Un incroyable festival gratuit d'une centaine de concerts sur trois jours, à Nantes et cinq villes au fil de l'Erdre, avec des pointures ou des jeunes talents, du blues, du swing, des jazz métisses, de quoi plaire au plus grand nombre. En contrepartie, un minimum d'inconfort, debout ou assis sur les rares chaises brutes (en arrivant une heure avant), et la difficulté à bien entendre les concerts des stars sur la scène nautique loin des premiers rangs.
Éric Le Lan Quintet. Photographie © Alain Lambert.
Vendredi soir donc, après quatre heures de route (il faut aussi se garer, et c'est tout un art) juste à temps pour se trouver des chaises avant le concert du trompettiste Éric le Lann, en hommage à Chet Baker, non en trio comme sur le disque, mais en quintet, superbe, tenant autant de Chet que de Miles, avec qui d'ailleurs à joué le saxophoniste Rick Margitza, au son ample et chaleureux. Imperturbable au piano Enrico Pieranunzi, sauf les mains balladantes, Sylvain Romano, solide à la contrebasse, et Ronald Kontomanou, tout en roulements à la batterie. Hommage à Chet par le choix des standards (Jobim, Gershwin...) et un thème de Le Lann, par l'esprit de la musique aussi, belle et chantante. Il manquait peut être une voix, celle du trompettiste, en plus de la beauté de ses impros, incisives, et en équilibre constant, au moins pour quelques souvenirs, et se rapprocher un peu plus du public.
I remember Chet. Moi, je me souviens, comme disait Perec... À Vienne, dans le théâtre antique, au moment où le soleil passe derrière la scène. Philippe Catherine et Jean Louis Rassinfosse, guitariste et contrebassiste du maître, avaient l'air bien nerveux, et pour cause, ça faisait bien un quart d'heure qu'il aurait dû être là. Il a fini par arriver, comme si de rien n'était, et il a joué et chanté comme jamais, juché sur son siège, trois ans avant de trépasser par une fenêtre en Hollande. Il y a bien du temps...
Didier Lockwood Quartet. Photographie © Alain Lambert.
Le lendemain, samedi, retour sur l'Erdre, mais en tram cette fois. Des bateaux partout. À quai, sur le ponton France Bleu, le quartet de Didier Lockwood s'échauffe pour passer en direct à la radio. Le son est parfait, ils sont là, tout proches, et comme on n'est pas sûr de bien les entendre, ni les voir, ce soir sur la scène nautique, mieux vaut en profiter (on a rien vu ni entendu d'Henri Texier hier soir, alors qu'il y avait Nguyen Le à la guitare...). La reprise de In a sentimental mood est moderne et inventive, bien soutenue par Linley Marthe à la basse et Jean Marie Ecay à la guitare. Paco Sery est remonté comme un coucou, il perd ses baguettes partout, y compris dans l'Erdre. Le duo avec le violoniste sur le dernier thème est époustouflant. On en reprendrait bien encore, mais ce n'est qu'un showcase, comme ils disent.
L'Erdre en fête. Photographie © Alain Lambert.
Et puis il faut rejoindre l'île de Versailles pour entendre un peu Daniel Givone, notre « pays », en quartet avec Jacques Julienne à l'accordéon [voir notre chronique de son cédé récent]. Une musique, simple, belle et joyeuse. Le public ne s'y est pas trompé, venu en nombre, alors que la scène n'a pas été prévue pour ça, ni en sièges, ni en sonorisation. Il faut être dans les premiers rangs pour bien entendre. On joue des coudes, pardon, excusez-moi, on se rapproche. Et on profite enfin.
Daniel Givone (à droite) Quartet. Photographie © Alain Lambert.
Pour terminer la soirée, avant de reprendre le tram et regagner le sud Loire, sur la scène Mix Jazz, au public plus jeune, au niveau de l'embarcadère des balades sur l'Erdre, un quartette suisse intriguant, le Nik Bärtsch Ronin, publié chez ECM, entre transcendant'jazz et musique contemporaine. Un peu dans la lignée exploratrice d'Univers Zéro, un autre ensemble suisse inclassable. Une belle surprise en effet pour un groupe peu connu en France, mais pas ailleurs, entre longues plages répétitives et ruptures funk. Un batteur, Kaspar Rast et un bassiste, Thomy Jordi, endiablés, un clarinettiste basse, Sha, aussi au sax alto, selon les climats à construire, et le pianiste, et compositeur, le plus souvent sobre et minimaliste, mais capable aussi de belles séquences au clavier Fender. Une musique magique alors que la nuit gagne la berge presque campagnarde.
Nik Bärtsch Ronin Quartet. Photographie © Alain Lambert.
Le dimanche, on évite l'Erdre et on se refait un peu du Voyage à Nantes, au bord de la Loire cette fois, avec les Anneaux de Buren, l'Eléphant-machine et l'Hydre du Bouffay, entre autres, avant de repartir.
Les Anneaux de Buren. Photographie © Alain Lambert.
L'Eléphant-machine. Pḧotographie © Alain Lambert.
L'Hydre du Bouffay. Photographie © Alain Lambert.
Alain Lambert
30 août 2014
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Mardi 27 Février, 2024