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Coutances les 10 et 11 mai 2024 —— Alain Lambert.

Des musiques ensoleillées au 43e Jazz Sous Les Pommiers

Une semaine de festival un peu fraiche d’abord, et un pont du 8 mai enjambant l’ascension en plein soleil estival. « Jazz sous les manguiers », blaguera Flavia Coelho la brésilienne pour le dernier gros concert le second samedi soir. Le public est bien sûr présent soit pour profiter des animations de bars et de rues, musicales ou circassiennes, soit pour remplir les différentes salles de concert à 97 %, en tout environ 70 000 spectateurs pour une ville d’à peine 9000 habitants. Venus pour moitié du département, pour deux tiers de la région, et d’un peu partout pour le dernier. Et presque 500 bénévoles pour accueillir tout ce beau monde, artistes et public.

Vincent Peirani, Ballaké Sissoko, Vincent Segal, Émile Parisien. Photographie © Patricia Segretinat.

À peine arrivés ce vendredi, et garés de justesse, nous découvrons dans la grande salle Marcel Hélie Les égarés, réunion de deux duos célèbres, Ballaké Sissoko/Vincent Segal à la kora et au violoncelle, Vincent Peirani/Émile Parisien à l’accordéon et au soprano. L’acoustique est excellente pour apprécier les nuances et les couleurs de leurs musiques partagées. Les quatre musiciens aussi, des thèmes des uns ou des autres, des arrangements soignés, des improvisations inspirées qui amènent le saxophoniste à danser autour de sa chaise. Plus deux compositions conviées, Orient Express de Joe Zawinul et Esperanza de Marc Perrone, qui donnent une idée de la palette musicale, du jazz fusion mâtiné de folk et de musique du monde.

New Garo. Photographie © Patricia Segretinat.

La création du soir est en fait une coproduction entre quatre festivals, initiée par celui de Vienne, mais inaugurée à JSLP à cause de sa précocité printanière. Un hommage avec une dizaine de chanteuses et chanteurs à Claude Nougaro, poète francophone du jazz disparu il y a 20 ans. New Garo donc, avec un grand orchestre, mi-cuivres mi-cordes (trop nombreuses d’ailleurs, un quatuor aurait suffi), dirigé par le bassiste Fred Pallem. Une première un peu trop forte en son, un peu bazar aussi entre les différents intervenants vocaux, mais de jolis moments quand même, quand Jacques Gamblin débute par le beau texte sur la danse (sauf que l’orchestre le couvre en intervenant en masse sonore mal contrôlée), quand Thomas de Pourquery se lance dans une impro lumineuse avec les seules cordes avant de reprendre la chanson pour Hélène. Ou quand Gaby Hartmann nous le chante en français et brésilien dans ses adaptations de là-bas. Jowee Omicit est excellent aussi dans sa reprise de L’amour sorcier, sans oublier André Minvielle, Babx, Sanseverino ou Marion Rampal qui chacun à leur façon s’en tirent bien. À boire et à manger donc dans cet hommage qui va forcément se bonifier au fil des festivals d’été.

Leïla Olivesi Octet. Photographie © Patricia Segretinat.

Juste après au théâtre, le jazz pur de Leïla Olivesi, pianiste et compositrice, avec son octet qui sonne comme un grand orchestre, aux cuivres magnifiques, Baptiste Herbin à l’alto, Jean Charles Richard au baryton et au soprano, David Sanchez au ténor et Quentin Ghomari à la trompette. Yoni Zelnik est à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. Manu Codja est à la guitare, mais un peu en retrait malheureusement. Une belle écriture, une belle complicité avec les cuivres qui improvisent à volonté, bien emmenée par la section rythmique. Et de jolis soli de piano, presque un peu décalés par rapport à l’énergie des vents.

Fanny Ménégoz Quartet. Photographie © Patricia Segretinat.

Le lendemain, le soleil est chaud dès le matin, le vent marin venu de Montmartin est juste comme il faut. S’il n’était pas là, on fondrait. La journée musicale commence à midi pile avec les cloches de la cathédrale au Magic Mirror et Nobi, le quartet de la flutiste compositrice Fanny Ménégoz, entourée de Gaspar José au vibraphone et aux percussions (une batterie de casseroles sans manches qui sonnent comme un gamelan balinais), Alexandre Perrot à la contrebasse et Iannick Tallet à la batterie. Un ensemble pour huit mains comme le dit un titre du cédé Vertes brumes déjà chroniqué ici il y a tout juste un an. Avec une écriture presque New Thing, expérimentale sans excès où les doubles percussions, enfiévrées, et bien charpentées par la basse, laissent une belle liberté à la flûte pour s’envoler, chanter ou miauler tout en laissant une grande place aux autres musiciens.

Future of Jazz. Photographie © Patricia Segretinat.

Retour à la grande salle pour Future of Jazz, un groupe d’une huitaine de jeunes musiciens formés au Lincoln Center de New York, déjà bien doués. Auquel JSLP a proposé d’en faire un big band en ajoutant autant de jeunes musiciens français et cuivrés, dont trois jeunes musiciennes, repérés dans les réseaux du festival. Ils étaient au Mémorial de Caen la veille, pour ouvrir la commémoration du 80e anniversaire du débarquement. Et aussi le 125e anniversaire de la naissance de Duke Ellington. Déjà, sur les trois premiers morceaux en octet, ils impressionnent de puissance et d’invention improvisée. Mais les Français s’en tirent bien dans le jeu d’ensemble et les solos de sax, de trombones ou de trompettes. C’est le pianiste Domo Branch qui mène l’ensemble, superbe soliste et chef d’orchestre attentif, car les arrangements, aussi complexes sinon plus que ceux d’Ellington, ne sont pas faciles. On sent bien pourtant l’entraide des plus entrainés pour les invités, et la machine tourne impeccablement, avec un son d’aujourd’hui pour des compositions qui n’ont pas pris une ride.

S.O.U.L. Photographie © Patricia Segretinat.

Parmi les artistes, fanfares et musiciens de rue, de place, de chapiteau ou de bar très nombreux pour le grand plaisir des promeneurs, nous avons retenu la chorale funky S.O.U.L venue de Rennes (fb Chanter la voix libre) avec un chef de chœur dynamique, des voix chorales et en solo de haute tenue, des morceaux gospel, ou de Tina Turner, d’Etta James ou d’autres qui résonnent encore sur la place Saint-Nicolas. Et le public participe, après une répétition bien menée, en reprenant à trois voix Wade in the water de façon très réussie. On espère les réentendre.

Flavia Coelho. Photographie © Patricia Segretinat.

De retour dans la grande salle pour le concert de la Brésilienne Flavia Coelho, les chaises devant les gradins ont été enlevées pour permettre au public de danser. Ce qu’il ne va pas manquer de faire avec ce quartet entre samba rock, reggae, rap et biguine, de la multiinstrumentiste, chanteuse et danseuse installée à Paris depuis presque 20 ans. Et c’est parti pour « Jazz sous les manguiers » pour deux heures non stop, avec Victor Vagh aux claviers et machines, Al Chonville à la batterie et Caetano Malta à la guitare électrique. À la guitare, au clavier, à la batterie et au trombone nouvellement appris, entre deux morceaux, Flavia nous raconte en bon français tout plein d’histoires avant de se lancer dans une nouvelle chanson de sa belle voix puissante et ondoyante à laquelle il est difficile de résister.

La 44e édition aura lieu l’an prochain du 24 au 31 mai, lune oblige, mais avec autant de soleil musical.

Alain Lambert
10-11mai 2024
© musicologie.org


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Mardi 14 Mai, 2024 21:22