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Jean-Marc Warszawski ——

Le rock underground français des années 1970 : témoignage, mémoire collective, histoire

Olivier Didier (détail), projet d'affiche pour le groupe Herbe Rouge.

Communication au colloque « Focus sur le rock en France : analyser les musiques actuelles » Université de Bourgogne, département de musicologie, 2 février 2009, actes publiés par Philippe Gonin (éditeur), Focus sur le rock en France : analyser les musiques actuelles. « Pensée musicale », Éditions Delatour, Samzon 2014, p. 59-76 [274 p.].

 

Lorsque la curiosité est piquée, vouloir rassembler tout ce qui serait susceptible de contenter l’envie de savoir, est un projet qui va de soi, mais il inaugure une entreprise problématique : celle d’une structuration dynamique, d’une stratégie dialectique, entre l’établissement du corpus informatif, et une élaboration de la compréhension. En d’autres termes, le compliqué réside dans l’interaction organique, que notre curiosité provoque, entre le corpus des informations et la constitution d’un savoir, entre ce qui montre ou informe, avec ce qui explique ou problématise, entre un corpus d’informations et un corps de connaissance, entre nos questions, le questionnaire que nous pouvons établir, et ce que nous pouvons mettre en œuvre pour y répondre.

Le fait d’avoir été un acteur et un témoin, dans les années 1970, de ce qu’on nomme « rock de recherche », ou « rock underground », implique que ce qu’il m’est possible d’en dire, est en quelque sorte un témoignage d’époque, ou de première main.

Mais je suis également un musicologue dont l’activité consiste à établir des spécificités, dans le mouvement de l’histoire, et cela, en critiquant l’évidence des témoignages, et en les relativisant dans des problématiques susceptibles de leur donner sens et de les sortir du simple anecdotique.

Dans son célèbre ouvrage, Comment on écrit l’histoire, Paul Veyne remarque que :

[L’histoire] ne s’occupe pas des individus, mais de ce qu’ils offrent de spécifique, pour la bonne raison […] qu’il n’y a rien à dire de la singularité individuelle, qui peut seulement servir de support ineffable à la valorisation (« parce que c’était lui parce que c’était moi » )1

On peut agrémenter le propos, avec une pensée d’Aristote, ou reprise par lui, que l’on retrouve d’ailleurs sous différentes formes, dans des traités anciens de musique :

D’une manière générale, ce qui prouve qu’on sait réellement une chose, c’est d’être capable de l’enseigner à autrui, et voilà comment nous trouvons que l’art est de la science beaucoup plus que l’expérience ne peut en être, parce que ceux qui sont arrivés à l’art sont en état d’enseigner et que ceux qui n’ont que l’expérience en sont incapables.2

Bien entendu, cela nous renseigne sur la déconsidération dont souffre le travail manuel ou physique, au cours de l’antiquité, mépris qui ne se dément au pas cours au Moyen‐Âge. En musique, il vise l’instrumentiste, qui n’est qu’un exécutant, au profit du théoricien, c'est‐à‐dire, en général, le clerc, celui qui alors, détient la parole et l’écriture.

Mais, ce qu’on peut également comprendre, est que le savoir théorique a besoin de recul par rapport aux événements et phénomènes, que l’expérience existentielle, toujours unique et singulière, ne se transmet pas.

Dans un ouvrage publié en 1977, intitulé Histoire et mémoire, Jacques Le Goff remarque qu’Hérodote3, vers 450 avant notre ère, inaugure le récit de type historique par l’introduction du témoignage4 : « Pour lui, le témoignage par excellence, c'est le témoignage personnel, celui où l'historien peut dire : j'ai vu, j'ai entendu ».

D’une vingtaine d’années plus jeune qu’Hérodote, Thucydide participe à la guerre, y connaît l’échec, et un long bannissement, au cours duquel, il rédige une Histoire de la guerre du Péloponnèse, qui fut longtemps la seule source d’information sur ce conflit, qui, pour cette raison fut mis à l’index des fantômes, jusqu’à ce que des découvertes archéologiques, attestent l’existence de cette guerre, donnant à l’œuvre, témoignage personnel et témoignage des témoignages qu’elle recueille, tout l’intérêt qu’on lui porte aujourd’hui.

Dans son ouvrage, Thucydide montre son souci pour la véridicité, et la nécessité de se livrer à la critique :

[…] on ne se trompera pas en jugeant les faits tels à peu près que je les ai rapportés. On n'accordera pas la confiance aux poètes, qui amplifient les événements, ni aux Logographes5 qui,pluspour charmer les oreilles que pour servir la vérité, rassemblent des faits impossibles à vérifier rigoureusement et aboutissent finalement pour la plupart à un récit incroyable et merveilleux. […] Les hommes engagés dans la guerre jugent toujours la guerre qu'ils font la plus importante, et quand ils ont déposé les armes, leur admiration va davantage aux exploits d'autrefois […] Quant aux événements de la guerre, je n'ai pas jugé bon de les rapporter sur la foi du premier venu, ni d'après mon opinion ; je n'ai écrit que ce dont j'avais été témoin ou pour le reste ce que je savais par des informations aussi exactes que possible. Cette recherche n'allait pas sans peine, parce que ceux qui ont assisté aux événements ne les rapportaient pas de la même manière et parlaient selon les intérêts de leur parti ou selon leurs souvenirs variables.6

