comme Yeps, Turbulences, Alhambra, Casa ou Belhif.
La première, Yeps, leur permet de se lancer et de trouver le son commun dans un phrasé rapide et jazzy. L'oud est bien sûr amplifié et peut adapter sa sonorité avec un jeu de pédales, en tenant tête à la batterie tout en contrastant avec les sons suspendus ou cristallins du piano électrique, ensemble ou dans l'improvisation tuilée. La seconde, L'attente en marocain, est une nouvelle composition, créée ici pour l'occasion, dans un style plus méditatif. Viennent ensuite Turbulences, que n'aime pas trop l'auteur, quand il les affronte pour accompagner dans toute l'Afrique du nord la chanteuse Oum. Un thème complexe et mouvementé qui requiert toute l'attention des musiciens mais leur permet aussi de beaux échanges. Après l'atterrissage et le calme retrouvé, on arrive au pays des Mirages, une longue impro entre l'oud et la batterie.
Guillaume Chevillard et Yacir Rami en duo à Jazz dans les prés. Photographie © Patricia Segretinat.
Mais cette réunion musicale entre l'occident et l'orient est aussi un symbole pour une culture qui se cherche encore et dont l'apogée a été arabo-andalou, comme le redit Alhambra, avec sa belle impro de contrebasse à l'archet en contre-chant du thème, et son final proche du flamenco. Casa, à la fois la maison et l'abréviation de Casablanca, a des influences plus africaines, où tous les instruments s'y donnent à leur tour. Puis vient un long thème turc en solo, qui nous confirme l'art du luthiste. Il ne lui reste plus qu'à nous chanter de sa voix grave et ample Belhif, un lieu de son enfance près de Meknès, d'y entraîner ses complices, et les spectateurs tous conquis.
Qui en redemandent chaleureusement, même si les musiciens, en ne répétant qu'une journée, n'en ont pas d'autres à proposer.
Ce sera donc Alhambra de nouveau, avec sa forte symbolique pour cette belle rencontre musicale.
Prochains « Jazz dans les prés » du 15 au 17 septembre avec en invitée la chanteuse Julie Erikssen, du 13 au 15 octobre avec le guitariste Nelson Veras, puis du 17 au 19 novembre avec le saxophoniste Drew Davies.
Alain Lambert
11 août 2017
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