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11 juin 2024 — Jean-Marc Warszawski

Motets et Partitas à Leipzig : la beauté made in Bach qui sauve le monde

Jonathan Sells et le Monteverdi ChoirJonathan Sells et le Monteverdi Choir, Nikolaikirche, leipzig, 9 juin 2024. Photographie © musicologie.org.

La grisaille semblait accompagner un temps un peu frisquet en ce 9 juin 2024 à Leipzig, depuis la fenêtre du troisième étage face à l’école primaire Auguste Bebel, dont le silence renforçait la morosité ambiante. C’est un peu triste, une école désertée, une cour de récréation qui ne braille pas. Mais une fois dans la rue, en marchant vers l’arrêt du tram no 7 (on peut aussi emprunter le no 4, ou aller simplement à pied), il a fallu tomber la veste, parce qu’il faisait chaud et même joyeux. Ce qui prouve peut-être qu’on ne doit pas juger les choses de trop haut.

Il n’était plus temps pour aller boire quelques verres rue Karl Heine, peut-être au Felsenkeller, qui entretient la mémoire du temps où la salle de bal accueillait les réunions politiques et syndicales, auxquelles Rosa Luxemburg ou Karl Liebneck, entre autres, participaient. Les trams nos 4 et 7 conviennent, mais il faut changer pour le 14 à Augustaplatz. Il n’était plus temps, certes, mais il y avait encore du temps : pourquoi ne pas le tuer au musée Grassi ?

Il y avait une grande quantité de vélos entassés et beaucoup de badauds fourmillant devant l’entrée du musée, qui organise souvent des événements dans ses deux patios. Cette fois, des artisans céramistes exposaient leurs productions. À l’abri du vent, le soleil y était brûlant, promesse d'un été accablant ! Après avoir fait le tour des stands, l’envie de culture s’étant amenuisée, nous attendîmes l’heure du concert en buvant quelques verres, du côté de la rue Pierre.

Isabelle FaustIsabelle Faust, Nikolaikirche, Leipzig, 9 juin 2024. Photographie © musicologie.org.

Il y a foule devant l’église Saint-Nicolas, ce lieu d’où sont parties les immenses manifestations qui ont mis fin, en 1989, au socialisme de caserne pour le profit de l’assommoir libéral. C’est comble jusqu’à la plus haute galerie proche du plafond, pour ce programme original (mais pas inédit) : « Motets et Partitas en dialogue ». D’un côté, Isabelle Faust, perchée dans un premier temps sur la tribune d’orgue, puis, pour la deuxième partie, redescendue au milieu d’une travée de la nef et au fond du chœur. De l’autre côté, à l’Est, dans le chœur, le Monteverdi Choir renforcé de membres des English Baroque Soloists, sous la direction de Jonathan Sells.

Car il y a deux parties indistinctement enchaînées, mais distinctes quand même. La première avec des motets de Johann Bach, Johann Michael Bach, Johann Christoph Bach (un de Johann Sebastian), qui répondent à des œuvres pour violon seul de Nicola Matteis, Johann Georg Pidensel, Heinrich Ignaz Frantz von Biber, et une seconde partie à nombre égal de numéros, entièrement consacrée à Johann Sabastien Bach, des motets et des extraits de ses Partitas et sonates pour violon seul. Ce qui d’ailleurs organise une montée en puissance musicale perceptible.

Le programme bénéficie de l’intelligence musicale d’Isabelle Faust, qui ne force pas le son, accentuant l’effet d’introspectio solitaire et d’un chœur d’un équilibre parfait, avec des sopranos, la voix bien couverte, qui ne stridule pas en puissance, des ténors (en général le maillon faible), agréablement timbrés et présents, avec une basse continue solide et discrète (viole de gambe, contrebasse, positif, basson).

Jonathan Sells, Isabelle Faust, Monteverdi ChoirJonathan Sells, Isabelle Faust, Monteverdi Choir, Nikolaikirche, Leipzig, 9 juin 2024. Photographie © musicologie.org.

Est-ce un dialogue ? En tout cas le jeu systématique en repons est spectaculaire. Pour qui porte attention aux textes, obnubilés par la mort, s’accrochant à une possibilité d’immortalité lumineuse, il y a même un sentiment dramatique qui fait penser à ce qu’écrivait René Descartes, dans son traité de musique de 1616 : […] il ne faut pas trouver étrange que la musique soit capable de si différents effets, puisque les élégies mesme, et les tragédies nous plaisent d’autant plus, que plus elles excitent en nous de la compassion et de douleur et qu’elles nous touchent d’avantage […]. La beauté qui sauve le monde !

 

plume_07 Jean-Marc Warszawski
11 juin 2024
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Mardi 11 Juin, 2024 11:46