Les récits de témoins, indispensables, n’ont donc pas la valeur absolue, qu’on pourrait imaginer, du fait qu’ils sont des récits de choses vécues, vues et entendues. La manifestation de vérité spontanée qu’on peut ressentir à leur contact, pourrait en fait être liée à la réalité des témoignages eux‐mêmes, comme objets historiques, et à la proximité qu’on leur suppose avec les événements, non pas à ce qu’ils rapportent. Le témoin a une histoire, ce que remarque, d’une certaine manière Thucydide, et nous sommes confrontés à cette l’histoire, avant celle qui est racontée. Le paradoxe, est alors, que tous les témoignages, en tant que tel,  se valent, car le faux témoignage a aussi une raison d’être, de ce fait il peut-être intéressant, il a une même réalité historique, que le témoignage délivrant des informations véridiques.

On peut même se demander si le souvenir, qui informe le témoignage vivant, ne hiérarchise pas le couple spécificité — singularités, à l’inverse de ce que réalise la conscience rationnelle.

Quand je pense à mon activité de musicien dans les années 1970, mon imagination fait appel à des bouffées d’images, qui représentent des scènes globales. Je vois pour ainsi dire, le passé. Ces rétrovisions, me donnent le sentiment général de ce qui fut : elles expriment, avec les actions remémorés, ce qui est spécifique, caractéristique, exemplaire, voire édifiant, de la réalité qui fut.

Mais, la narration de mon témoignage, est de l’ordre de l’autobiographie anecdotique, attachée à la singularité de ma personne.

En fait, le souvenir est organiquement constitué d’une chaîne plus ou moins cohérente, d’images, de mots, de sensations, ramassés au cours de l’expérience. Avec le témoignage, il devient le récit, d’un épisode isolé, coupé du reste de l’histoire du souvenir, c'est‐à‐dire de l’expérience existentielle réellement vécue. Il est nécessairement perçu, par ceux qui le réceptionnent, comme quelque chose que le témoin raconte sur lui ou de lui‐même.

Au contraire, si je livre mon souvenir sur le mode du commentaire argumenté, des idées articulées, à travers un jugement, voire à la troisième personne, je donnerai l’impression d’avoir un recul quant aux événements. Pourtant, ce jugement, est bien plus lié à ma personne, qu'aux événements que j’aurais vécus.

Hérodote et Thucydide, montrent donc, que les témoins, engagés dans les événements, n’en donnent pas une relation exacte. Cela ne peut pas être autrement, selon Paul Veyne :

Mêmesije suis contemporain et témoin de Waterloo, même si j’en suis le principal acteur et Napoléon en personne, je n'aurai qu'une perspective sur ce que les historiens appelleront l'événement de Waterloo ; je ne pourrai laisser à la postérité que mon témoignage, qu'elle appellera trace s'il parvient jusqu'à elle.7

Pour Platon et Aristote, la question de la véridicité, mène à comparer le réalisme des poètes à la réalité des récits du chroniqueur.

Ainsi Platon, dans le Timée, met en avant l’idée d’imitation, et surtout l’imitation du milieu ambiant, c'est‐à‐dire, tant une imitation par tradition, qu’une imitation de la tradition, et qu’une tradition d’imitation. Cela étend cette question du témoignage individuel, à ses étroites relations, avec ce qu’on appelle la mémoire collective :

[… Je ne méprise pas la race des poètes], mais il est clair pour tout le monde qu'on imite très aisément et très bien les choses au milieu desquelles on a été élevé, et qu'il est difficile  de bien imiter par des actions et plus difficile encore par des discours ce qui est étranger à l'éducation qu'on a reçue.8

Au Livre X de La République, il est précisé :

Or donc, poserons‐nous en principe que tous les poètes, à commencer par Homère, sont de simples imitateurs des apparences de la vertu et des autres sujets qu'ils traitent, mais que, pour la vérité, ils n'y atteignent pas : semblables en cela au peintre […], qui dessinera une apparence de cordonnier, sans rien entendre à la cordonnerie, pour des gens qui, n'y entendant pas plus que lui, jugent des choses d'après la couleur et le dessin ?9

Évidemment, on n’ouvrira pas ici, le débat sur la nature de la connaissance, et de sa transmission, que pose cette réflexion, on retiendra simplement, qu’un des aspects de cette problématique, est au centre des questions soulevées par Paul Ricœur, dans sa trilogie « Temps et récit », publiée en 1983. Paul Ricœur s’interroge sur ce qu’il appelle « le mystère du temps », ou les « apories du temps », que nous pouvons saisir, ou qui nous sont révélés, par l’impossible identification du temps physique, au temps psychologique, selon Paul Ricœur.

