Achevé en octobre 1810, un an après le précédent, le onzième quatuor (opus 95 en fa mineur) est lié « à un événement dramatique de la vie sentimentale de Beethoven : l’écroulement de ses projets de mariage avec Thérèse Malfatti. Mais c’est à cette époque que le musicien fit la connaissance de Bettina Brentano, l’amie de Goethe, pour laquelle il éprouva bientôt plus que de l’amitié. Ainsi est-ce dans un état tout particulier de tension que la partition fut écrite et intitulée par Beethoven lui-même « Quartetto serioso ». Ce quatuor possède une couleur générale plutôt amère que son finale triomphant, dont tous les commentateurs ont souligné l’analogie avec l’ouverture d’Egmont (composée quelques mois auparavant), ne peut parvenir à estomper. »136 On continuera sans doute longtemps à reprocher à Beethoven ce finale (ou plus exactement sa coda incongrue), mais ce n’est au fond que détail à côté des richesses d’une partition certes plus d’une fois déroutante, mais qui, dans ses quatre mouvements, regarde résolument vers l’avant. Ce Quatuor, « une des pages les plus rigoureuses jamais confiées au quatuor à cordes, l’emporte sur tous les autres quatuors de Beethoven par sa fureur concentrée rappelant victorieusement, dans une langue toute neuve, la leçon de l’économie haydnienne. La maturité de Beethoven est totale, la partition va droit au but et seuls, en des temps bien différents, Berg (quatuor opus 3), Bartók (troisième quatuor), Schönberg (trio à cordes) et Sibelius (septième symphonie) ont su traduire, chacun en son langage, une courbe tout aussi serrée en un minimum d’espace. »137
Ludwig van Beethoven, quatuor no 11, opus 95, en fa mineur, I. Allegro con brio, par l'Amadeus Quartet. Michel Rusquet
26 octobre 2019
136. Tranchefort François-René,Guide de la musique de chambre, Fayard, Paris 1998,, p. 91.
137. Szersnovicz Patrick, dans « Le Monde de la musique » (265), mai 2002.
ISNN 2269-9910.
Samedi 23 Novembre, 2024