Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 30 janvier 2023 — Frédéric Norac
Sandrine Piau et David Kadouch. Photographie © Théâtre de l'Athénée.
On connaît surtout Sandrine Piau comme chanteuse lyrique et tout particulièrement pour ses affinités avec les répertoires baroque et classique qu’elle a beaucoup servis dans une carrière d’une belle longévité. Avec ce troisième lundi musical, on la découvre en récital, maîtrisant les arcanes du Lied romantique et de la mélodie française du tournant du dix-neuvième siècle. Dans un allemand d’une grande pureté, avec un naturel qui cache un travail approfondi sur chacune des pièces. Elle interprète en première partie quelques tubes du répertoire germanique, Franz Schubert (Lied de Mignon, Der Tod und das Mädchen), Franz Liszt (Der Fischerknabe), Hugo Wolf (trois Möricke-Lieder) et, plus rares, deux Lieder de Clara Schumann sur des poèmes de Heine, « Sie liebten sich beide » et une version très personnelle de la Lorelei. Son accompagnateur David Kadouch y ajoute un Scherzo no 2 très enlevé de la compositrice avant que la soprano ne conclue la première partie avec le célèbre Roi des aulnes (Erlkönig) de Schubert, où si la différenciation des trois voix en jeu parait hors de portée de sa tessiture, elle sait, avec la complicité du pianiste, évoquer la montée de la tension et la panique galopante qui emporte jusqu’à la conclusion tragique l’étrange poème de Heine.
On la retrouve dans la seconde partie faisant dialoguer le Claude Debussy des Cinq poèmes de Baudelaire avec Lili Boulanger et ses Clairières dans le ciel sur des poèmes de Francis Jammes dont elle ne donne que trois mélodies, pour le premier, et deux seulement pour la seconde. On le regrette particulièrement dans le cas de la compositrice dont l’originalité est d’une rafraichissante nouveauté comparée au côté un peu rabâché de certains Debussy, comme « Recueillement » dont la mise en musique est terriblement conventionnelle et le poème bien long. Henri Duparc est évidemment présent avec son « Invitation au voyage » et Liszt fait retour pour conclure la soirée avec le fameux « Comment disaient-ils ? », chanté avec une touche primesautière bienvenue.
On reste captivé par la voix de la soprano qui, à un âge où certaines voix donnent de sérieux signes de fatigue, a gardé toute sa fraicheur, sa ductilité, son aigu facile, tout en s’élargissant assez pour aborder des répertoires un peu plus lourds. Elle trouve en David Kadouch un accompagnateur raffiné et fiable. En guise de bis, la soprano offre une « Reine de cœur » de Poulenc dont on regrette de devoir dire que pour la première fois de la soirée le texte est résolument incompréhensible et une mélodie qui doit être une berceuse yiddish (chantée en allemand à ce qu’il nous a semblé) dont l’annonce est si confidentielle que seuls les deux premiers rangs ont dû capter le nom du compositeur.
On pourra bientôt retrouver le programme de ce concert dans un cédé à paraître sous label Alpha sous le titre « Voyage intime » qui répond bien au climat voulu par les interprètes et que renforçaient pour ce concert les lumières de Catherine Verheyde.
Frédéric Norac
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