Il cite, quant à lui, Aristote évoquant Hérodote :

Car la différence entre le chroniqueur et le poète ne vient pas de ce que l'un s'exprime en vers et l'autre en prose (on pourrait mettre en vers l'œuvre d'Hérodote, ce ne serait pas moins une chronique en vers qu'en prose) ; mais la différence est que l'un dit ce qui a eu lieu, l'autre ce qui pourrait avoir lieu; c'est pour cette raison que la poésie est plus philosophique et plus noble que la chronique : la poésie traite plutôt du général, la chronique du particulier10

On trouve, dans l'Enquête sur l’entendement humain du philosophe anglais David Hume, un autre type d’approche de cette question de la vraisemblance, qui précise, d’un point de vue logique et discursif, le statut de « ce qui pourrait avoir lieu » :

La racine cubique de 64 est égale à la moitié de 10 : c'est une proposition fausse et qui ne peut jamais être distinctement conçue. Mais que César, ou l'ange Gabriel, ou qu'un être quelconque n'ait jamais existé, ce peut être une proposition fausse, mais elle est néanmoins parfaitement concevable, et n'implique aucune contradiction.11

En raison, entre autre, de cette vraisemblance, mise en œuvre dans les deux cas, celui de l’imitation d’un modèle, et celui de l’imaginaire, pour Platon, Paul Ricœur défend l’idée d’une indifférenciation entre le récit de fiction et le récit d’histoire. Cela est en relation avec la mémoire collective, c'est-à-dire la manière avec laquelle des groupes humains se représentent en souvenirs et récits, mêlant le vrai et le merveilleux. Il semble que pour Paul Ricœur, cela soit le moteur de l’histoire humaine, et le lieu ou se résorberaient les apories du temps, puisque, dans ces récits que les peuples donnent d’eux mêmes, temps physique et temps psychologique sont mis à contribution, sont confondus, dans la réalité de ce qu’on est, et l’imaginaire de ce qu’on revendique être, comme c’est le cas, certainement dans le témoignage individuel.

L’historien peut l’entendre d’une autre oreille. Pour lui, la mémoire collective, est certes un objet d’histoire, mais n’est pas histoire. Au contraire, il doit l’affronter, la déconstruire en permanence, comme devrait le faire, au quotidien, un journaliste critique, pour établir non pas l’impossible « toute la vérité », car l’histoire ne se reconstitue pas, mais « rien que la vérité ».

En fait, la vraisemblance, n’est pas un lieu de fusion qui serait neutre, entre fiction et réalité, ou bien entre ce qui a été, et ce qui pourrait être. Elle est le lieu par excellence d’affrontement des préjugés, leur vraisemblance serait‐elle solidement établie, avec la critique rationnelle, serait‐elle momentanément, à l’origine de propositions surprenantes. Le jugement de vraisemblance, au niveau du savoir, est lourdement plombé par les idéologies dominantes en œuvre dans la mémoire collective, mais également dans l’histoire établie, type histoire patriotique ou histoire édifiante.

L’histoire, de type moderne, vise, je pense, à imaginer la sociabilité qui fut celle des productions du passé, dont il nous reste aujourd’hui des témoignages, qu’il s’agit donc de mettre en sens. Comme dans le cas d’un témoin relatant une scène qu’il a vécu, il s’agit, à partir d’un épisode, d’imaginer l’histoire entière, avec d’autres épisode, non pas sur le mode du vraisemblable, ou de l’hypothèse, mais sur celui de la vérité.

L’histoire ne justifie rien, et n’explique pas les décisions que nous prenons aujourd’hui, pas plus qu’elle ne juge les actes passés. Le récit d’histoire est l’aboutissement d’une étude critique, elle ne reconstruit pas le passé, elle ne peut pas être globale, elle est en un certain sens, la généralisation philosophique ou poétique dont parle Aristote.

Tout en fouillant dans les informations singulières, elle ne s’intéresse qu’au spécifique. Elle ne décrit pas le détail de tous les épisodes, mais donne un résumé de l’histoire. Dans ce sens, l’historien n’est pas un collectionneur, un esthète, ou un amateur d’objets rares, mais de banalités du quotidien. Le piano sur lequel a joué tel compositeur, qui est un piano de série, n’a pour lui, rien de particulier, comme Paul Veyne le dit du stylo de Proust12. Ce piano, malgré sa proximité avec le génie, ne témoigne que de l’art de son fabricant. L’historien n’est pas intéressé par les détails de toutes les biographies de tous les musiciens ayant vécu ici à telle époque, mais par l’établissement d’une idée spécifique de ce qu’était un musicien là, et à ce moment. Dans le fond, plus qu’une imitation selon Platon, ce serait plutôt un clonage, mais sans aucun doute, c’est une opération idéologique.

La vérité historique, ne peut donc pas être établie, par l’énumération ordonnée de tous les vestiges que l’on peut collectionner, mais par une construction de l’esprit, par des abstractions, utilisant et servant leurs spécificités, dans ce que nous pouvons imaginer des mouvements de sociétés passées.

La question du corpus documentaire est donc complexe, et en relation dialectique, dans des d’allers et retours, entre la recherche, et la mise en récit. Voire, telle la double hélice d’ADN, elle est un enroulement en spirale de l’information avérée et de l’explication rationnelle.

Il est, à mon avis, deux cas, où l’on est libéré des soucis de ce rapport dialectique au témoignage documentaire.

