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Théâtre des Champs-Élysées, 1er avril 2023 — Frédéric Norac

Des Puritains de bon aloi

Les Puritains, Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © musicologie.org.

On attendait beaucoup de cette version de concert des Puritains, d’abord pour la présence — rare à Paris — de Jessica Pratt dans un rôle où elle s’est abondamment illustrée et dont elle est actuellement une des meilleures spécialistes. Dès son entrée en scène, l’osmose est évidente avec le personnage qu’elle incarne plus encore qu’elle ne l’interprète, le faisant exister par sa présence, ses mouvements et ses regards, se passant de la partition qu’elle connaît évidemment par cœur. Techniquement sa performance est au-dessus de tout éloge, même si quelques petites baisses de régime se font sentir, çà et là, dès que le rôle descend un peu trop dans le bas médium. La colorature est magnifiquement maîtrisée et elle offre dans la reprise de la cabalette de la scène de la folie d’Elvira un jeu de variations inédites de son cru, se révélant toujours d’une grande expressivité.

Face à elle, Lévy Segkapane (remplaçant Xabier Anduaga initialement prévu) parait assez léger. Certes, sa ligne de chant dans l’air d’entrée est remarquablement soignée. Les contre- dont est hérissé le rôle d’Arturo sont négociés avec élégance et sûreté et il arrive même à toucher sans dégâts à l’impossible contre-fa du grand ensemble au dernier acte, mais le matériau vocal reste celui d’un ténor « di grazia » et ne suffit que partiellement à donner toute sa dimension à ce rôle de ténor lyrique assez central, écrit pour le légendaire Giovanni Battista Rubini.

Du côté des clefs d’ut, Gabriele Viviani assure un Riccardo de belle allure vocale, avec le mordant et la sévérité voulus pour ce rôle de « méchant ». La basse polonaise Krzystof Baczyk est un Giorgio imposant, mais d’une souplesse limitée et c’est surtout dans le célèbre duo patriotique « Suoni la tromba » qu’il donne toute la mesure de ses moyens malgré un petit accident sur une note rebelle. Tamara Bounazou offre au rôle épisodique d’Enrichetta son mezzo assez clair, faisant valoir quelques belles notes graves dans le trio élégiaque des « adieux » au premier acte, souvent coupé. Les deux petits rôles de Walton et de Bruno sont tenus avec compétence par Giacomo Nanni, jeune baryton au timbre intéressant, et Riccardo Romeo, membre du chœur de chambre Les Éléments qui fait preuve d’une belle implication tout au long de la soirée.

À la tête de l’orchestre de chambre de Paris, aux pupitres solistes très sûrs, notamment du côté des cuivres très exposés dans cette partition où les accents militaires sont très présents, Giacomo Sagripanti donne une lecture sans temps morts ni aucune baisse de tension de la partition de Bellini, avec toutes ses reprises et ses cadences, à l’exception d’une petite coupure dans la romance d’Arturo à l’acte III où l’intervention des chœurs a disparu.

plume_07 Frédéric Norac
1er avril 2023
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