Théâtre des Champs-Élysées, 7 janvier 2025 —— Frédéric Norac
Les Siècles, Théâtre des Champs-Élysées, 7 janvier 2025. Photographie © Théâtre des Champs-Elysées - Cyprien Tollet.
Paris fête le centenaire de la naissance de Pierre Boulez (1925-2016), pontife de la musique contemporaine des années 1950 aux années 1980, au moins jusqu’à l’émergence de nouvelles tendances qui devaient battre en brèche le despotisme de l’atonalité et l’héritage du sérialisme dont il fut un grand sectateur avant de s’ouvrir, par le biais de la direction d’orchestre, à la musique postromantique. L’orchestre des Siècles proposait en guise d’hommage à cette grande figure du vingtième siècle ; une de ses œuvres majeures, Pli selon pli, que le compositeur retravailla et enrichit de sa création en 1958, à sa dernière occurrence en 1990. La dernière version augmentée d’un épilogue intitulé « Tombeau », basé sur un poème, évoque le « passage à l’éternité » de Verlaine et peut-être du compositeur lui-même. Cette ultime pièce qui s’achève sur le mot « mort » est peut-être la seule, étant la plus tardive du cycle, où se sent la recherche d’un effet expressif très frappant. Pour le reste, l’œuvre est un exercice de déconstruction aussi sophistiqué qu’abscons. Basées sur des poèmes de Mallarmé, le plus ésotérique des poètes, les cinq pièces les utilisent littéralement comme pré-texte à la composition musicale qui se veut chaque fois une « improvisation » sur le thème imposé par le poème. Proféré par une soprano, à des hauteurs et sur un mode résolument fragmenté, le texte devient la base de complexes variations, assez répétitives d’un mouvement à l’autre, où quelques trouées nous sortent parfois d’une certaine uniformité. Dominée par les percussions (pas moins de sept instrumentistes) et les vents (disposés à droite du chef d’orchestre à la place traditionnelle des cordes graves), l’orchestration écrase quelque peu la voix de la soliste. Sarah Aristidou, sur-sollicitée dans l’aigu, paraît en effet manquer d’assise et de projection dans le médium. En perpétuelle tension, l’œuvre bannit tout lyrisme et l’on est frappé de voir dans cet ensemble, écrasant de puissance, un guitariste et un mandoliniste dont le premier, bien que sonorisé, est très souvent tout à fait inaudible.
La deuxième partie, où d’évidence quelques auditeurs (et non des moindres) avaient décidé que Boulez leur suffisait, était consacrée à Debussy, un des compositeurs les plus appréciés de Boulez qui l’interpréta de façon magistrale. Frank Ollu ne démérite pas face à ce souvenir et offre une Mer de la plus belle eau, dirigeant sans esbroufe et avec beaucoup de clarté l’orchestre des Siècles, passé pour cette partie sur instruments d’époque, mais toujours d’une parfaite précision. En guise de transition, Sarah Aristidou trouve l’occasion de faire entendre ses qualités d’interprète et son beau soprano colorature dans les Trois poèmes de Stéphane Mallarmé, dans l’écrin que lui offre l’orchestration de Heinz Holliger qui colore subtilement la ligne pianistique originale et joue à parts égales avec la soliste.
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Mercredi 8 Janvier, 2025 21:16