C’est le cas de l’histoire dite érudite et positiviste, qui s’est constituée au XIXe siècle, avec l’idée, qu’en histoire, le document était début et fin de tout, qu’une exposition documentaire judicieusement bien ordonnée, suffisait à raconter le passé, réglait la question des philosophes se mêlant de tout, et donc la question des idéologies. C’est une histoire qu’on dit riche en informations, mais pauvre en explications.

Non pas à l’opposé, mais du côté pile de la médaille, il y a l’abandon de l’histoire, de toute information historique ou sociale, dans des théories immatérielles, qui s’auto-documentent, et tendent à considérer les objets de la sociabilité, en dehors de leurs conditions de production, comme des objets de sciences exactes, mais privées de l’expérimentation.

Sans information historique (ou sociale), ces théories enchaînent une fuite en avant de causes et d’effets, qui ont le but unique de s’auto-pérenniser, elles sont alors circulaires, et s’apparentent aux philosophies essentialistes.

Un cas très connu, est celui du calcul d’un quotient intellectuel, élaboré dans un but louable, mais qui a ignoré son incapacité à s’établir sur des tests indépendants de tout  référent  culturel.  À  la question : « Qu’est‐ce que l’intelligence ? », on ne peut que répondre « c’est ce que mesure le test ». En musicologie, il y a le cas de la « sémiologie musicale », théorie circulaire, condamnée à mobiliser tout son discours, au profit de sa propre justification.

Dans ces deux cas, on est allé plus vite que les hypothèses, ici, en croyant que ce qu’on appelle intelligence, pourrait être une fonction humaine indépendante de la socialisation, et là, que la musique serait une langue, elle même obéissant à des lois universelles extra culturelles, voir extra musicales.

Le « tout document » positiviste, et l’immatérialisme essentialiste, ont une même dynamique, celle de l’abolition des relations dialectiques, expérimentales si on veut, entre les témoins du mouvement du monde, et la construction cognitive. D’un côté on manque volontairement d’imagination, de l’autre de référents matériels, tout aussi volontairement.

Identifier les documents significatifs, les appeler à la barre des témoins, les faire parler, les mettre en relation, en intrigue, distinguer ce qui est spécifique, n’est pas toujours une chose simple et facile, à cause de l’ampleur des moyens que cela nécessite, tant par rapport aux compétences requises, qu’au temps que cela peut prendre, mais aussi par ce que les préjugés et la mémoire collective, occupent solidement le terrain des réponses déjà apportées.

Une élaboration mécanique d’un corpus documentaire, hors du processus de recherche historique, c'est‐à‐dire tout ramasser, est nécessairement défectueux. C’est une tache qui risque d’être infinie, puisque tout témoin du passé est à la croisée de plusieurs histoires, qui va aboutir à des difficultés de hiérarchisation et de classification, contradictoires avec la recherche, et l’on va s’embrouiller dans une information trop volumineuse, en grande partie inutile. C’est dans le principe, à mon avis, la cause de l’échec qualitatif d’une expérience comme la Wikipédia.

D’un autre côté, lier le montage documentaire aux seuls questionnements de départ, risque d’amener à devoir le remettre plusieurs fois sur le métier, à relire ce qui a déjà été lu, à retrier ce qui a déjà été trié, à mesure que les questions se préciseront, se diversifieront, ou que d’autres se poseront.

Je ne pense pas qu’il y ait ici, d’autre méthode que la pugnacité dans l’anarchie, et d’autres limites que celles des moyens qu’on peut avoir, qu’on veut bien se donner, ou trouver chez les autres et autres disciplines. Il y a là un esprit d’happening et d’improvisation nécessaire, qui nous ramène au cœur de notre sujet, pas seulement du point de vue de l’analogie entre méthode historique et esthétique musicale.

Il me semble évident que je ne peux être à la fois juge et témoin, poser et répondre aux questions, mais je pense pouvoir évoquer avec assez de recul, un cadre et un état d’esprit qui me semblent indispensables pour aborder ce que fut ce mouvement musical underground français des années 1970, et éviter de mauvaises interprétations suite aux profonds changements idéologiques intervenus depuis, notamment quand aux mots que nous utilisions et à nos attitudes.

En 1970, je devais considérer le rock, le yéyé compris, brillantine et banane, comme démodés. Nous parlions de « pop », et il me semble aujourd’hui, que cette « musique pop », a aboli des frontières catégorielles, plus qu’elle n’a constitué une nouvelle catégorie. Le mouvement pop, s’est reconnu dans la musique classique, le jazz, la saoul, le blues, et aussi la variété, par exemple, avec Michel Polnareff, qui révolutionne le genre, mais encore Gérard Mancet, des groupes comme Triangle, le Martin Circus, etc. Cela a été un mouvement d’ouverture, certes identitaire, mais de dépliement volontaire, pour aller à la rencontre d’ailleurs, comme cela, de manière vague, où le fortuit se mêle au volontarisme. Partir, « faire la route », s’enfoncer dans les paradis artificiels, chercher une autre manière de faire de la musique, s’engager politiquement ou socialement, tout cela marque, quelque soit l’efficacité, le malaise d’être là mais aussi l’envie de changement, d’une autre manière de vivre, d’autres rapports de sociabilité.

