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30 juin 2012, Basilique de Saint-Denis, Frédéric Norac.

Apothéose finale : le Requiem de Berlioz au festival de Saint Denis

Difficile d'imaginer œuvre mieux adaptée au cadre grandiose et à l'acoustique de la basilique de Saint Denis que ce Requiem créé en son temps aux Invalides. Berlioz y déchaîne tout le fracas d'une véritable apocalypse sonore où s'expriment les terreurs de la fin dernière, avec un sens du spectaculaire qui tient autant du théâtre que de la ferveur religieuse.

Requiem de Berlioz © FSD S. Chambert.

La mise en espace constitue à elle seule tout un spectacle. Orchestre national de France au grand complet,  déployé, cordes et bois  sur le plateau, cuivres et percussions — pas moins de huit paires de  timbales et de quatre batteries de cuivres —  dans les bas côtés, avec en perspective sur une haute tribune l'effectif exceptionnel du chœur Monteverdi et celui de Radio France réunis sous la splendide verrière de la façade. Il faut saluer l'extraordinaire homogénéité de cette turba tour à tour plaintive, révoltée ou suppliante dont les voix féminines ont la pureté de voix d'enfants.

Le dispositif offre des effets de spatialisation saisissants aux appels des cuivres du « Tuba Mirum » et à la montée en puissance qui mène du « Dies Irae » au « Qauerens me », d'une force telle qu'on se demande si les piliers de la cathédrale ne vont pas s'effondrer, tant les masses déchaînées semblent porter une volonté d'anéantissement total.

Après le « Quaerens me », le chef s'éponge comme au sortir d'une épreuve sportive. Le « Lacrymosa », lutte implacable des cuivres contre la prière mélodique des chœurs, concrétise remarquablement l'esprit de cette pièce où l'orchestre semble incarner l'impitoyable destinée humaine et le chant choral son besoin de consolation et de transcendance.

Après l'effondrement final, qui évoque à s'y méprendre celui de l'enfer dans la Damnation de Faust, l'offertoire nous introduit dans un lyrisme presque pastoral où la tendresse des cordes évoque déjà  Fauré et sa fameuse « berceuse de la Mort ». Toute la séquence qui mène à la conclusion s'affranchit enfin du registre tragique et ose celui de la prière et de l'espoir.

L'apparition du jeune ténor Michael Spyres dans le décor de la tribune d'orgue pour le « Sanctus » est un moment de pure magie. La fermeté de son timbre de ténor lyrique que ne fait frémir aucune contrenote de cette partie très tendue, écrite pour le grand Gilbert Duprez, exalte toute la grâce de cette pièce dans son écrin de suaves voix féminines et ouvre la porte à un « Agnus Dei » où toute tension se résout enfin.

Triomphe mérité pour John Eliot Gardiner dont la direction magistrale sait concilier puissance et précision, expansion et retenue et porte ses forces jusqu'à la plus grande exaltation. Ce concert en forme d'apothéose conclut brillamment l'édition 2012 du festival de Saint Denis, d'une très haute tenue, tant par le choix des œuvres que dans la variété des styles d'interprétation proposés.

Frédéric Norac
30 juin 2012
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