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Fantastique ! Lucas Debargue et l'Orchestre du Capitole à Montpellier

Lucas DebargueLucas Debargue à Montpellier. Photographie © D. R.

Festival Radio France Montpellier Région, Opéra Berlioz, Le Corum, 12 juillet 2016

Recevoir à Montpellier l'Orchestre national du Capitole de Toulouse, le lendemain d'une splendide prestation de celui de Montpellier, c'est témoigner de la volonté de construire ensemble au sein de cette grande Région un avenir partagé. C'est aussi pour l'auditeur la chance d'écouter une formation prestigieuse dont les mérites sont connus. On attendait Tugan Sokhiev qui a succédé, il y a huit ans déjà, à Michel Plasson à la tête de la phalange. Las, la maladie le lui interdit et c'est le jeune chef letton, Andris Poga1 qui le supplée, comme il l'a fait à Carcassonne, trois jours auparavant, avec les mêmes œuvres. Ce soir, Lucas Debargue succède à Bertrand Chamayou.

C'est en effet sur le concerto en sol de Ravel que s'ouvre le programme. Lucas Debargue est devenu la coqueluche de la critique depuis le Concours Tchaïkovski de Moscou, en juillet 2015. S'il n'eut pas droit au premier prix, malgré un Gaspard de la nuit d'anthologie, le finaliste a focalisé toutes les attentions, Berezovsky disant à son propos : « c'est un génie ». Nous allions écouter et voir. À grandes enjambées, long comme un jour sans pain, frêle, il va droit à la banquette du piano. D'emblée son jeu est marqué par une liberté singulière, dans un strict respect de la partition. La dynamique, la variété des touchers sont remarquables. Poésie, recueillement, un piano frémissant, débarrassé de tout pathos, des basses percussives à souhait, l'aisance de Lucas Debargue est prodigieuse. Ses mains immenses n'ont-elles pas autant de doigts que les araignées ont de pattes ? Malgré le chœur de louanges qui accompagne chacune de ses prestations, il est resté humble, discret, entièrement  concentré sur la musique qu'il fait vivre. Il n'a que 25 ans…

Lucas DebargueLucas Debargue à Montpellier. Photographie © D. R.

L'adagio  assai  chante, respire plus que jamais, des phrasés amples, une retenue particulière où chaque note a son propre poids, sans ostentation faussement lyrique. L'orchestre entre avec une délicatesse admirable. La progression continue, refuse le spectaculaire. Tout est admirable, les bois particulièrement. Le finale, presto, est pyrotechnique, on le sait. Mais ici, il tourbillonne, porté par une énergie débordante, jamais brouillonne. Le chef, le soliste et les musiciens sont manifestement heureux et fiers de ces instants exceptionnels.

En seconde partie, l'orchestre, dans sa grande formation, est plus que jamais dans son domaine d'élection. La Symphonie fantastique qui nous est offerte, si elle s'inscrit dans la grande tradition, retrouve une jeunesse singulière par la dynamique qu'impose le chef. Le romantisme est vrai, flamboyant, clair, berliozien, sans la moindre emphase. Le sens des contrastes et l'art des transitions semblent débarrasser cette œuvre de la gangue dont certains l'entourent.  Quelle élégance, quelle retenue dans le bal, pour mieux préparer l'exaltation du tourbillon final ! La Scène aux champs est non moins belle, avec un magnifique ranz des vaches échangé entre les pâtres. Les incises des cors, comme les traits des contrebasses nous font rêver. Quel bonheur avec la Marche au supplice et ses fanfares resplendissantes, avec la progression grinçante du  Songe d'une nuit de sabbat, aux cordes graves puissantes, vigoureuses. Une soirée qui restera gravée dans la mémoire de ceux qui ont eu la chance d'y assister.

Lucas BebargueLucas Debargue à Montpellier. Photographie © D. R.

L'orchestre, superlatif, n'a cessé de progresser. À l'héritage français que Michel Plasson lui a légué se sont ajoutées la rigueur et la vigueur de Tugan Sokhiev. Le son est français, transparent, des bois aux cordes, mais la précision, la cohésion parfaite de chaque pupitre relèvent de la magie russe : c'est un bonheur rare que d'écouter et de suivre telle ou telle partie, ainsi les contrebasses, durant quelques mesures. On n'entend qu'un instrument, souple, énergique, dynamique à souhait. La direction attentive et inspirée de Andris Poga est claire, efficace. Le courant passe pleinement entre le chef et ses musiciens, qui se portent mutuellement, pour la plus belle des réussites.

Le concert sera diffusé le 24 juillet à 20h sur France Musique.

Eusebius
14 juillet 2016

1. Directeur de l'Orchestre National de Lettonie, cette étoile montante de la direction, déjà consacrée par les plus grandes formations, sera de nouveau en France pour une tournée avec  Plamena Mangova en janvier 2017.

 

Eusebius, eusebius@musicologie.org, ses derniers articles : Chef d'œuvre d'une verve loufoque, irrésistible : Ba-Ta-ClanLes mille et une nuits de MontpellierMagistrales Variations Goldberg, par Beatrice Rana — Philippe Forget, en chanteur, ou Eusebius salue Florestan : Aleko, l'opéra tzigane de RachmaninovBerlioz, « Napoléon de la Science musicale »Plus sur Eusebius.

 

 

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bouquetin

Samedi 16 Juillet, 2016 0:44