Né à Courville-sur-Eure le 2 novembre 1689, mort à Paris le 13 juin 1765.
Parolier de chansons et auteur de livrets d'opérettes, de poésies érotiques et de dithyrambes.
En 1729, il est avec Alexis Piron, Charles Collé, Nicolas Gallet, Bernard-Joseph Saurin, Prosper Jolyot de Crébillon, réunis au café de Nicolas Landelle (12 rue de Buci à Paris), l'un des animateurs du premier Caveau, qui sera rapidement dispersé. Le deuxième Caveau est animé dès 1759 par Marmontel, Suars, Lanoue et Boissy, il disparaît peu avant la Révolution.
Marmontel, Mémoires. Bibliothèque des Bibliophiles, Paris 1891, p. 80-81. Repris en partie par Loire Louis (1815-...), Anecdotes de la vie littéraire. E. Dentu, Paris 1876, p. 95 :
Le bonhomme Panard, aussi insouciant que son ami [Gallet], aussi oublieux du passé et négligent de l'avenir, avoit plutôt dans son infortune la tranquillité d'un enfant que l'indifférence d'un philosophe.
Le soin de se nourrir, de se loger, de se vêtir, ne le regardoit point : c'étoit l'affaire de ses amis, et il en avoit d'assez bons pour mériter cette confiance. Dans les mœurs, comme dans l'esprit, il tenoit beaucoup du naturel simple et naïf de La Fontaine. Jamais l'extérieur n'annonça moins de délicatesse ; il en avoit pourtant dans la pensée et dans l'expression.
Plus d'une fois, à table, et, comme on dit, entre deux vins, j'avois vu sortir de cette masse lourde et de cette épaisse enveloppe des couplets impromptu pleins de facilité, de finesse et de grâce.
Lors donc qu'en rédigeant le Mercure du mois j'avois besoin de quelques jolis vers, j'allois voir mon ami Panard. « Fouillez, me disoit-il, dans la boîte à perruque. » Cette boîte étoit en effet un vrai fouillis où étoient entassés pêle-mêle, et griffonnés sur des chiffons, les vers de ce poète aimable. En voyant presque tous ses manuscrits tachés de vin, je lui en faisois le reproche. « Prenez, prenez, me disoit-il, c'est là le cachet du génie. »
Il avoit pour le vin une affection si tendre qu'il en parloit toujours comme de l'ami de son coeur; et, le verre à la main, en regardant l'objet de son culte et de ses délices, il s'en laissoit émouvoir au point que les larmes lui en venoient aux yeux. Je lui en ai vu répandre pour une cause bien singulière ; et ne prenez pas pour un conte ce trait qui achèvera de vous peindre un buveur.
Après la mort de son ami Gallet, l'ayant trouvé sur mon chemin,je voulus lui marquer la part que je prenois à son affliction « Ah! Monsieur, me dit-il, elle est bien vive et bien profonde ! Un ami de trente ans, avec qui je passois ma vie ! A la promenade, au spectacle, au cabaret, toujours en semble Je l'ai perdu ! je ne chanterai plus, je ne boirai plus avec lui. Il est mort ! je suis seul au monde. Je ne sais plus que devenir. »
En se plaignant ainsi, le bonhomme fondoit en larmes, et jusque-là rien de plus naturel ; mais voici ce qu'il ajouta « Vous savez qu'il est mort au Temple ? J'y suis allé pleurer et gémir sur sa tombe. Quelle tombe ! Ah ! Monsieur, ils me l'ont mis sous une gouttière, lui qui, depuis l'àge de raison, n'avoit pas bu un verre d'eau. Vous allez à présent me voir vivre à Paris avec des gens de mœurs bien différentes, et j'aurois une belle galerie de portraits à vous peindre, si j'avois pour cela d'assez vives couleurs ; mais je vais du moins essayer de vous en crayonner les traits. »
Collé Charles, Journal et mémoires [3 v.]. Firmin Didot, Paris 1868, (3), p. 32-38 ; repris en partie par Pellisson Aurice, Les hommes de lettres au xviiie siècle. Armand Collin, Paris 1911, p. 171 :
Le même jeudi 13 juin est mort M. Panard, âgé de soixante-quatorze ans, d'une attaque d'apoplexie [1.Panard-(C.-F.), Né à Nogent-le Roi, en 1694. Ses Œuvres choisies, publiées en 1803 par Armand Goutté, forment 3 vol. in-18. (H. B.)]. J'ai déjà fait son éloge, et je répète aujourd'hui qu'il a été le meilleur chansonnier que la France ait eu il a excellé surtout dans le vaudeville, pour le théâtre. Aucun poëte n'a approché de lui ; il est autant au-dessus de ceux qui ont travaillé dans ce genre, que Corneille est au-dessus de Campistron dans celui de la tragédie ; M. Favart est l'auteur qui en approche davantage c'est le Racine du vaudeville.
