Par un après-midi froid et pluvieux, rien de tel, serrés les uns contre les autres dans la salle Garnier de l'Opéra, que le programme sans entracte proposé dimanche 29 janvier par l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo : la très chaleureuse et intimiste Siegfried Idyll de Richard Wagner, le ludique Concerto pour hautbois et orchestre en do majeur, K 314 de Wolfgang Amadeus Mozart et la rayonnante symphonie n° 47 en sol majeur « Le palindrome » de Joseph Haydn.
Cadeau de Noël — et d'anniversaire — offert le 25 décembre 1870 par Richard Wagner à Cosima von Bülow, devenue son épouse légitime six mois auparavant, la Siegfried Idyll est une sérénade surprise jouée par treize musiciens sur les marches de sa villa. Mélange de leitmotivs musicaux dont on retrouvera la présence dans le Siegfried de la « Tétralogie » et d'une charmante berceuse confiée au hautbois, la partition égrène, sous la baguette du maestro américain Paul Goodwin soucieux — trop peut-être ? — de ne pas altérer la délicate intériorité de l'œuvre par les facultés d'une phalange composée d'une bonne trentaine de musiciens, une douce mélodie nourrie de tendresse et de poésie.
Paul Goodwin (photographie © Orchestre philharmonique de Monte-Carlo)
Composé entre avril et septembre 1777 à la demande du hautbois solo de Salzbourg Giuseppe Ferlendis et créé quelques mois plus tard à Mannheim, le concerto pour hautbois et orchestre en do majeur de Mozart intervient dans ce moment de rupture qui ponctue la vie du compositeur autrichien, décidé à se débarrasser de l'encombrante tutelle du prince-archevêque Colloredo. Tout à sa liberté d'inspiration mêlée d'un esprit galant et d'une influence française, Mozart insuffle de la fantaisie dans une partition dédiée à un instrument tenu en haute estime pour son pouvoir expressif. Un pouvoir avec lequel s'amuse — le plus sérieusement du monde — le soliste Marc Lachat : hautbois solo au sein de la philharmonie monégasque, ce jeune prodige de vingt-cinq ans aux allures de fonctionnaire emprunté tout juste sorti de l'ENA, est lauréat depuis 2009 du Premier Grand Prix à l'unanimité du Festival Musical d'Automne des Jeunes Interprètes avant de remporter, en 2011, le 3e Prix ex æquo au Concours international ARD de Munich. Une interprétation brillante, enjouée en devenir, encore empreinte parfois d'une studieuse prudence, mais déjà caractérisée par un ludisme personnalisé. Lequel seyait à merveille avec l'intention latente de cette œuvre, notamment dans l'Allegretto du Rondo final. Les yeux remplis de malice, Marc Lachat répondit d'ailleurs aux ovations en offrant un bis tiré d'une des douze Fantaisies de Georg Philipp Telemann.
Marc Lachat (Photographie © Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo).
En plein Sturm und Drang allemand, la symphonie n° 47 en sol majeur de Joseph Haydn ne dépareillait pas dans ce xviiie siècle finissant. Originale par ses quatre mouvements, considérée comme l'une des plus importantes symphonies « en majeur », cette pièce se veut très aboutie en termes d'exigences de contrastes et de jeux sonores confiées aux groupes d'instruments : la marche des cuivres et les triolets des cordes dans l'Allegro, les variations dans le poco adagio» et le « jeu à l'envers » — d'où le nom de « Palindrome » — dans le Minuetto a rovescio. Une écriture qui s'épanouit de lumière à mesure que l'on s'approche du presto assai dans le Finale. Malgré sa précision, nonobstant le dynamisme de la formation monégasque, on reprochera au maestro Paul Goodwin, une interprétation un peu lissée de cette œuvre qui réclame au contraire une respiration ample, une ponctuation vivace et une exécution débordante de couleurs.
Nice, le 30 janvier 2012
Jean-Luc Vannier
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Samedi 2 Mars, 2024