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Shanghaï, 26 septembre 2015, par Eusebius ——

À Shanghaï, on ne saurait penser à tout…ou les tribulations d'un Français en Chine

Sans parodier Musset ou Jules Verne, les sollicitations musicales d'une métropole de plus de 24 millions d'habitants, sa vie trépidante sont propres à distraire plus d'un. Je suis de ceux-là. Après avoir assisté avec beaucoup de bonheur aux deux premiers concerts de l'Ensemble Intercontemporain, dans le cadre du 8ème festival de musique contemporaine (New Music Week), je me promettais de rendre-compte du troisième, d'autant que le programme était  alléchant (Romitelli, Boulez, Berio, et le Vortex temporum de Gérard Grisey).  Comme les soirs précédents, j'ai donc quitté mon hôtel, distant de plusieurs kilomètres pour rejoindre le Conservatoire à pied, afin de m'y trouver une vingtaine de minutes avant le début. Je ne m'étais pas muni du lourd et volumineux programme, connaissant les œuvres programmées.

Il fait chaud (26-27°), et, marchant d'un bon pas, je transpire abondamment. Arrivé dans l'ensemble triangulaire que constitue le Conservatoire, force m'est de constater que le public, abondant les jours précédents, est absent, ou très rare. Quelques étudiants sur des bancs, une jeune flûtiste répétant une partition que tient sa mère…

Une jeune flûtiste répétant une partition que tient sa mère… Photographie © Eusebius.

Les informations placardées, que je parcours rapidement, ne semblent pas concerner le concert recherché. L'affichage lumineux, à l'entrée de la salle habituelle, me renseigne sur les concerts à venir. Un Don Giovanni, dont les noms des interprètes sont en mandarin, le merveilleux  Fou T'song1 et Jörg Demus… programmés après mon départ, hélas !

Un Don Giovanni, dont les noms des interprètes sont en mandarin. Photographie © Eusebius.

... le merveilleux  Fou T'song. Photographie © Eusebius.

Jörg Demus. Photographie © Eusebius.

Mais, il est temps de poursuivre ma recherche. Le calme qui règne n'est pas sans m'inquiéter. Ne me suis-je pas trompé de lieu ? J'interroge celles et ceux que je croise, tous musiciens, certains, rares, maîtrisant suffisamment l'anglais basique pour me comprendre. On ne sait pas, ou on m'indique une direction, vers laquelle je me dirige en vain, puis une autre, tout aussi décevante. Je commence sérieusement à douter. Enfin, une étudiante, comprenant mon désarroi, m'entraîne vers l'affichage mural, mal éclairé, mais confirme mes craintes : le concert s'est déroulé cet après-midi, à 15h 30, et il est 19h 15… Je suis profondément déçu et confus. Comment ai-je pu commettre une telle confusion, moi qui me pique d'être bien organisé ?

Je reprends donc paisiblement le chemin de mon hôtel, prenant davantage le temps d'observer cette vie intense, cette animation si caractéristique de Shanghaï, en faisant du lèche-vitrines. Tous les conservatoires sont entourés de magasins en relation avec la musique. Ici, depuis le triporteur qui vous propose des CD (copiés, évidemment) pour trois fois rien, jusqu'aux luthiers et aux grandes maisons d'instruments, les commerces sont nombreux, et ouverts très tard le soir. Une vitrine en retrait n'avait jamais retenu mon attention. Je m'approche. Des portes vitrées permettent de distinguer un auditorium qui s'incline d'un étage, copieusement éclairé, aux fauteuils confortables. La scène est en contrebas, une jeune pianiste dont je n'entends pas une note, dépense une activité physique qui traduit un niveau élevé de maîtrise technique. De l'autre côté des portes vitrées, me tournant le dos, deux personnes, sans doute un professeur et une autre pianiste, écoutent avec attention et interviennent force gestes et ce qui ressemble à des conseils ou des injonctions. Hélas ! je n'entends rien, sinon la rumeur de la circulation. Levant les yeux, j'aperçois l'enseigne : c'est une école privée de musique, certainement associée ou dépendante du marchand voisin.

... c'est une école privée de musique. Photographie © Euisebius.

Le pire : rentré à l'hôtel, je consulte le programme qui confirme ma méprise, mais qui ajoute une seconde déception à la première. À moins de 5 minutes à pied de l'entrée du Conservatoire se trouve le Concert Hall, où se produit en ce moment même l'Orchestre Symphonique de Shanghaï , que j'aurais pu écouter puisque le concert commençait à 19h 30… Je jure d'être plus attentif à mon prochain séjour !

Eusebius
26 septembre 2015
© musicologie.org

1. Si on ne présente plus Jörg Demus, merveilleux interprète de Mozart et de Schubert, entre autres, accompagnateur apprécié des plus grands chanteurs de la fin du XXe siècle, Fou T'song n'a pas connu en Occident une carrière à la hauteur de ses qualités. Pour ma part, ses (rares) enregistrements de Mozart comme ses accompagnements de Brahms et Moussorgsky (chez Iramac, label disparu) sont des références absolues, que je considère comme des joyaux de ma discothèque vinyle.

Les précedents articles d'Eusebius

Trois jours d'Intercontemporain à Shanghaï : Portrait Concert of Beat Furrer (24 septembre 2015)

Rameau « rondement » (15 sept. 2015)

Un superbe cadeau : Schubert et Janaček par le quatuor Les Dissonances (9 sept. 2015)


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Mercredi 23 Novembre, 2022 14:46