En cela, ce mouvement musical, est en filiation directe avec les événements de mai‐juin 1968, et une vaste et profonde turbulence émancipatrice internationale, intégrant l’opposition à la guerre du Viêtnam, les droits civiques aux États‐Unis, la reconnaissance des minorités, la liberté des choix sexuels, le droit à l’avortement, l’égalité sociale des sexes, la reconnaissance des droits de l’enfance, etc.

Autant de choses qui expriment ce qui est et ce qu’on voudrait qui soit, ce contre quoi on proteste, et ce qu’on voudrait qu’il advienne, mais autant d’objectifs revendicatifs, qui, s’ils nourrissent les esprits révolutionnaires, ne sont pas suffisants, par eux‐mêmes, pour imaginer, au‐delà des slogans et des modèles tout fait, l’organisation socio‐économique, qui répondrait, par nature à ces attentes. L’accumulation documentaire ne fait pas l’histoire, l’accumulation protestataire, ne fait pas la révolution.

Je retiens trois aspects des événements de mai‐juin 1968 qui ont tous leur importance.

Le premier aspect est celui de la mémoire collective, liée aux images médiatiques, qui font les reportages tendus, les belles « unes » des journaux, tout ce qui dramatise, tant esthétiquement que politiquement. Je pense donc aux affrontements avec les CRS à Paris, les lacrymogènes épais, les caillassage, les barricades, les voitures en feu, l’occupation de la Sorbonne. Ce sont aussi des images de propagande, un ensemble de témoignages particuliers, qui permettent aux uns de stigmatiser les voyous, les irresponsables, les casseurs, aux autres, de développer un discours révolutionnaire, sur bande‐annonce insurrectionnelle.

Le second aspect est peut‐être plus celui de l’histoire. Mai‐Juin 1968, c’est aussi un large mouvement populaire, une grève massive, en réaction au malaise provoqué par les premières manifestations de la crise, dont on connaît actuellement la sortie de rémission. On reprendra le travail, sous le signe de la trahison pour les uns, de la victoire pour les autres. D’un côté, on pense que les partis et syndicats révolutionnaires ont trahi. D’un autre côté, on a obtenu de substantielles augmentations de salaires (le SMIG13 augmente de 35 %, les salaires de 10 % en moyenne), une meilleure reconnaissance des compétences professionnelles, notamment par la révision des conventions collectives, la baisse de l’âge de la retraite, du temps de travail, l’organisation de sections syndicales à l’entreprise, les comités d’entreprise… Et l’université de Vincennes, devenue « Paris 8 ». De toute manière, le général de Gaulle dissout l’assemblée le 30 mai, et son parti obtient la majorité absolue à la chambre le 30 juin.

Le troisième aspect, anecdotique, me semble être lié à quelque chose d’essentiel, qui aurait changé dans la vie quotidienne. Ce qui me semble avoir été le plus marquant, en nouveauté, tient à l’arrêt de la vie économique, suite à la grève générale, qui a transformé, momentanément, les rapports entre les gens, dans le temps libéré pour la rencontre, pour la parole et l’échange, la découverte d’une proximité, comme ils ne l’avaient jamais vécue. Mais, là dedans, il y a aussi l’irruption d’une jeunesse qui tout à coup devient un centre d’intérêt, que l’on est obligé de prendre au sérieux. J’ai l’impression que l’âge de raison s’est subitement abaissée, et que la jeunesse devenait d’un coup, égale, en citoyenneté, aux adultes, ou au moins que le fait d’être jeune, donnait une spécificité, autre que d’être un adulte inachevé, en devenir. Il me semble que dans les événements de mai-juin 1968, en dépit des clivages de classes, la jeunesse s’est constituée une identité, disons horizontale, en un faisceau de convergences et de solidarités, d’attitudes, proche de ce quelque chose qu’on appelle une couche sociale.

C'est‐à‐dire que nous avons donné un contre exemple au Livre X de La République de Platon : nous avons imité dans les faits, quelque chose qui n’était pas dans la tradition assignant à la jeunesse, le but de perpétuer le monde adulte. La jeunesse a considéré qu’elle était elle‐même son advenir, et productrice de ses propres modèles, tout en puisant dans le marxisme, le pacifisme de Gandhi, le « Flower‐Power », l’anarchisme, ou divers mysticismes, notamment orientaux.

Je pense que cela a modelé la politisation du mouvement underground de la pop française, qui est à mon sens une manifestation directe de ce phénomène, même si le discours le plus assuré est naturellement issu du marxisme, notamment pour sa critique de la société capitaliste. Mais s’il est un discours particulièrement présent, il reste à évaluer sa pénétration, la compréhension qu’on pouvait en avoir, l’adhésion qu’il pouvait susciter, au‐delà d’un esthétisme fédérateur certain. La création du Front de Libération de la Rock‐Music, à laquelle j’ai participé, est exemplaire : c’est sérieux, amusant, fondamental et folklorique. La dénonciation du système des pop‐stars, est, à l’ère de la « Star’ac », et de la politique du coup commercial des majors, plus actuel qu’il ne l’a jamais été. Mais aller distribuer des tracts à l’entrée des concerts d’une Aretha Franklin ou d’un James Brown, pour appeler les gens à ne pas entrer, à ne pas tomber dans le piège, me semble dans la ligné des provocations dont nous étions capables.