Mais le sentiment et la galanterie qui règnent dans ses couplets ne demandent point la force, l'énergie, le sel, le piquant qui se trouvent dans ceux de M. Panard ; ils ne sont point d'ailleurs aussi serrés, n'ont point cette correction cette richesse de rimes, et cette précieuse et sublime naïveté qui caractérisent ceux de ce dernier.
Il a sans doute manqué à M. Panard d'avoir vécu en bonne compagnie, ou, pour mieux dire, de ne s'être point toujours tenu dans la mauvaise; non que j'entende par là qu'il faille nécessairement qu'un poëte vive avec les grands et les gens de qualité, mais seulement qu'il faut qu'il les entrevoie, et que pour les peindre il faut les connoitre. Un auteur dramatique, et celui qui, de quelque façon que ce soit, peint ls mœurs, ne doit pas se confiner dans une société ; il faut qu'il les parcoure toutes, s'il veut donner des portraits ressemblants pour peindre la nature, il faut la peindre d'après le nu. M. Panard s'étoit trop renfermé dans des sphères bourgeoises ; il a vécu aussi un peu trop constamment au cabaret, avec des acteurs et des auteurs crapuleux.
De là vient qu'il n'a point étendu le cercle de ses idées et que l'on ne voit dans ses couplets et dans ses pièces que des plaisanteries qui ne roulent que sur des commis, des notaires, des procureurs, des banquiers, des médecins, etc. Je ne prétends pas interdire pour cela les épigrammes que l'on peut faire contre tous ces états moyens; mais il faut en lancer aussi contre les états plus élevés, afin de varier ses tableaux et citarhœdus rideturchorda qui semper oberrat eadem. C'est donc pour cette raison que le peintre des mœurs doit tâcher de voir tout le monde, depuis le prince du sang jusqu'au quincaillier. Autre chose est, comme je l'ai dit, de vivre sans cesse avec les gens de qualité et les grands; ce seroit au contraire vouloir perdre son temps et son talent. Comme ce n'est qu'à leurs plaisirs que les gens de lettres sont admis dans le très-grand, la santé seroit bientôt ruinée, à moins que l'on ne fût un Hercule ; et d'ailleurs la grande dissipation s'oppose au travail, et insensiblement elle affoiblit, énerve et enterre le talent.
Je sais encore une meilleure raison pour qu'un auteur ou un bourgeois ne vivent point avec les gens de qualité, et c'est celle qui m'a toujours détermiNé à les fuir. C'est le ton de supériorité que leur naissance et le préjugé leur donnent; ils ont beau le cacher, avec toute l'adresse qu'ils peuvent mettre, sous les dehors de la plus grande politesse, ce ton-là perce toujours malgré eux. Leur politesse proleclionnelle devient même pour une âme sensibleune espèce d'insulte. A quoi bon se donner des maîtres lorsque l'on peut vivre libre parmi ses égaux ? chercher des dégoûts chez ceux à qui vous ne procurez que des plaisirs et de l'amusement? Si c'est pour ne parler que de princes, de maréchauxde France, de ducs, de seigneursetde marquis, c'est être aussi trop la dupe d'une petite vanité bien plate ; si c'est par des motifs d'une ambition raisonnable et réglée, il ne faut les voir que passagèrement, et ne point vivre avec eux dans le peu de temps que l'on les voit, les beaucoup étudier pour en accroitre son talent, et les faire servir, d'un autre côté, honnêtement à l'accroissement de sa petite fortune. Voilà ce que j'ai tâché de pratiquer, et ce dont je me suis toujours bien trouvé; j'ajoute que je mets presque au rang des grands les gens puissamment riches en général, on trouvera à vivre avec eux les mêmes inconvénients que l'on rencontre à passer sa vie avec les gens de qualité. Mais pour en revenir à M. Panard, je le répète encore, il a eu le plus grand talent pour le vaudeville les Blot, les Marigny, les Haguenier, les Legrand, les Dufresny, les Gallet, les Favart même, sont à une distance prodigieuse de lui.
