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Latin lover, vraie diva et fausse ingénue : Werther de Massenet au Théâtre des Champs-Élysées

Paris, 9 avril 2016, par Frédéric Norac ——

Werther de Massenet au Théâtre des Champs-Élysées. Photographie © Jean-Philippe Raibaud.

 

Depuis quelques années maintenant, Juan Diego Florez, qui fut et reste le parangon du ténor contraltino rossinien, cherche sa voie vers un nouveau répertoire et des rôles plus lyriques. Après Roméo de Gounod au Wiener Staatsoper récemment et avant Raoul des Huguenots prévu à la fin de cette année, c'est vers Massenet et Werther qu'il s'est tourné. Choix courageux et même assez risqué pour une telle prise de rôle car Paris garde depuis 2010 le souvenir de l'incarnation de Jonas Kaufmann à l'Opéra Bastille que plusieurs reprises (Roberto Alagna, Piotr Beczala plus récemment) n'ont pu faire oublier. Le rôle, ne l'oublions pas, est sûrement parmi les plus dramatiques qu'ait écrit Massenet pour un ténor, taillé sur les moyens d'Anton van Dijk, un chanteur connu pour ses incarnations wagnériennes à Bayreuth  (Tristan, Parsifal, Lohengrin), des rôles qu'à n'en pas douter le ténor péruvien ne peut même imaginer.

Remarquablement préparé, comme toujours, il aborde ce personnage exalté et suicidaire, à l'opposé de sa nature solaire et joyeuse, avec une grande concentration et une humilité évidente. Le français est impeccable, le contrôle de l'émission parfait, le phrasé subtil et la diction châtiée, la recherche expressive permanente et basée sur une intériorisation de tous les instants. Le résultat est d'autant plus remarquable que la version de concert n'offre guère de soutien pour se couler dans un rôle aussi difficile. Et pourtant, malgré tant d'engagement, le ténor ne convainc pas tout à fait. La voix manque intrinsèquement d'ampleur et parait d'autant plus petite qu'elle est confrontée au volume de l'orchestre sur le plateau. Surtout, si la tessiture ne lui pose pas de problème majeur, sa nature vocale même l'oblige à alterner entre une sorte d'héroïsme brillant dans les envolées dramatiques  et un mezzo piano presque désincarné dans les moments plus conversationnels, ce qui parfois n'est pas loin de faire de Werther une sorte de crooner ou de « latin lover » mélancolique.

Face à lui, la Charlotte de Joyce Di Donato semble un peu surdimensionnée, voix généreuse et superbement timbrée mais souvent à la limite de la grandiloquence, beaucoup trop « vocale » et « diva » pour un rôle qui demanderait plus de modestie sonore et une diction française plus travaillée. Dans ces conditions, le dernier tableau manque singulièrement de force, la mort du héros semble n'en pas finir et ce Werther restera parmi les moins émouvants qu'il nous ait été donné d'entendre.

Jolie voix de soprano lyrique léger assez corsée,  Valentina Nafornita, résolument incompréhensible, confond Sophie avec Norina et passe à côté de cette authentique ingénuité que réclame le personnage. Français impeccable mais voix encore un peu claire pour un rôle finalement assez sombre, l'Albert de John Chest ne passe pas inaperçu, surtout quand il revient au troisième acte avec ses longs cheveux blond vénitien lâchés. Excellents les deux demi-caractères, Schmidt et Johann, de Marc Larcher et Nicolas Rivenq, ainsi que le Bailli superbement timbré de Luc Bertin-Hugault.

Jacques Lacombe dirige avec compétence et beaucoup d'attention aux chanteurs  cette partition brillamment orchestrée, poétique et superbement évocatrice dont l'Orchestre national de France se révèle finalement l'un des interprètes et le protagoniste le plus idiomatique.

 

plume Frédéric Norac
9 avril 2016

 

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