MUSICOLOGIE.ORG / DOCUMENT DE TRAVAIL joseph Haydn Divertimenti pour instruments à vent «De tous les grands compositeurs, il n'en est pas un qui soit resté autant en retrait du monde musical que Joseph Haydn», écrit Anthony van Hoboken dans l'introduction de son catalogue thématique et bibliographique des oeuvres de ce compositeur. Cette remarque s'applique, aujourd'hui encore, à ses divertimenti pour instruments à vent, qui sont, pour certains, des compositions de très haut rang et, par ailleurs, les premières d'un genre qui, dans la seconde moitié du 18e siècle, atteignit des sommets inégalés depuis. Sans le génial modèle de Haydn, ni les compositions pour instruments à vent de Hoffmeister Krommer, Lessel ou Pleyel ni les chefs-d'ceuvre dont Mozart enrichit le genre, n'auraient été possibles. Dans ce domaine aussi, Haydn fut l'un des premiers à s'intéresser aux nouvelles possibilités instrumentales et formelles. Nombre de ses premières compositions pour instruments à vent sont aujourd'hui perdues. Toutefois les quelques oeuvres conservées, mentionnées dans le catalogue de Hoboken et celles que j'ai eu la chance de redécouvrir se sont révélées, lors d'exécutions, d'exceptionnels exemples de l'art du jeune Haydn. L'économie de moyens manifestée dans ces compositions, le traitement absolument typique des différentes familles d'instruments révèlent un génie hors pair et une extrême originalité. En 1759, Haydn prit ses fonctions de kapellmeister au service du comte Morzin en Bohême. A la tête d'un orchestre d'une quinzaine de musiciens, il devait assurer la musique de table demandée ainsi que les soirées de concerts ou les sérénades. Ainsi qu'en témoignent certains documents, il avait, pour la première fois, à sa disposition des clarinettes, qui lui offrirent l'occasion d'écrire des «parties pour instruments à vents» incluant cet instrument. Il semblerait que Haydn ait écrit la majeure partie de ses divertimenti au cours de sa première époque créatrice. Il en existe toutefois quelques-unes qui datent du temps où il fut kapellmeister au service du prince Esterhâzy. II est probable qu'il écrivit encore plusieurs de ses grands octuors à Londres, où il avait à sa disposition l'effectif complet des instruments à vent de l'orchestre du prince de Galles qu'il connaissait bien. A l'époque à laquelle naquit Haydn, les frontières entre symphonie et sérénade, entre musique de plein air et musique de chambre n'étaient pas aussi marquées qu'à l'époque de Beethoven ou de Schubert. La symphonie venait tout juste d'être inventée et une sérénade ou un divertimento pouvait sans peine être jouée comme oeuvre pour orchestre en d'autres lieux. La production de Haydn comprend justement une foule d'oeuvres pour une distribution mixte composée d'instruments à vent et de cordes, situées à mi-chemin entre musique de chambre et symphonie. Les nombreuses sérénades pour instruments à vent, héritées du 18e siècle, dans lesquelles hautbois ou flûtes, clarinettes, cors et bassons vont par deux, se nomment divertimento, sérénade, cassation, partie ou notturno. Tous ces genres étaient, sur le plan formel, très voisins, ils différaient seulement d'une contrée à l'autre et s'appelaient autrement. La sérénade de plein air était, du reste, un élément essentiel de la vie musicale au 18e siècle, de tels «concerts improvisés» étaient extrêmement prisés tant dans les villes qu'à la cour des princes. Lorsqu'aujourd'hui, il nous est donné d'entendre, à la radio, au disque ou au concert, une sérénade classique pour instruments à vent, nous pouvons être assurés qu'elle est exécutée dans la distribution instrumentale originale. Souvent même la notation est restituée à la lettre. On oublie cependant que certaines des figures simples des compositions des époques préclassique et classique doivent être uniquement considérées comme des ébauches, rapidement jetées sur le papier par le compositeur, assuré que l'interprète - comme à l'époque baroque - possédait sur le bout des doigts toutes les conventions de l'ornementation. La question essentielle était toutefois celle de la distribution. Dans presque toutes les parties pour instruments à vent, il s'agit de musique de plein air, jouée «sous une fenêtre ou dans un jardin». Une telle musique avait, en tant qu'art pour ainsi dire «al fresco» , ses lois propres. Elle se devait d'être de forme plus grossière et d'intonation plus ferme. Le compositeur attendait, de manière tacite, que la voix supérieure soit jouée par plusieurs instruments (ce qui n'est toutefois guère judicieux dans un enregistrement) et que la basse dans l'octave inférieure soit doublée - par une contrebasse, par exemple. De nombreux documents iconographiques illustrent cette pratique. Les sérénades pour instruments à vent enregistrées ici ont bien mérité de trouver une place dans la vie musicale de notre temps. Elles ont autrefois marqué tout un siècle de leur empreinte - témoignage d'un mariage heureux entre composition magistrale et plaisir de faire de la musique. Dieter Klôcker (1981, rév 1997) Traduction. Christian Hinzelin