Antony, Théâtre Firmin Gémier/Patrick Devedjian, 13 février 2025 —— Frédéric Norac
Aèdes au Théâtre Firmin Gémier d'Antony. Photographie © D.R.
Dans ce programme en création, construit autour du célèbre Lamento d’Ariana, ce sont les phases de l’amour, de sa naissance à sa fin que Matthieu Romano a voulu évoquer. Rencontre, bonheur naissant, idylle, abandon, rancune et vengeance, le récit se développe sans solution de continuité dans une belle mise en espace où les mouvements des dix-huit choristes sont comme chorégraphiés. Essentiellement composé de madrigaux de Monteverdi, il accorde aussi une place importante à quelques pièces du xxe siècle, tel ce « Dialogue » où femmes et hommes se répondent dans l’exaltation de l’être aimé, une magnifique mise en musique du Cantique des Cantiques de Daniel-Lesur. On entendra aussi une évocation de la nuit (Night) de Ligeti, ainsi que la « Long Night » extraite de Sacred and Profane de Benjamin Britten. Le petit ensemble instrumental (deux violons, deux violes de gambe, violone, théorbe, harpe, orgue et clavecin) se fond à la perfection dans des arrangements qui offrent une parfaite unité à toutes ces pièces de style assez varié, introduites par un inattendu fragment de Siegfried Idyll, l’hommage de Wagner à Cosima pour la naissance de leur fils. Certes, une authentique pièce d’amour et de gratitude.
À la beauté de la musique, le concert ajoute celle de la poésie, en incluant un poème d’Agrippa d’Aubigné (dit par un homme) et un de Paul Eluard dit par l’ensemble des femmes.
Si dans la polyphonie, les chanteurs de l’ensemble Aèdes sont incomparables, on reste un peu plus réservé sur leurs qualités de certains solistes, notamment dans le madrigal « Tempro la cetr » où des quatre ténors en lice, seul Ryan Veillet semble vraiment maîtriser l’ornement et l’expressivité. Il le prouve mieux encore du reste dans la pièce suivante, « Bel pasto », un madrigal dialogué, où il donne la réplique à la soprano Laura Holm.
À cette petite réserve près, le concert est une magnifique réussite. La pièce majeure, le fameux lamento, arrive presque en fin de programme, dans une version assez grandiose à laquelle on peut préférer la nudité expressive de sa version monophonique, plus théâtrale. Mais ici le discours porté par la multiplicité des voix bannit les limites des genres, faisant entendre les plaintes d’Ariane autant par les voix masculines que féminines, ce qui est assez dans l’air du temps. L’avant-dernière pièce du programme madrigaux « Full fathom Five » des Shakespeare Songs de Frank Martin nous annonce la punition de Thésée, dont le corps noyé subit d’étranges métamorphoses. Une extrapolation au regard du mythe lui-même puisque le « traditor » n’en a pas fini de ses aventures féminines après l’abandon d’Ariane à Naxos et qu’Ariane elle-même mourra de chagrin ou se consolera dans les bras de Bacchus (Dyonisos), selon les versions.
En bis le chef offre un madrigal de Piccinni « Perle Care », apportant une note plus joyeuse à la fin du concert après la conclusion plutôt amère de « Cantai un tempo », où se dit toute la désillusion amoureuse.
Concert repris le 6 mars au Conservatoire d’Abbeville
Frédéric Norac
Antony, 13 février 2025
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