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Paris, 19 mai 2015, par Frédéric Norac ——

Des Contes de la lune fades... Un opéra de Xavier Dayer à l'Opéra-Comique

Carlos Natale Contes de la lune vague, Opéra-Comique, mai 2015. Carlos Natale (Tobé) et Taeill Kim (Genjuro). Photographie © Vincent Pontet.

On en vient à se demander pendant l'heure et demie que dure l'opéra de chambre de Xavier Dayer, Contes de la lune vague après la pluie, que l'Opéra-Comique vient de reprendre pour deux soirées, après sa création à l'Opéra de Rouen en mars dernier,  de qui pouvait bien être la musique du célèbre film homonyme de Kenji Mizogushi1 (1953), tant la partition du compositeur suisse échoue à se renouveler, à introduire des contrastes, à caractériser ses personnages, en un mot à faire exister dramatiquement les neuf scènes qui le constituent.

Si l'on en croit sa note d'intention, une alternance entre registre chambriste et tutti visant à donner l'impression d'un grand orchestre, devrait en porter la dramaturgie. Or, son orchestration — essentiellement basée sur les vents (flûte, hautbois, clarinettes, cor et trombone) et les percussions — nous a semblé d'une totale uniformité, d'une monotonie absolue, de même que l'arioso à peine troué de quelques passages lyriques — essentiellement de petits ensembles — à laquelle il a recours pour le chant. Dans l'ensemble, les personnages, les situations et les ambiances ne sont pas suffisamment caractérisés, ni par le texte ni par la musique.

Carlos Natale Contes de la lune vague, Opéra-Comique, mai 2015. Carlos Natale (Tobé). Photographie © Vincent Pontet.

Dans cette uniforme « mélopée du malheur », seules, les scènes « fantastiques » où apparait le fantôme de la Princesse Wakasa apportent un peu de variété. Encore que là, le compositeur passe à côté d'un effet qui aurait pu être intéressant à traduire musicalement. Dans le film, lorsque la princesse danse devant Genjuro, l'âme de son père se réjouit et se met à chanter. Or ici, la voix du père n'existe pas, et le seul intérêt  repose sur une « chorégraphie » élégante, bien servie par l'interprète, mais soutenue par la même musique passe-partout. La mise en relief de certains passages du texte dans le registre parlé en renforce malencontreusement la banalité et la platitude sonore, en raison du manque d'accentuation de la langue française et de la diction peu expressive des chanteurs.

La mise en scène de Vincent Huguet, plutôt réussie dans sa sobriété et sa fluidité, bénéficie de la belle scénographie de Richard Peduzzi mais elle abuse des fumigènes qui évoquent aussi bien les incendies de la guerre, la brume sur le lac que le monde des esprits  et finissent par intoxiquer quelque peu le spectateur.

Luanda Siqueira Contes de la lune vague, Opéra-Comique, mai 2015. De gauche à droite : Luanda Siqueira (Princesse Wakasa), Taeill Kim (Genjuro) et David Tricou (la Nourrice). Photographie © Vincent Pontet.

Le plateau est dominé par l'excellent Genjuro de Taeill Kim et par le ténor David Tricou incarnant les six personnages secondaires, un peu à la manière du baryton dans Mort à Venise de Benjamin Britten. Moins convaincant le ténor Carlos Natale dont le français exotique détonne dans cet ensemble. Excellents les trois rôles féminins,  Luanda Siqueira (la Princesse Wakasa), Majdouline Zerari (Miyagi) et Judith Fa (Ohama) ainsi que les instrumentistes de l'Ensemble Linea.

Reste que dans leur  volonté d'universaliser le propos de l'œuvre originale, le librettiste et le musicien l'ont quelque peu affadi. La conclusion moralisante  notamment paraît d'une rare platitude et laisse le spectateur sur une désagréable impression de banalité.

plume Frédéric Norac
Paris, 19 mai 2015
© musicologie.org

1. Il s'agit du compositeur japonais Fumio Hayasaka, le maître de Toru Takemitsu dont la musique s'inspire directement du Gagaku, la musique de cour japonaise contemporaine des événements racontés dans le film.


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