Dédiées à Liszt qui s’en fit le brillant propagandiste, les études opus 10, aussi variées dans leur propos technique que dans leur contenu musical, affirment d’un seul coup de la part de Chopin la conquète d’un pouvoir souverain. Les manifestations les plus éclatantes en sont probablement les études nos 1 et 12, qui ne sont pas pour rien parmi les plus célèbres : conquérante, en effet, celle en ut majeur qui ouvre le cahier sonne comme une prise de possession péremptoire du clavier et, de par ses vertus tout autant harmoniques que digitales, s’impose avec une ampleur sonore magnifique ;
Frédéric Chopin, Étude no 1, par Nikolai Lugansky.quant à la douzième en ut mineur, dite « Révolutionnaire » au motif que Chopin l’aurait écrite en septembre 1831 en apprenant la chute de Varsovie, elle restera à jamais une page d’exception par son héroïsme sombre et sa véhémence farouche, qu’on ne peut s’empêcher d’entendre tout à la fois comme un cri de révolte et de désespoir et comme un formidable sursaut d’énergie.
Frédéric Chopin, Étude no 12, par Nelson Goerner.Dans une veine assez voisine, du moins par la violence qui s’en dégage, il faut également citer l’impressionnante no 4 en ut dièse mineur, qui « libère des forces élémentaires, et même démoniaques. »65
Frédéric Chopin, Étude no 4, par Murray Perahia.Dans un registre tout différent, car dévolu à l’expression intime, on a deux merveilleuses études lentes : la fameuse no 3 en mi majeur, souvent surnommée « Tristesse », où, dans un chant plein de nostalgie (« Ah, ma patrie ! », se serait-il écrié en l’entendant sous les doigts d’un de ses élèves), le musicien fait parler son cœur ;
Frédéric Chopin, Étude no 3, par Nelson Freire.et, plus belle encore, avec son thème sombre, presque douloureux, et son harmonie d’une rare subtilité, la no 6 en mi bémol mineur, qui est une sorte de nocturne d’une envoûtante poésie.
Frédéric Chopin, Étude no 6, par Vladimir Horowitz.On y associera, pour son caractère rêveur et plutôt intimiste, la magnifique (et pourtant peu jouée) no 11 en mi bémol majeur qui, dans un tempo tranquille (allegretto) et sur des harmonies aussi riches que délicates, déploie une mélodie superbement épanouie.
Frédéric Chopin, Étude no 11, par Jan Lisiecki.Dans leur remarquable diversité, les six autres études suscitent peu ou prou la même adhésion. Sans doute réservent-elles, plus encore que les précédentes, une part de leurs magiques vertus aux oreilles les plus « professionnelles », mais comment pourrait-on rester insensible à la discrète poésie de la no 2 en la mineur, vouée aux degrés chromatiques,
Frédéric Chopin, Étude no 2, par Vladimir Ashkenazy.à la légèreté et à l’humour de ce pur joyau qu’est la no 5 en sol bémol majeur,
Frédéric Chopin, Étude no 5, par Yundi Li,à la merveilleuse originalité de la no 7 en ut majeur, avec son air affairé et presque fébrile,
Frédéric Chopin, Étude no 7, par Nikita Magaloff.à l’éblouissant jeu de scintillements de la no 8 en fa majeur,
Frédéric Chopin, Étude no 8, par Ivo Pogorelich.à la juvénile passion de la no 9 en fa mineur,
Frédéric Chopin, Étude no 9, par Maurizio Pollini.ou encore à l’incomparable fraîcheur et à la spontanéité joyeuse de la no 10 en la bémol majeur, toute pleine d’astuces et de trouvailles ?
Frédéric Chopin, Étude no 10, par Seong-Jin Cho.65. Sacre Guy, La Musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998, p. 649.
Michel Rusquet
26 octobre 2020
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