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Michel Rusquet, Trois siècles de musique instrumentale : un parcours découverte. I. De la Renaissance au premier xviie siècle.

La musique instrumentale d'Orlando Gibbons (1583-1625)

Orlando Gibbons

Dernier né des grands compositeurs du siècle d'or anglais, représentant le plus éminent d'une famille de musiciens reconnus de père en fils, Orlando Gibbons fut d'abord un des plus grands organistes anglais de cette époque. Il connut très tôt les honneurs puisqu'à 21 ans il fut nommé organiste de la Chapelle royale, une charge qu'il devait conserver jusqu'à sa mort. Et il devait être bien en cour car, en dehors de brillantes distinctions, il put cumuler cette fonction avec celle d'organiste de l'abbaye de Westminster pendant les deux dernières années de sa courte existence.

Comme compositeur, sa production n'a pas été considérable mais son niveau de qualité est unanimement salué. On cite en tout premier lieu ses œuvres destinées à l'église anglicane, et notamment ses Full Anthems et Verse Anthems. Mais son catalogue de musique instrumentale n'est pas loin de réunir autant de suffrages, surtout depuis qu'un certain Glenn Gould, avec tout l'impact médiatique qu'on lui a connu, s'est fait le chantre du génie du grand Orlando.

Pièces pour orgue

Outre quelques Préludes, Gibbons n'a donné à son instrument de prédilection que dix Fantaisies, toutes ces  œuvres , à une exception près (la Fancy for a Double Orgaine), étant de plus écrites pour le modeste instrument anglais des origines, à un seul clavier. Mais ces pièces, par leurs qualités d'invention et leur richesse polyphonique, représentent l'auteur au plus haut de son art. Trois de ces Fantaisies méritent peut-être une mention toute particulière : celle pour deux claviers déjà citée, la Fancy in Gamut flatt, et plus encore la Fantazia of foure parts, d'une grandeur exceptionnelle.

Orlando Gibbons, Fantasia of foure parts (orgue de chambre).
Orlando Gibbons, Fantasia II, par Gustav Leonhardt (claviorganum).

Pièces pour virginal

Une trentaine de pièces seulement, mais elles suffisent à distinguer Gibbons du lot commun des compositeurs de l'époque. Non pas tellement par les genres abordés, car on retrouve chez lui des variations, des danses (pavanes, gaillardes, allemandes, courantes) plus quelques maskes, mais par le contrepoint personnel mis en œuvre, la densité de la musique et les méandres expressifs dans lesquels elle évolue, justifiant le qualificatif de « romantique avant la lettre » qu'on s'est plu parfois à attribuer au compositeur.

Certaines de ces pièces, et non des moindres, sont issues du recueil Parthenia déjà évoqué à propos de Byrd. Parmi elles, la fort célèbre The Lord of Salisbury his Pavin : « courte, sobre, en trois parties croissant en intensité, elle atteint par des moyens simples, ou plutôt peu voyants, à une émotion profonde, intériorisée, une espèce de pathétique purifié de gestes et de déclamation… »1  Et dans les quelques séries de variations, comment pourrait-on passer sous silence celle où, comme Byrd, il s'est amusé à varier le thème The Woods so wilde ? Dans cette œuvre, issue du Fitzwilliam Virginal Book, il éblouit par la diversité des procédés d'écriture utilisés à travers les huit variations qui se succèdent.

Orlando Gibbons, The Lord of Salisbury, Pavan & Galliard, par Glenn Gould (piano).
Orlando Gibbons, A Mask : The Fairest Nymph, par Timothy Roberts virginal).

Œuvres pour cordes

On ne le sait pas assez : Gibbons a écrit quelques dizaines d'œuvres pour violes, pour des combinaisons allant de deux à six instruments, dont un bon nombre pour trois (voire quatre) violes. La plupart de ces œuvres se révèlent admirables, même si on accorde souvent une faveur toute spéciale aux Fantaisies à 6 voix : « Maître du contrepoint à l'égal de William Byrd, Gibbons apporte à la ligne instrumentale une émotion vocale qui annonce Purcell et porte le genre à un point de perfection inégalé.»2

Orlando Gibbons, Fantasia no 1 for the Great Double Bass (orgue + 3 violes), par le Rose Consort of Viols, et Timothy Roberts.
Orlando Gibbons, Fantasia of 3 parts no 3, par l'ensemble Phantasm, sous la direction de Laurence Dreyfus.
Orlando Gibbons, In Nomine a 4, par le Rose Consort of Viols, et Red Byrd.
Orlando Gibbons, Fantasia a 6 no 3, par le Rose Consort of Violsn et Red Byrd.
Orlando Gibbons, Pavan Lord Salisbury, par l'ensemble Phantasm, sous la direction de dir. Laurence Dreyfus.

Notes

1. Sacre Guy, La musique de piano, Robert Laffont, Paris 1998 , p.1182.

2. Wolff Denis, dans « Répertoire » (151), novembre 2001.

Biographie d'Orlando Gibbons.


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