Hommage à Ysaÿe, Sergey Malov (violon). Solo musica 2017 (SM 275).
Enregistré les 17-19 février 2017, à l'église Sainte-Catherine de Saint-Pétersbourg.Sergey Malov est un personnage qui suscite la curiosité. Il est virtuose à la fois du violon (et violon baroque), de l’alto et du violoncello da spalla, un violoncelle qui se joue à l’épaule comme un violon, instrument réintroduit par Sigiswald Kuijken. Celles et ceux qui l’ont entendu jouer l’un de ces instruments sont conquis. On trouve des vidéos sur YouTube, qui ont toutes quelque chose d’original… et de nostalgico-passéiste dans leur mise en scène. Musicalement cette tendance passéiste se traduit peut-être en 2011, par la participation à l’enregistrement des Constellations de Guillaume Connesson, et en 2013, par l’enregistrement d’Aparté, quintette à cordes avec piano de Jérôme Ducros, en très bonne compagnie (Ducros, Mi-Sa Yang, Gérard Caussé, Jérôme Pernoo), parmi huit enregistrements, dont un hommage à Paganini, les Variations Goldberg en trio, ou des cédés consacrés à ses trois instruments, soit 13 cordes comme en sont les titres.
Sergey Malov est né à Leningrad dans une famille de musiciens et professeurs de musique, il a étudié à Saint-Pétersbourg, au Mozarteum de Salzburg, à la Haute école de musique Hanns Eisler de Berlin. Il a ramassé d’impressionnants lauriers dans d’importants concours en violon et alto, a joué avec de grands orchestres en Allemagne, Autriche, Russie, Angleterre. Il est depuis 2017, professeur à la Haute école de musique de Zürich.
La présentation de son cédé ne déroge pas au sentiment nostalgique d’un temps avant celui de la naissance de ses parents, photographie sépia dans un intérieur 1920, un cédé habillé en petit vinyle, avec les craquements en guise du silence d’attaque (certainement un 78 tours).
Inspiré par les 6 sonates et partitas pour violon seul de Johann Sebastian Bach, Eugène Ysaÿe compose en 1923, six sonates faisant le tour de la situation violonistique de son époque, avec quelques clins d’œil à l’œuvre de l’ancêtre : quatre sonates en mode mineur, deux en mineur, la première en sol mineur, la dernière en mi majeur.
À l’imitation cette fois des vingt-quatre caprices de Paganini dédiés à la jeune génération de violonistes, chacune des sonates est offerte à un virtuose de son époque : Joseph Szigeti, Jacques Thibaud, Georges Enesco, Fritz Kreisler, Mathieu Crickboom, qui fut son élève et partenaire de quatuor, Manuel Quiroga, âgé de trente-et-un ans, comme Szigeti, au moment de la composition, qui après avoir été heurté par un camion à New York, perd l’usage de son bras droit en 1937.
Pour compléter le programme, Sergey Malov a choisi des extraits de la Partita en mi majeur de Bach l’inspirateur (hommage en miroir à des enregistrements de Szigeti et de Thibaud) et des dédicataires Enescu et Kreisler, dont l’opus 6 dédiée à Ysaÿe, échange de bons procédés.
Il y a donc beaucoup de bravoure, puisque Ysaÿe pensait que la virtuosité est nécessaire à la liberté de l’expression, et donc beaucoup de musique, puisque Sergey Malow est de ce point de vue un libertaire parfaitement libre.
Jean-Marc Warszawski
26 février 2018
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