Saint-Louis des Invalides, 16 novembre 2023 — Frédéric Norac
LesSurprises. Photographie © Antoine Gérez - Les Grands Concerts.
Si le Te Deum de Charpentier est bien connu au-delà même des amateurs de musique baroque, depuis son utilisation comme générique de l’Eurovision, celui de Desmarets (qui en a écrit deux) reste pour le moins confidentiel. Les deux pièces ont en commun une volonté de célébration de la victoire, probablement celle de Steinkerque dans le cas de Charpentier, pour le second le contexte n’est pas connu. Elles utilisent le même effectif instrumental, notamment la trompette et les timbales, et débutent toutes deux par une fanfare jubilatoire introduisant le chœur de louange à Dieu. Elles appartiennent toutes deux à la même école stylistique et pourtant paraissent bien différentes et ne semblent pas utiliser tout à fait le même découpage du texte, pour autant qu’on puisse en juger à une première écoute.
Le Te Deum de Desmarest dit « de Lyon » (car il a été retrouvé dans les archives de la société de concerts locale), écrit vraisemblablement vers 1707, nous renvoie à l’esthétique des grands motets de la Chapelle royale et de l’ère de Lully mais avec une liberté d’invention, de longs moments méditatifs, de riches interventions des voix solistes qui en renouvellent sans cesse l’intérêt. Celui de Charpentier, plus ancien, paraît plus formel, reposant sur de petits ensembles de deux ou trois voix que vient régulièrement soutenir l’ensemble choral.
Louis-Noël Bestion de Camboulas. Photographie © Jean-Baptiste Millot.
On ne pouvait trouver lieu plus approprié que les Invalides, parfaitement contemporaines de leur composition, pour faire résonner ces deux pièces typiquement Grand Siècle, auxquelles a été adjoint en guise d’intermède le motet « Usquoque Domine » de Desmarets.
Les Surprises y font merveille avec des solistes qui forment également l’ensemble choral et dont les douze voix suffisent à emplir le grand vaisseau de la cathédrale. On distinguera particulièrement parmi eux, le soprano chaleureux d’Eugénie Lefèvre, et celui plus léger et fruité de Cécile Achille. Du côté masculin, Jean-François Lanièce s’impose avec autorité dans les grands récits et Etienne Bazola vient renforcer les deux trios d’hommes avec un timbre rond et naturel. La haute-contre de François Joron est d’une grande clarté et la voix de taille de Clément Debieuvre souple et caressante. Du côté instrumental, on salue la prestation de la trompette naturelle de Jean-Charles Denis, à la sonorité brillante et toujours parfaitement juste ainsi que la netteté rythmique des timbales de Manon Duchemin. Le reste de l’ensemble est évidemment parfaitement en phase avec une musique qui lui va comme un gant et que Louis-Noël Bestion de Camboulas dirige avec souplesse et précision. En bis, le chef offre une pièce de Desmarets dont l’orchestration semble nous emmener du côté des sommeils de l’opéra baroque.
Ce programme, enregistré par le label Alpha, sera disponible en janvier prochain pour une écoute approfondie. En attendant, on peut retrouver le Te Deum de Desmarets en vidéo dans une distribution assez proche.
Frédéric Norac
16 novembre 2023
norac@musicologie.org
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Lundi 20 Novembre, 2023 16:54