Le théâtre en travaux, ça nous fait découvrir d'autres lieux, comme cette salle de spectacle toute en rideaux rouges années soixante de l'Établissement public de santé mentale. Le contrebassiste, qui fit jadis ses études dans le lycée proche ne la connaissait pas plus que nous. Et les chaussures du pianiste se trouvaient tout à fait assorties au lieu, comme dirait la rubrique « on a vu » du quotidien local. Mais l'important, c'est bien ce qu'on a entendu, bien entendu.
Le sonorisateur n'étant pas dans son lieu, a sans doute un peu sous-évalué le piano. Il en a rehaussé le son au deuxième morceau, au lieu de baisser la contrebasse et la batterie, ce qu'auraient préféré les musiciens, d'après leur remarque finale.
Photographie @ Christian Mariette.
Pour nous, auditeurs, le résultat était plutôt positif, sans chercher les décibels à tout prix, en nous donnant deux trios pour le prix d'un, mêlés dans un bel équilibre acoustique.
Le premier plutôt intimiste, aux compositions très construites et parfois un peu abstraites, dans lesquelles se coulent les impros de chacun, jamais lâché par les deux autres. Rare moment en solo, une intro du pianiste qui a dû se mesurer aux cloches intempestives et se caler sur elles pour ne pas se décaler de leur implacable rythmique.
L'autre est plus pêchu, genre « power trio », dans lequel les accords de piano sonnent, les pédales de basse claquent, et les roulements de batterie montent en puissance sur les reprises des thèmes.
À la contrebasse et aux compositions, Jean-Philippe Viret a accompagné Stéphane Grapelli et Richard Galliano, mais depuis le début du siècle, il peaufine surtout son trio, alternant lignes de basse claires, coups d'archet rythmés et improvisations passionnées. Avec la complicité d'Édouard Ferlet, pianiste et compositeur lui aussi, aux doigts agiles et dansants. Ils ont été rejoints il y a quelques années par le batteur ambidextre Fabrice Moreau, qui joue souvent avec une baguette et un balai en même temps, démultipliant les sons de ses toms et cymbales.
Photographie @ Christian Mariette.
Quant aux compositions, souvent imagées (Tous contraints, Départ imminent, Les araignées...) et toutes nouvelles, elles sont la substance du prochain disque à venir.
Une architecture en équilibre, celle du trio, mais qui passe ici sans problème le test de la langueur ou celui de l'absence de cuivre. Un beau concert, bien entendu.
A suivre, après les vacances « d'hiver », un mois très printanier, Focus Jazz, dans tous les lieux musicaux de la région, avec des bourgeons éclatants, d'Avranches à Alençon, en passant par Caen, Valognes, Flers ou Lisieux. Une trentaine de concerts avec de grands noms (Dave Liebman, Roberto Fonseca, Eric Lelann..) de nombreux groupes régionaux (Issachar, Renza Bô, Tante Yvonne...) ou invités, des expos... Bref, de quoi s'occuper les oreilles.
Toutes les infos détaillées sur le site de Focus Jazz.
Alain Lambert
1er mars 2014
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Samedi 17 Février, 2024