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28 mai 2022 — Jean-Marc Warszawski

Joanna Goodale dans la résonance de Claude Debussy

Debussy in resonance, Joanna Goodale (piano), œuvres de Claude Debussy et de Joanna Goodale. Paraty 2022 (PARATY 22269).

Enregistré en public, RTS, La Chaux-de-Fonds.

Joanna Goodale a commencé sa vie est fait ses classes pianistiques en Suisse, du Conservatoire à la Haute-École de Genève. Elle a enseigné une dizaine d’années, avec des méthodes actives, on ne l’imagine pas autrement et surtout mène une carrière indépendante en multipliant les spectacles qui disent du monde en général et du sien en particulier : confronte la musique de Bach à celle des soufis qui se retrouvent dans leurs circularités, voire y ajoute les poésies de Ǧalāl al-Dīn Rūmī (Iran, xiiie siècle), joue en trio de la musique persane avec Pouya Khoshravesh (kamanche, compositions) et Simon Leleux (percussions), se produit en duo avec Sankhoum Cissokho (kora), propose différents assortiments selon les humeurs, avec ou sans épices orientales, dans lesquels s’imbriquent Lili Boulanger, Erik Satie, Claude Debussy, Hildegard von Bingen, Johann Sebastian Bach, Frédéric Chopin, Franz Schubert…

Elle fêtait vendredi dernier la sortie de son deuxième album Debussy in Resonance, au Rens Lipsius Studio, quai de Valmy, un de ces nombreux chouettes lieux parisiens qu’on découvre toujours avec curiosité et plaisir. Rens Lipsius y expose fort à propos ses toiles aux reflets d'eau.

On comprend rapidement que pour Joann Goodale, la musique de Claude Debussy est un médium parfait par lequel elle peut exprimer son certain mysticisme de la nature et son attirance pour le sacré oriental. « L’expressionnisme » de Debussy faisant souvent référence à la nature, également en tirant un peu, au sacré par sa Cathédrale engloutie et ses Pagodes, deux pièces au programme. Surtout au-delà du symbole, et de l’orientalisme ambiant de son époque, son emploi des gammes par tons et par cinq notes (gammes pentatoniques), son attrait pour la musique des gamelans, font pénétrer l’Asie dans sa musique qui s’accorde merveilleusement bien (ou inversement) avec le décor sonore général que la pianiste complète de ses « compromisations » faites d’improvisations, d’improvisations fixées et d’écriture, pour le piano, ses cordes seules maillochées ou mises en vibrations par des ebows, son bois pour la percussion, des bols tibétains et petits gongs.

Nous ne sommes pas spécialement sensible au mysticisme sous-jacent qui semble guider Joanna Goodale, sous le signe du rêve et de l’eau, divisant son concert (et son album) et trois parties : Océan, Terre, Temples, mais nous comprenons bien que pour elle, se contenter de jouer brillamment la partition ne suffit pas au spectacle, qui doit « raconter » quelque chose et que l’artiste doit le faire à sa manière. De ce point de vue, c’est une pleine réussite.

Sa virtuosité, son exceptionnelle maîtrise des tempos, surtout des mouvements rythmiques, son bon goût musical, ses facilités d’improvisatrice nous font penser à Keith Jarret en plus joyeux. Son originalité risque de mettre quelque peu dans l’embarras les perroquets grands médiatiques, mais elle est et sera certainement portée par le bouche-à-oreille.

Dans ce Debussy chinoisé, les thèmes bien français des comptines « do do l’enfant do » et de « nous n'irons plus au bois », structurant les Jardins sous la pluie, ont paru particulièrement tendrement malicieux.

1. Joanna Goodale, Opening ; 2. Claude Debussy, La Cathédrale Engloutie (Préludes) ; 3. JG, In the Ocean ; 4. CD, Images I, « Reflets dans l’eau » : 5. ​CD, Children’s Corner, « The snow is dancing  » ; 6. JG, After the Snow ; 7. CD, Estampes, « Jardins sous la Pluie » ; 8. CD, Images II, « Et la lune descend sur le temple qui fut » ; 9. JG, In the Temple ; 10. CD, Estampes, « Pagodes » ; 11. CD, Suite bergamasque, « Clair de Lune » ; 12. JG, In resonance (récapitulation)​.

Jean-Marc Warszawski
28 mai 2022
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Dimanche 29 Mai, 2022 1:04