Wolfram von Eschenbach,
Parzifal, Bayerische Staatsbibliothek, ms. Cgm 19, fol. 49v, vers 1240.
Musique de Richard Wagner, sur son propre livret, d’après Parzival de Wolfram von Eschenbach et Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, créé en 1882, Bayreuth, Festpielhaus.
Je n’ai jamais compris pour quel motif précis Kundry est soumise à Klingsor. Il fait allusion à un charme. Puis on comprend que le pouvoir de Klingsor est de ne pas succomber au pouvoir de Kundry (??) (« Aus welcher Macht ?/Ha ! - Wiel einzig an mir deine Macht nichts vermag »). Ce qui peut-être pourrait nous faire basculer dans le chapitre homosexualité, car Klingsor n’est pourtant pas chaste… Mais bon.
Klingsor force donc la femme à se prostituer. Car Kundry n’a aucune envie de « faire le mal » - ce qui veut dire « faire le sexe », « tenter » le chevalier « pur » qui arrive : Parsifal. Ce qui nous permet de deviner dans la relation Kundry-Klingsor une relation de domination, le dominant forçant la dominée à avoir du sexe avec une troisième personne.
Georges Rochegrosse, Le Chevalier aux fleurs,
huile sur toile, avant 1894.
Ainsi, Klingsor serait le proxénète, Kundry la Grande Prostituée (par rapport aux « petites prostituées » que seraient les « filles-fleur » que nous évoquons justement dans le chapitre consacré à la prostitution) et Parsifal l’adolescent qu’il faut dépuceler et qui, en renonçant au sexe pourra devenir, au troisième acte, gardien de la relique sacrée.
Est-ce à dire que Parsifal deviendra prêtre ?
Pas tout à fait, puisque selon Lohengrin du même Wagner, Parsifal engendrera (« légitimement », faut-il supposer) un fils, le dit Lohengrin.
Faut-il donc supposer que la « sainteté » de Parsifal n’est que le « rangement », la canalisation de ses désirs sexuels grâce au mariage avec une femme vierge et « comme il faut » qui lui donnera des enfants « légitimes » et s’occupera de la gestion du ménage ?
Zdenka Mottl-Fassbender dans le rôle de Kundry; Hofoper München 1917 ?
Mode de pensée fort conventionnel au fond, chez le pourtant musicalement révolutionnaire Wagner — et dans la vie réelle, plutôt épicurien Wagner. Mode de pensée que l’on retrouve par ailleurs dans d’autres opéras — musicalement sublimes — du compositeur (Vaisseau fantôme, Tannhäuser,…).
Quoi qu’il en soit, la scène Klingsor-Kundry, de par cette situation de dominant dominée, devient une explosion, une série de « baffes » musicales de Klingsor à la pauvre Kundry, ici bête plaintive, femme souffrante face au puissant Klingsor. Scène très sombre. Et pour cause, c’est le côté obscur de la personnalité humaine pour Wagner, là où se nichent instincts, désir incontrôlé… En 1882 Freud n’est pas encore passé par là, mais il va bientôt arriver.
Richard Wagner, Parsifal, scène finale, Beyreuth 1998, Falk Struckmann (Amfortas), Matthias Hölle (Titurel)Hans Sotin(Gurnemanz)Poul Elming (Parsifal)kkehard Wlaschiha (Klingsor)Linda Watson (Kundry), sous la direction de Giuseppe Sinopoli.
Frédéric Léolla
18 novembre 2024
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