Donizetti, L’esule di Roma, Nicola Alaimo (Murena), Albina Shagimuratova (Argelia), Sergey Romanovsky (Settimio), Lluis Calvet i Pey (Publio), Kezia Bienek (Leontina), André Henriques (Lucio, Fulvio), Opera Rara Chorus (Stephen Harris), Britten Sinfonia, sous la direction de Carlo Rizzi. Opere Rara 2024 (2 CD, ORC 64 ).
Enregistré à Fairfield Halls en mai 2023
Nous commençons à bien connaître les années napolitaines de Rossini et à comprendre comment le compositeur y expérimenta toute sorte de nouveautés, faisant de sa période dans la capitale du sud de l’Italie une des périodes les plus intéressantes de sa carrière. Mais nous oublions souvent que Donizetti y séjourna aussi — bien sûr, après le cygne de Pesaro — et que pour le compositeur de Bergamo la période napolitaine fut aussi une période fondamentale.
Grâce à Opera Rara nous pouvons nous pencher sur L’esule di Roma, composée dans ces années. On y sent que Donizetti est en train de créer son style. À partir du modèle rossinien (on entend particulièrement le poids de Semiramide sur cet Esule di Roma), Donizetti réalise ses propres trouvailles, et il est touchant de sentir comment, sur une entrée en scène typiquement rossinienne, tel ou tel personnage va partir sur une cantilène que nous pouvons qualifier de clairement appartenant au meilleur Donizetti, pour finir sur une cabaletta où les deux styles se mélangent.
Aussi, il n’est pas rare, au détour d’une phrase commencée à la façon de Rossini, de découvrir une mélodie qui nous rapproche de Luccia di Lammermoor ou de Lucrezia Borgia. Ou d’entendre un motif donizettien qui reçoit un final rossininien…
Mais au-delà de l’indéniable intérêt musicologique (nous nous sentons un peu apprenti détective jouant à déceler le maître qui est en train de poindre), l’œuvre est emplie de très beaux passages (en particulier le trio des trois protagonistes du premier acte, ou le duo entre père et fille au second) et de très belles phrases. École rossinienne ou déjà style donizettien, peu importe, le plaisir est là.
L’écoute est d’autant plus jouissive que l’œuvre est servie par de beaux interprètes.
Sergey Romanovski campe un Settimio doucement mélancolique qui ne craint pas les passages de bravoure. Belle voix, belle incarnation. Albina Shagimuratova comme sa bien-aimée, tiraillée entre l’amour à l’exilé et la fidélité à son père, a un timbre tout à fait personnel qui la rend très touchante. Quant à Nicola Alaimo qui incarne le torturé père, sa voix de basse claire s’adapte à merveille aux coloratures rossiniennes et aux cantilènes donizettiennes. Son implication dans le rôle peut pourtant par moments sembler excessive, avec le risque de sortir du style. Belle surprise, celle de Lluis Calvet i Pey, avec une voix barytonale emplie d’harmoniques et une belle fougue. Kezia Bienek et André Henriques complètent avec bonheur cette distribution.
L’Opera Rara Chorus, bien préparé par Stephen Harris, ainsi que le Britten Sinfonia, sont une des clés de ce succès. Toujours dans le style, un son rond sans excès, Carlo Rizzi sait leur insuffler douceur et dramaturgie. E « italianità ».
Comme d’habitude chez Opera Rara, le livret contient de très intéressants articles en plus du livret en anglais et en italien. Bonne qualité technique aussi de l’enregistrement.
En somme, un coffret savoureux, passionnant pour les passionnés et bien agréable pour tous les amateurs de belcanto.
Frédéric Léolla
20 juin 2024
L'esule di Roma, ossia Il proscritto, melodramma eroico in due atti (Naples 1828). Musique de Gaetano Donizetti. Libretto de Domenico Gilardoni d’après le drame Androclès ou le lion reconnaissant de Louis-Charles Caignez. Édition critique de Roger Parker et Ian Schofield. Le livret inclut le livret (italien/anglais), des articles de Roger Parker et d’Eleonora di Cintio (anglais) et le synopsis (anglais/français/allemand/italien). Producteur, Jeremy Hayes, ingénieurs d’enregistrement, Mike Hatch et Mike Cox. Directeur de production, Aurelie Baujean.
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