Il reste qu’on avait en 1970, la vision d’une société divisée en classes aux intérêts antagonistes, d’une minorité de possédants, capitalisant la plus‐value, extorquée au travail de la majorité, et que la révolution consistait essentiellement, à s’approprier collectivement les moyens de productions, pour les utiliser, au profit des besoins de la majorité.

L’élection, en 1974 de Valérie Giscard d’Estaing à la présidence de la République, marque une inflexion significative, notamment par le choix radical du libéralisme, de l’économie fictive, comme solution à la crise, qui inaugure une désindustrialisation massive, avec les destructions conséquentes du tissu de solidarités. La pression idéologique déprécie le mouvement de mai‐juin 1968, au profit d’une idéologie du challenge et du gagneur. Mitterrand accède au pouvoir, accompagné de l’image symbolique d’un ouvrier chômeur, il disparaît après avoir fait la promotion d’une nouvelle figure symbolique, en la personne de l’affairiste Bernard Tapie.

Aujourd’hui, il me semble que ce qu’on, appelait une « position de classe », s’est muté en une morale d’un axe du bien, opposé à un axe du mal, sur fond de peur millénariste, de disparition de la planète. Le terme « capitalisme » me semble renvoyer à une affaire d’attitude, non plus à une organisation socio‐économique, à un rapport de production, caractérisé par la propriété privée des grands moyens de production. Ainsi un François Bayrou peut‐il aujourd’hui se déclarer anticapitaliste, mais être opposé aux privatisations, et Nicolas Sarkozy prôner un capitalisme vertueux, tout en privatisant tout ce qui peut l’être, y compris la culture, les services, comme la Santé et l’Éducation. Je pense qu’il faut tenir compte de ce distinguo, pour ne pas injecter aux années 1970, la mémoire collective des années 2010.

Il faut noter, qu’il existe en France une tradition de chanson sociale, politique et rebelle, cousine proche de la chanson dite à texte, qui a un succès populaire avéré, bien avant les événements de mai‐juin 1968, avec, entre autres, Boris Vian (1920‐1959), La fabuleuse Monique Morelli (1923‐ 1993), collette Magny (1926‐1997), George Brassens (1921‐1981), Léo Ferré (1916‐1993), Jean‐Ferrat (né en 1930), Francesca Solleville (née en 1932), Paco Ibáñez (né en 1934), dont la tradition s’étend, dans les années 1970, avec Bernard Lavilliers (né en 1946) ou Catherine Ribeiro (née en 1941), voire Maxime Le Forestier (né en 1949).

En musicologie, nous avons un goût certain pour les formalisations, pour établir des linéarités, tant des permanences dans le temps, que des changements, voire pour comprendre une œuvre d’art, par l’analyse formelle. Il en ressort des concepts parfois peu solides, et une consécution de règles, de lois, qui seraient en dehors des rapports sociaux, et au‐dessus des artistes, et de leurs publics. On risque d’oublier que ces formalisations sont des analogies, selon un point de vue, des paraphrases ou des commentaires, qui montrent, mais qui n’expliquent pas.

On pourrait perdre de vue, que ces règles et lois, sont établies sur des pratiques, sur des décisions immédiates, où les accrétions accidentelles jouent un rôle important. Ces accrétions accidentelles, vécues par des personnes sociales, prennent évidemment un sens. Ce ne sont pas des phénomènes purement aléatoires. Comme on dit, le hasard fait bien les choses, sauf que ce n’est pas le hasard qui décide et agit.

Je pense que ce mouvement musical qui a réunit des groupes comme Lard Free, Komintern, Robert Wood's Tarot, Alpha du Centaure, Barricade I (Crève Vite Charogne), Barricade II (Roquet et ses Lévriers Basanés), Dagon, avec Jean‐Pierre Lentin, un des fondateurs de la revue Actuel, et Patrick Vian ( le fils de Boris ), Fille qui mousse, Crium Delirium, Mahjun, Catharsis, Camizole, ou Herbe rouge, pour ne citer que le quarteron rapproché, ou les noms qui me sont encore aujourd’hui familiers, a été porté par une jeunesse, subitement révélée à elle même, à la recherche de son identité, et le hasard des rencontres.

Nous avons été en quelque sorte, non pas la première offre, mais la première manifestation musicale, organiquement liée à ce mouvement, avec un caractère militant et amateur, y compris pour les  musiciens qui exerçaient professionnellement dans d’autres domaines ou genres.  Une pratique conviviale, qui réunissait souvent les amis, dans les garages, les caves des pavillons de banlieue, les appartements, les locaux de centres culturels.

Je n’ai pas connaissance d’une théorisation esthétique, ni même qu’on ait eu des modèles musicaux précis. Je pense que là encore, nous avons été une production active du mouvement, et que nous mettions en commun, ce que nous savions, et pouvions faire, pour produire quelque chose, correspondant à ce que nous vivions. En quelque sorte, une musique au départ, à bâtons rompus. Les origines des musiciens étaient très diverses, y compris en niveau technique. Nos créations étaient collectives, souvent proches du spontané et de l’art brut. L’un proposait un thème, une ligne de basse, un motif, pouvait avoir quelques commandes, et chacun apportait sa contribution, en genres et qualité technique très variables. Mais, il est certain que nous voulions composer et jouer notre musique, la musique qui nous plaisait.

