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Merci pour les Tchèques !

 

Rabea Kramp et Mihály M. Zeke. Phorographie © Eusebius.

 

Dijon, Grand salon de l'Auditorium, 17 janvier 2014, par Eusebius ——

Il y a un an, au jour près, Rabea Kramp et Mihály M. Zeke nous offraient ici même un florilège de mélodies scandinaves. Saison tchèque de l'Opéra de Dijon oblige1, c'est à Prague et Brno que nous sommes maintenant invités. Toute la première partie est chantée en allemand2, la formation germanique des compositeurs et la domination austro-hongroise ayant marqué les aurores du grand jaillissement du XXe siècle. La seconde sera réservée au tchèque. Si l'œuvre lyrique de Smetana, de Dvořák et de Janáček a conquis la plupart des grandes scènes, leur abondante production mélodique reste le plus souvent à découvrir. Quant à Křenek, Ullmann, Schulhoff, Martinů et Eben, gageons que ce sont des inconnus pour une large part du public. Le programme rare, riche et varié ne comporte pas moins de 28 pièces. Dvořák ouvre et clôt le récital. Des 4 Lieder opus 82, le premier3 permet à la voix, fraîche et colorée de s'épanouir avant de terminer par de splendides pianos. Aucun des trois suivants ne laisse indifférent, esprit populaire de « Die Stickerin », joie juvénile et exubérante de « Frühling », fluidité de « Am Bache » avec sa formule pianistique originale. L'ensemble s'inscrit davantage dans la filiation schubertienne que dans la tradition tchèque. Deux pièces du Reisebuch de Křenek, de 1930, invitent à une découverte du cycle. Le « Friedhof im Gebirgshof », très lyrique, fort et délicat, est servi par un accompagnement particulièrement riche et une plénitude singulière du chant. Après 2  des 3 sonnets de Viktor Ullmann, écrits à Terezin, retour au père fondateur, Smetana, avec un poème de Rückert, Liebesfrühling, de 1853, et un de Wieland, de 1840. Tous deux portent la marque de l'influence de Schumann et s'inscrivent dans la grande tradition romantique. Le premier, d'une construction et d'une harmonie très recherchées, permet à notre soprano de confirmer ses qualités d'émission dans l'aigu (elle culmine au la), avec une fraîcheur naturelle et délicieuse. Ruhe der Fläche, de Schulhoff, nous entraîne dans un tout autre univers, atonal et modal à la fois, c'est un joyau, soutenu par une progression pianistique inexorable. Le piano très orchestral qui accompagne Touha, de Bohuslav Martinů, avec ses trémolos en octaves à la main droite du début, ses séquences renouvelées aux rythmiques de tango ou de jazz, soutient une mélopée plaintive, puis dansante, exubérante4.

Après un bref entracte, ce sont les beaux chants populaires moraves de Janáček, simples, frais, légers, joyeux qui nous séduisent. Comment ne pas les rapprocher, malgré l'originalité de leur langage, de ceux de Brahms, traités avec une saveur et une élégance égales ? Malgré une œuvre abondante et une forte personnalité, Petr Eben n'est guère connu que des organistes, et encore…  Des 2 mélodies de ses Kleine Kümmernisse (1964-65), c'est la seconde   « Chlebové drobky », d'une grande plénitude, au balancement ponctué d'accords descendants, qui séduit le plus. Le « Och, Jaký žal ! », du 3e acte de  la Fiancée vendue, de Smetana, confirme les éminentes qualités vocales et dramatiques de Rabea Kramp. Cette grande page lyrique, puissante, grave, est servie à merveille.  Les 8 Chants d'amour, opus 83 de Dvořák, d'une expression variée, achèvent le programme. Les acclamations d'un public enthousiaste appellent un magnifique bis : la célèbre ode à la lune de sa Rusalka. Moment de grâce, d'émotion, de communion où nos deux interprètes donnent le meilleur d'eux-mêmes.

Rabea Kramp est maintenant familière du public dijonnais… La voix a encore gagné en puissance et en couleur : elle atteint à une pleine maturité vocale, malgré sa jeunesse.  Égalité des registres, qualités d'expression et d'articulation, projection, dynamique, phrasé, soutien de la ligne, fraîcheur et force, tout est là. Une belle carrière s'ouvre pour elle.

Les qualités rares de Mihály Zeke sont connues. L'accompagnateur, terme réducteur, fait sonner merveilleusement le Bechstein, toujours attentif au chant et à l'équilibre sonore, le partenaire idéal. Il se double d'un présentateur sobre et pertinent, également apprécié du public.

Le succès de la formule des « Apéros de l'Opéra » ne se dément pas : salle comble, un public d'une qualité d'écoute exemplaire, et d'une chaleur communicative.

Eusebius
18 janvier 2015

1. avec une nouvelle production de Kátia Kabanová, de Janáček, dont la première est le 20 janvier.

2. sauf le « Touha » deBohuslav Martinů.

3. qui cite un thème de l'adagio du concerto pour violoncelle.

4. Rabea Kramp y égale, si elle ne la surpasse pas, Magdalena Kožená, que j'ai en mémoire.

5. Mihály Zeke, chef du Chœur de l'Opéra de Dijon, succèdera en mars à Pierre Cao à la tête d'Arsys, chœur régional au rayonnement national et international.

 

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