Un comédien danseur cabotin, Benjamin Pech, en gilet plastique bleu et pantalon de survêt rouge nous accueille avec humour dans le théâtre, nous dispose autour de son trône, le fauteuil central de la première rangée sur lequel s'évase un bout de la grande feuille dorée qui s’épand sur la scène. Elle se reflète en vidéo sur un grand écran rond suspendu devenu solaire. Puis il nous fait déguster une orange à l'africaine comme lui le fit tous les matins avec la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin pendant les répétitions, avant d'envoyer sa voisine sur scène nous montrer les positions codifiées des souliers de danse du Roi-Soleil lorsqu'il dansait encore.
Du temps où le même Louis codifiait la traite des esclaves dans le Code noir, dont certains articles sont déclamés par Loris Barrucand, quand il ne joue pas sur son clavecin du Couperin, du Royer, du Tchaïkovski, du Saint-Saëns, aussi du Abba, toujours de façon très ludique. Car de la danse, il y en a un peu, pour bien montrer de quoi notre étoile est capable, mais pas trop car le baroque, c'est ennuyeux, nous avoue-t-il. Il préfère se mouvoir autour du claveciniste, en équilibre sur le tabouret étroit, ou se perdre dans les méandres de la feuille dorée, ou se chercher « une » reine...
Bref, il s'agit du retour d'Afrique trois siècles plus tard du roi Louis ayant perdu son passeport et obligé de revenir sur une embarcation de réfugiés, bientôt pris dans la tempête, leurs parkas colorés et noués roulés dans les flots d'or, et sauvés visiblement par l'ancien monarque, peut être passé de l’État c'est moi à l’État de droit en redevenant humain. Et finalement happé à son tour par les flots et l'obscurité.
Une suite allégorique au Ballet royal de la nuit présenté ici sur trois heures avec de nombreux musiciens, acteurs, danseurs, jongleurs pour faire revivre l'entrée au pouvoir du jeune Louis [voir notre chronique]. Avec juste un danseur acteur, un musicien et une grande feuille dorée, un peu de vidéo aussi, en deux fois mois de temps, on assiste à l'envers du décor et à la fin d'un règne. Captivant ! D'autant que par rapport à l'autre pièce de Robyn Orlin vue au CCN en janvier, And so you see... [voir notre chronique], tout se passe en français...
Ce qui ne sera pas le cas à Berlin bientôt puisqu'il leur faudra tout transposer en anglais...
Pour finir la saison musicale au théâtre de Caen, le mardi 5 juin le 6e concert de l'intégrale des quatuors de Haydn par le quatuor Gambini, le jeudi 7 juin, La passion selon Sade de Sylvano Bussotti, et du 19 au 21, danse avec My Ladies Rock de Jean Claude Gallotta.
Alain Lambert
29 mai 2018
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