Bien entendu, dans bien des cas, la seule solution était l’improvisation libre, en happening, qui réglait la question de l’esthétique bigarrée et des niveaux techniques hétéroclites, mais qui correspondait aussi à un goût, développé par les groupes pop‐rock anglo‐saxons, et à une revendication politique de liberté, comme dans le free jazz. En contre partie, il nous semblait important de montrer, en général, que nous étions des musiciens organisés, que nous avions derrière nous un travail de conception. Nous apportions do,c une certaine attention, notamment à des éléments de mise en place, explicites et complexes.

À Paris et en banlieue parisienne, pour ce qui concerne mon expérience, il y avait régulièrement des concerts. Au Golf Drouot, au Gibus, dans des cinémas de quartier, dans les facs comme Jussieu, Dauphine, surtout l’École d’architecture, de nombreux festivals, comme celui de la FNAC Paris, d’autres souvent organisés de manière associative, parfois assez spontanée et galères, les fêtes de partis politiques, des fêtes associatives, comme celle de l’école expérimentale de la rue Vitruve à Paris, ou des meetings politiques, comme ceux en faveur de la libération d’Angela Davis, militante noire communiste, incarcérée aux États‐Unis, ou en soutien au FHAR, le Front homosexuel d’action révolutionnaire, groupe particulièrement provocateur et déjanté, qui menait alors une campagne de solidarité, en faveur d’un médecin, radié de l’ordre, pour avoir défendu la qualité des rapports homosexuels.

Les concerts réunissaient un public souvent nombreux, fidèle et complice, dans un esprit de proximité, du fait que nous avions conscience d’appartenir, d’un côté comme de l’autre de la rampe, à un même mouvement. On appréciait tout autant la performance technique, que les intentions, disons poétiques, de musiciens plus malhabiles.

Pour ce qui concerne mon groupe, le nom « Herbe rouge », évoquait à une partie du public, bien autre chose que le titre du roman de Boris Vian, à la mode à cette époque. Nos apparitions sur scène, provoquaient régulièrement un salut appuyé de drapeaux rouges et noirs. C’est peut être cela qui a inspiré l’un de nos derniers morceaux, où, sur une rythmique basse‐batterie cassée et syncopée, on vociférait des choses comme : « Nous, musiciens, refusons tout ce qui n’est pas anarchotique ». Mais en réalité, si l’herbe et la marijuana, circulaient de manière banale, nous n’étions pas, dans mon souvenir, un milieu spécialement menacé par les addictions.

Il faut signaler l’activité charnière de Gilles Yéprémian, qui a été, un grand rassembleur, organisateur, et programmateur de ces concerts, mais aussi, victime de contrats bidons, et centre de galères inénarrables. Le dernier concert, d’Herbe rouge, s’est achevé avant de commencer, au bord d’une route de campagne, où une partie des musiciens, autour de Gilles Yéprémian, et de Gilbert Artman (Lard Free, puis Urban Sax), faisaient le guet, le festival ayant été interdit, et l’accès au lieu, protégé par la police.

Un article, de Jacques Barsamian, dans le journal « Pop Music », que nous avons peu apprécié, stigmatisait d’ailleurs notre irresponsabilité, et nous rendait responsables de nos galères.

Je pense que musicalement, ce mouvement ne pouvait pas survivre à la turbulence sociale qui l’a produit et cultivé. Il y a certainement eu le retour de la réalité sur les utopies. Mais aussi, la dégradation de la situation économique, et les développements technologiques, la nouvelle idéologie du challenge, ont rendu improbable notre statut d’amateurs professionnels. Non seulement les offres de travail dans la musique vivante se sont raréfiées, du fait du remplacement de musiciens par les synthétiseurs, et l’utilisation du disque dans les clubs et salles de dance,  par la diminution du  nombre  des  bals.  Il  est également  devenu  difficile  de  trouver  de  petits  boulots alimentaires, alors qu’en 1970 cela ne posait aucun problème. Peut‐être encore, et en conséquence, avions‐nous, musicalement, fait le tour de la question et de nos possibilités.

Déjà, dans le numéro d’Actuel du 25 novembre 1972, Jean‐Pierre Lentin (1950‐2009), se faisait l’écho de la désagrégation des groupes :

Moving Gelatine Plates,Ergo Sum, Le poing et même Zoo ont disparu, Gong, Magma, Komintern ou Herbe Rouge traversent des orages, des crises de conscience, des abandons, de musiciens. Et moi, bassiste du grandiose Dagon, je me suis tourné les pouces tout l’été en ingurgitant lugubrement des festins de patates, de nouilles et de méchant riz […] Gong cesse de tourner jusqu’au 15 novembre en renaîtra sous une autre forme, Magma rode sa nouvelle formation, Dagon, Komintern, Lard Free ou Herbe Rouge expérimentent avec des musiciens différents, Introversion s’est reformé, d’autres groupes de province comme Stradivarius ou Art Zoyd III se cramponnent et finissent bien par attirer l’attention, et de nouveaux groupes s’enfantent, comme celui de Vangelis Papathanassiou, dont on attend beaucoup. Dans un mois ou dans un an, les musiciens de Moving Gelatine Plates ou d’Ergo Sum finiront bien par refaire surface ? Mais pourquoi donc les musiciens persévèrent‐ils ? Masochisme, inconscience ou fanatisme ? Ne savent‐ils rien faire d’autre ?

