30 mars —— Alain Lambert.
Rivages de Sroka, The Mess We Leave Behind du chanteur Giorgio Alessani, Jusqu’où s’évapore la musique ? du Jérôme Lefebvre FMR Orchestra, Spring Sings du Yes ! Trio, Oldlegum Mugeldlo du Pierre Louis Garcia 5tet, Maxima Poesia du Julien Dupont Armstrong 4tet, Work in Progress du Eric Barret Trio et Outre du big band lyonnais The Very Big Experimental Toubifri Orchestra.
Rivages (Jazz Family 2024) de Sroka (Martin Sroczynski) est l’album d’un bassiste, percussionniste, claviériste et compositeur originaire de Nouvelle-Calédonie, dont c’est le second album enregistré en Gironde. Un jazz-rock coloré, lyrique et pêchu, avec Paolo Chatet à la trompette et au bugle, Christophe Bazin au piano, Emile Guillaume à la batterie et Pierre Meunier au violon. Des rivages kanaks à ceux de l’Atlantique, il n’y a qu’une ligne de basse à suivre, et à habiller de sons multiples, venus de divers horizons. Un cœur palpitant, sur lequel plane le bugle, et qui sait aussi chanter en solo mélodique (Macatresi-Aguilas). Un bel album voyageur.
The Mess We Leave Behind (Alfa Music 2024) du chanteur Giorgio Alessani a été composé pendant la pandémie, sur un piano. Le poète new-yorkais Cedric McClester a mis en mots toutes les chansons en anglais, le chanteur en a écrit une en italien (Fino a ché vivro) et la chanteuse Anne Sila, en chœur sur l’album, une en français (L’heure de notre histoire). L’entourent superbement aussi André Ceccarelli à la batterie, Cédric Hanriot aux claviers, M-Carlos au sax, Juanjo Mosoalini au bandonéon, et Rember Duharte à la trompette. Une voix un peu rauque et voilée qui envoûte de sa soul mélodique dès les premières secondes.
Jusqu’où s’évapore la musique ? (Altrisuoni 2024) est l’œuvre du guitariste compositeur Jérôme Lefebvre en sextet avec Timothée Quost à la trompette, au bugle et à l’électronique, Loïc Vergnaux aux clarinettes, Guillaume Orti aux sax, Benoît Keller à la contrebasse et Daniel Jeand'heur à la batterie. Une suite en quatorze moments très divers dont quelques transitions libres. A Courbet est suivi du Petit matin du peintre avant de passer à La Sieste et à la Grave Ballade. Le thème titre pincé sur les cordes de la guitare est en avant-dernier puisque l’album se clôt par un long Bordello con expressividad. Un chouette album bien déroutant.
Spring Sings (Jazz&people 2024) du Yes ! Trio composé d’Ali Jackson à la batterie, d’Aaron Goldberg au piano et d’Omer Avital à la contrebasse. Des chansons printanières pour accompagner le changement de saison, que demander de mieux à ce trio mélodique et chantant, venu de l’autre bord de l’Atlantique pour enregistrer en France. C’est à New York qu’ils se sont croisés et voilà leur troisième album autour des compositions du batteur, plus une du contrebassiste et deux standards, The best is Yet to Come et How Deep Is the Ocean. Un beau trio intemporel au clavier véloce, à la basse vibrante et à la batterie bruissante et télescopée.
Oldlegum Mugeldlo (Palestro 2024) du saxophoniste clarinettiste compositeur Pierre Louis Garcia. En 1988 sortait l’album Oldlegum, joué au New Morning en live à la même période, et dont deux bandes magnétiques témoignent. Oubliées sur une étagère, puis retrouvées et restaurées, elles sont publiées intercalées avec l’album studio original, quatre pistes sauvées de l’oubli aux titres inversés. Nguyen Lê était à la guitare, Sylvain Marc à la basse, Benoit Sourisse aux claviers, André Ceccarelli plus quelques invités. Un jazz-rock qui n’a pas vieilli d’un poil ni d’une anche ni d’une corde. Et qui donne naissance à un nouveau quintet, un peu remanié.
Maxima Poesia (Collectif éphémère 2024) est l’œuvre d’un quartet insolite mené par Julien Dupont Armstrong à la basse et à la voix, Anne Mispeltre aux harpes, classique ou électrique, et aux effets, Nicolas Fargeix aux clarinettes et François Merville à la batterie. Comme son nom l’indique, l’album est « une ode à la poésie des marges », offrant des paysages musicaux aux textes de Boris Vian, Peter Handke, Joyce Mansour, Arthur Cravan ou Jacques Vaché. Dits avec brio et naturel par le bassiste, non susurrés comme souvent ailleurs, les textes sont doublement mis en valeur au chœur des arrangements musicaux, élégants et inventifs.
Work in Progress (Jazz Family 2024) du saxophoniste ténor et compositeur Eric Barret, accompagné de Emil Spanyl au piano et Gauthier Garrigue à la batterie. Ce cédé a été enregistré live au Jazz club de Dunkerque en juin 2022. Quand le temps des musiciens, de jazz en particulier dans un club intime, est aussi celui des auditeurs. Qui participent ainsi par leur présence et la couleur de leur attention, dans le processus de création spontanée. L’improvisation, le travail toujours en progression au fil des titres, des disques et des concerts. Les sept longs morceaux de cet album en sont profondément le témoignage et le reflet mouvant.
Outre (La Grande Expérimentale 2024) est le 4e opus d’un big band lyonnais d’une vingtaine de musiciens au nom insolite de The Very Big Experimental Toubifri Orchestra. Tout un programme, plus jazz progressif qu’il n’y paraît, entre Robert Wyatt, Soft Machine, Pink Floyd cuivré ou Zappa. Mais à leur sauce bien singulière et passionnante, aux textes intrigants, dont un de Richard Brautignan et deux du bassiste. La vibraphoniste, le tromboniste, le saxophoniste, le guitariste, le bassiste et le batteur ont composé les musiques. Les morceaux instrumentaux et vocaux s’entrecroisent et nous plongent dans un bien étrange univers sonore.
Alain Lambert
30 mars 2024
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Vendredi 29 Mars, 2024 18:50