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Caen, les 8 et 10 février 2023 —— Alain Lambert.

Jean Claude Gallotta : Ulysse et Pénélope en noir et blanc

Ulysse. Photographie © Guy Delahaye.

Dans ce ballet repris en 2021 quarante ans après sa création, on voit les chevaux de Troie caracoler et folâtrer en chevauchée chaloupée, on y voit Pénélope danser la calypso, ou bien la nymphe se danser elle-même. Puis on cherche Ulysse, Polyphème, Circée comme dans un livre pour enfant. Au milieu des ondulations collectives, ludiques et sensuelles, parfois réduites à la rencontre de deux corps en mouvement, générés par une musique synthétique, de Henry Torgue et Serge Houpin, riche et envoûtante, en rappel de l'époque où les Vangelis et Tangerine Dream inventaient de nouveaux espaces musicaux et mentaux. Esthétique et hypnotique.

Avant de comprendre que peut-être les cinq danseurs sont le héros voyageur, peut-être les cinq danseuses sont-elles sa dame de cœur ?  Tous bruns, et de blanc vêtus en écho à la Grèce ancienne ?

À moins qu'il ne s'agisse des personnages de James Joyce, Léopold Bloom et sa femme Molly pris dans le flot chaotique des pensées muettes et mouvantes de leur conscience volatile?

En tout cas, pas de surtitrage ni de livret, quelques onomatopées et un texte déclamé en un semblant de grec vers la fin. Avant que le tableau du début ne se renouvelle au final, sauf que là où tous et toutes venaient se relayer dans la posture de la statue, à gauche de la scène, seul un est remplacé par une. Pour annoncer la suite ?

Et puis deux jours après, c'est Pénélope du même chorégraphe, créé l'an passé, 41 ans après le retour d'Ulysse, qui reste d'ailleurs confiné dans son palais, nous dit la voix narrative déjà entendue dans My Rock et My Ladies Rock. Avec les mêmes danseuses et danseurs, jeunes pour la plupart, et tous habillés de noir cette fois.

Pénélope. Photographie © Guy Delahaye.

On pourrait se demander ce que sont devenus ceux du début, qui avaient trente ou quarante ans alors. Peut-être y répond-il par la vidéo en noir et blanc nous montrant ce vieux couple toujours dansant, malgré les obstacles de l'âge, elle disant en voix off qu'une journée sans danser serait une journée perdue. Leur image projetée sur un écran transparent derrière lequel les corps d'aujourd'hui se révèlent en clair-obscur.

La voix du narrateur et les titres sur l'écran nous disent l'essentiel de l'histoire. Les cinq Pénélope, face aux cinq prétendants, ne sont pas restées cloitrées à faire tapisserie, mais sont devenues guerrières et indociles, d'où tous ces corps à corps ambivalents, entre séduction et évitement, entre coups et caresses. Toute l'histoire de la lutte féministe pour accéder à l'égalité résumée par la gestuelle et l'échange des costumes, les hommes se retrouvant en bikini et les femmes en veste dans une séquence qui inverse la première où les prétendants faisaient la loi dans le palais. Avant le final où toutes et tous se retrouvent avec la même tenue épurée.

La musique aussi a été en partie composée par des musiciennes. Noémie Boutin, Géraldine Foucault et Marie Nachury pour la première partie, plutôt bruitiste et contemporaine, avec un clin d'oreille à Bach. Sophie Martel pour les trois dernières parties, entre flamenco rock, prog rock et quasi métal pour le final rythmique et collectif, plus quelques nuances de gestes individuels. Et Antoine Strippoli pour la seconde partie plus rock électro. Cette dominante rock donne au ballet une énergie et une dynamique jubilatoire.

Pénélope à voir encore au Luxembourg le 22 février, à Dieppe le 16 mars (avec Ulysse le 14), à Grenoble les 22 et 23 mars et au Havre  les 16 et 17 mai.

Au théâtre de Caen à venir entre danse et acrobatie aérienne, Corps extrêmes de Rachid Ouramdane les 14 et 15 mars dans le cadre du festival Spring.

plume 14 Alain Lambert
8 et 10 février 2023
© musicologie.org
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Mardi 28 Février, 2023 12:06