Comme l’exprime François Billard, animateur du groupe Barricade « Crève vite charogne » (1969-1974), dans un entretien pour Jazz Magazine :

La toute fin de cette époque, c'est le milieu des années 1970. Au‐delà, c'est Grévin‐politico‐musical. C'est insupportable.14

14 PHILIPPE ROBERT, entretien avec François Billard. 2005 ? (n’est plus accessible en ligne, à l’occasion de la sortie du disque « Le rires des Camisoles, 1969‐1974 », Futura Red, 2005).

1 PAUL VEYNE, Comment on écrit l’histoire. « Point histoire » (40), éditions du Seuil, Paris 1971, p. 48

2 ARISTOTE (‐ 384 ‐ 322), La métaphysique ( traduction par Barthélémy Saint‐Hilaire ). Éditions Presse Pocket, Paris 1991, p. 44 (livre A, chapitre 2).

3 HERODOTE, vers – 480‐ vers ‐ 425

4 JACQUES LE GOFF, Histoireet mémoire. « Folio Histoire » (20), Gallimard, Paris 1988 (Einaudi 1977), p. 306.

5 Logographe, 1. Prosateur ou historien grecs, antérieur à Hérodote ; 2. Rhéteur qui composait des discours, des plaidoyers, des accusations pour des clients.

6 THUCYDIDE (vers ‐ 460‐395), Histoire de la Guerre du Péloponèse (traduction nouvelle et introduction par Jean-Voilquin, notes par Jean Capelle). Librairie Garnier frères, Paris, s.d., I, 22 ‐ Édition numérique par François‐ Dominique Fournier, site « L’Antiquité grecque et latine ». Voir également Jacques Le Goff, Histoire et mémoire, p. 308.

7 PAUL VEYNE, Comment on écrit l’histoire. « Point histoire » (40), éditions du Seuil, Paris 1971, p. 14

8 PLATON (vers – 428 – 347), Le Timé, traduction de Victor Cousin. Édition électronique.

9 PLATON, La République (Livre X), traduction de Robert Baccou. Édition électronique.

10 PAUL RICŒUR, Temps et Récit [3 v] . Essais, Seuil,  Paris 1983, I. « L’intrigue et le récit historique », p. 84. Citation complète : Internet.

I. Il est évident, d'après ce qui précède, que l'affaire du poète, ce n'est pas de parler de ce qui est arrivé, mais bien de ce qui aurait pu arriver et des choses possibles, selon la vraisemblance ou la nécessité.

II. En effet, la différence entre l'historien et le poète ne consiste pas en ce que l'un écrit en vers, et l'autre en prose. Quand l'ouvrage d'Hérodote serait écrit en vers, ce n'en serait pas moins une histoire, indépendamment de la question de vers ou de prose. Cette différence consiste en ce que l'un parle de ce qui est arrivé, et l'autre de ce qui aurait pu arriver.

III. Aussi la poésie est quelque chose de plus philosophique et de plus élevé que l'histoire ; car la poésie parle plutôt de généralités, et l'histoire de détails particuliers.

IV. Les généralités, ce sont les choses qu'il arrive à tel personnage de dire ou de faire dans une condition donnée, selon la vraisemblance ou la nécessité, et c'est à quoi réussit la poésie, en imposant des noms propres. Le détail particulier c'est, par exemple, ce qu'a fait Alcibiade ou ce qui lui a été fait.

11 HUME DAVID, An Enquiry Concerning Human Understanding. Dans « Philosophical Essays Concerning Human Understanding », Millar, London 1748. Enquête sur l’entendement humain (traduit par Philippe Folliot), « Les classiques des sciences sociales », Bibliothèque Paul‐Émile‐Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi, p. 132.

12 PAUL VEYNE,  Comment on écrit l'histoire. « Point Histoire » (40), éditions du Seuil, Paris 1971, p. 19.

13 SMIG :   Salaire   Minimum   Interprofessionnel   Garanti,   devenu,   en   1970,   SMIC,   Salaire   minimum interprofessionnel de croissance.

Quelques écrits de Jean-Marc Warszawski

La saga Blüthner, pianos de Leipzig —— Mutations, mouvements, évolution dans le monde de la musique au temps de Maria Szymanowska —— Faut-il lire les livres anciens de théorie ? —— La musique et le geste —— Trio avec piano : musicologie, histoire, musique de chambre ou « Comme un laquais suit son maître » —— Belle du seigneur d'Albert Cohen : fomes et évocations musicales —— La musicologie et le mystère du logos —— Charles Ives : une musique sans histoire de la musique. Singularité de l'expérience, spécificité de l'histoire : la première sonate pour piano —— À propos de la « fonction » de la musique —— Méthode, musicologie : histoire et fiction —— La puissance de la musique des anciens questionnée au premier tiers du XVIIe siècle (autour de Marin Mersenne) —— Le clavecin pour les yeux du père Castel.


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Samedi 28 Janvier, 2023 23:00