Si son génie chansonnier se fût mis à portée de tout peindre, sa réputation seroit mille et mille fois plus étendue, au lieu que son mérite et son excellence ne sont connus presque que par un petit nombre de gens de lettres qui sont à portée de sentir ce qu'il vaut et tout ce qu'il auroit pu valoir.
Dans les quatre volumes que l'avidité d'un libraire est venue à bout d'arracher à M. Panard, on n'a que la moindre partie de ses ouvrages. On en jugera par une vingtaine d'opéras-comiques seulement imprimés, tandis qu'il.en avoit fait une centaine. Il en est de même de ses œuvres anacréontiques et morales, etc., des fêtes qu'il avoit faites pour les gens avec lesquels il vivoit. Je lui ai ouï dire à lui-même qu'il en avoit composé plus de huit cents. Sans doute, il faut rabattre quelque chose de ses propos, mais il est sûr qu'il en avoit fait une quantité éffrayante. J'ai vu une très-grande malle pleine entièrement de ses brouillons de fêtes, et il m'assura qu'il en avoit perdu ou jeté au feu quatre fois autant; et il n'étoit point menteur.
Il avoit une facilité incroyable à faire des vers difficiles, et il les faisoit bons, et communément avec une richesse de rimes étonnante, et qui n'ôtoit rien au contour naturel et à la naïveté de son expression. A ce dernier égard, on trouvera beaucoup de vers de M. Panard que l'on croiroit être du divin La Fontaine; il a quelquefois égalé son naïf sublime. Sa ressemblance avec ce poëte unique étoit encore plus marquée dans son caractère et dans ses mœurs elles étoient de la plus grande simplicité des sots, dans une société, auroient pu le prendre pour une bête, et les gens d'esprit n'en ont jamais tiré grand parti; il n'àvoit de l'esprit que quand il écrivoit, il ne l'avoit point en argent comptant (comme disoit M. de Marivaux). Il étoit rêveur et distrait, avoit un rire niais et la conversation d'un enfant. Je n'ai connu personne qui mit moins dans le commerce ordinaire; il n'y apportoit qu'une douceur et une complaisance extrêmes.
Il ne s'est pas plus mis en peine de la fortune que ne l'a fait La Fontaine ; son incurie pour les biens de ce monde étoit inconcevable ; pendant le temps qu'a subsisté l'opéra-comique, il subsista, lui, de ce qu'il en retiroit, et il mangeoit à mesure, au cabaret, cinq à six mille francs que ce spectacle lui rapporta par an, pendant une vingtaine d'années. Lorsque cette ressource lui manqua, quelques amis le logèrent, souvent l'habillèrent, et ils ont eu soin de lui jusqu'à sa mort, mais mesquinement, à la vérité ; car j'ai vu ce pauvre diable, il y a cinq ou six ans, logé dans un grenier obscur, dans lequel on n'auroit point voulu nicher un domestique que l'on eût un peu consi-éré. J'imagine que les autres secours qu'on lui donnoit étoient pleins de pareils dégoûts.
Je sais qu'il n'avoit point affaire à des gens délicats, mais je crois en même temps qu'il y étoit assez insensible. Le bonhomme a toujours manqué d'une élévation d'âme, même commune ; pour peu qu'il en eût eu, il auroit été le plus malheureux des hommes. Son défaut de conduite l'avoit amené à cette cruelle dépendance des autres, dont il ne sentoit pas l'amertume, ou qu'il sentoit très-peu. A cela près, M. Panard étoit honnête, d'une probité irréprochable, et du commerce le plus sûr ; jamais il n'a fait de vers ni un couplet contre qui que ce soit ; je dirai plus, je ne l'ai jamais entendu médire, et c'est ce qui'n'est peut-être jamais arrivé à personne .
Nouveaux logogriphes, où l'on trouvera les poêtes, sçavants, musiciens, peintres, graveurs, sculpteurs, danseurs, acteurs et simphonistes fameux de la F. Avec la clef
Jean-Marc Warszawski
Novembre 1995-13 juin 2011
Révision du miroir de page, 1er novembre 2017
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Mardi 16 Janvier, 2024