Le trafic des armes et ses larmes collatérales, celles des innombrables victimes directes ou indirectes des trafiquants de tout poil, armes, argent sale, influences... autour de l'affaire Balladur / Sarkosy en 1995 et la mort des employés de l'arsenal de Cherbourg à Karachi en 2002. Plus les répercussions intimes dignes d'une tragédie grecque au sein de la famille de l'un d'eux. Sans oublier les larmes de crocodiles de nos représentants élus, les deux susnommés et d'autres, avec aussi un long discours de Rocard sur la dissuasion, qui clôt presque la pièce, avant la coda sur la tragédie familiale, en quelques sms projetés sur l'écran.
Du théâtre documentaire donc, où tous les personnages et les propos sont repris des documents accessibles, procès-verbaux de séances de parlement ou de commissions, écoutes téléphoniques, conférences de presse ou infos des radios, y compris leur façon de nous présenter les choses pour mieux nous endormir et nous égarer. Une enquête théâtrale pour reconstituer le puzzle indicible du secret/mensonge d’État, et réveiller les citoyens spectateurs. Pas vraiment du divertissement sur le fond. Du lourd et du sérieux.
Par contre, sur la forme sonore et musicale de la pièce, c'est tout un travail de mise en sons réjouissant, à commencer par la performance vocale du comédien. Nicolas Lambert fait toutes les voix, et les attitudes, des documents sélectionnés, et son collaborateur Erwan Temple, intervenant parfois comme poseur de question, mais le plus souvent avec un casque sur la tête comme n'importe quel espion téléphonique, recrée tout un décor de jingles radiophoniques ou autres illustrations sonores. Quant à Hélène Billard, l'autre personne aux écoutes, de temps en temps interlocutrice du personnage polyphonique, c'est la musicienne qui ajoute à l'ensemble la gravité de son violoncelle électrique, soit par une ligne de basse déjà enregistrée accompagnant la progression dramatique quand elle est comédienne, soit en improvisant en direct et souvent, dans la pénombre, accentuant le jeu de dupes qui se joue sur la scène du drame.
Un spectacle militant et musical, suivi à la Renaissance par un débat avec l'auteur comédien et le responsable de l'ONG Action Sécurité Éthique Républicaine.
À voir encore le 3 février, à La Verrière, le 23 mars, à Villeurbanne et le 3 mai, à Auxerre.
Le festival « À partir du réel » se termine au Phénix à Colombelle avec Entre deux, le 9 février, et l'Intercontinental Orchestra, le 16 février.
La Renaissance elle, repart en musique avec l'Orchestre régional de Normandie qui accompagne l'accordéon « trad » de Sébastien Bertrand, le 8 février (spectacle créé aux Traversées Tatihou cet été) et la dessinatrice sur sable Nadia Amlou pour un programme d'après les Mille et une nuits, composé par Jordan Gudefin le 16 février.
Alain Lambert
1er février 2018
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Jeudi 28 Décembre, 2023