3 novembre 2020 —— Frédéric Norac.
Louis-Gabriel Guillemain, Second livre de sonates en quatuor, oeuvre XVII. Ensemble La Française, Aude Lestienne (traverso), Shiho Ono (violon), Myriam Ropars (basse de viole), Jean-Baptiste Valfré (violoncelle), Kazuya Gunji (clavecin). Musica Ficta 2020 (MF 8034).
Enregistré en juillet 2020, chapelle de l'hôpital de Fourvière de Lyon.
Après leur disque consacré aux musiciens de la Régence, « Pour la Duchesse du Maine », paru en 2018, les musiciens de l'Ensemble la Française poursuivent leur exploration de la musique française de chambre ou plutôt de salon du xviiie siècle, devrait-on dire, avec ces sonates en quatuor de Louis-Gabriel Guillemain (1705-1770), violoniste de la Chapelle et de la Chambre du roi (Louis xv en l'occurrence), peu connues, peu jouées, et dernier exemple du genre dans le répertoire de l'époque avant la naissance du plus « sérieux » quatuor à cordes à l'âge « classique ».
En fait, leur enregistrement n'est pas tout à fait une première absolue puisque l'ensemble Barocking avait déjà enregistré deux sonates de cet opus 17 (« œuvre xvii », pour reprendre l'appellation d'époque) mais ici le cycle est complet et permet, à travers la permanence de la même structure — deux mouvements vifs, allegro et presto, encadrant une aria centrale « gratioso » — d'apprécier la capacité du musicien à se renouveler. Caractéristiques du style galant ou « rocaille », et sûrement influencées par les quatuors de Telemann de 1730, leur sous-titre de « conversations galantes et amusantes » les caractérise à merveille. Elles mettent sur le même plan deux instruments solistes, traverso et violon, soutenus par une basse continue à la viole de gambe ou violoncelle et au clavecin, et les font dialoguer dans un mélange d'ébriété virtuose et de fantaisie sonore, plein d'allant et de légèreté. Le caractère aimable de la musique cache en fait une savante écriture qui sollicite en permanence la technique accomplie des instrumentistes et ceux de l'ensemble n'en manquent certes pas dans une entente totale. Dansantes souvent, ces sonates ont la tonalité de leur époque, agréables, divertissantes, hédonistes, furtivement teintées d'un rien de mélancolie. Mais elles ne portent à aucun moment trace du tempérament de leur compositeur, décrit comme « sombre, mélancolique, d'une grande timidité, misanthrope et probablement alcoolique ». En tous cas, elles ne laissent pas présager sa mort « violente » « percé de quatorze coups de couteau... qu'il se serait donné lui-même dans un accès de folie », prouvant que la personnalité la plus sauvage peut produire la musique la plus délicate et la plus civilisée. Si la notice du disque, due à la directrice artistique de l'ensemble, la flûtiste Aude Lestienne, est aussi précise que remarquablement documentée, on aurait aimé savoir à qui attribuer la sensuelle scène de bain à la Boucher, typiquement rococo, qui en orne le livret.
Frédéric Norac
3 novembre 2020
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