Olivier Calmel, Opus 23, Music for a Gene, Quatuor Ramsès : Abdel Hamid El Shwekh (violon), Sidonie Bougamont (violon), Galina Favereau (alto), Alain Doury (violoncelle). Swiss Institute of Bioinformatics 2016 (SIB 0023).
Enregistré à la Haute école de musique de Genève entre septembre 2015 et février 2016.
Un institut suisse d'informatique spécialisé dans le traitement de données biologiques — le traitement des données génomiques demande par exemple de considérables ressources de calcul — a commandité une œuvre à Olivier Calmel, un quatuor à cordes avec récitant.
Pour l'occasion, le compositeur apporte une contribution à l'ancestrale tradition de la rhétorique musicale. Vu le contexte, il ne transpose pas en notes de musique ses notes d'épicerie, les dates de naissance, n'alphabétise pas le solfège pour insérer son nom ou ceux d'êtres chers, mais symbolise des éléments de biologie génétique et des séquences ADN.
Ainsi le premier membre du titre Opus 23 fait-il référence aux 23 paires de chromosomes humains, et le second Music for a gene, au gène UGT8, qui jouerait un rôle dans nos aptitudes musicales, selon les auteurs du livret. Un emballement (naïf ?) de communication quelque peu indigne de la science dont on se réclame ici. Défenestrez l'eugénisme, il revient par la lucarne.
Sept mouvements se succèdent : L'hérédité, Les chromosomes, Double hélice, Gènes, Code génétique, Diversité, Séquençage, notions qui, par les chiffres ou les configuration (par exemple, la forme en « X » lors de la segmentation embryonnaire) ont inspiré l'œuvre. Mais encore, symbolique pour symbolique, le thème (cyclique), pour énoncer le thème de l'hérédité, est emprunté à celui d'un quatuor de Roger Calmel, père d'Olivier et dédicataire de l'œuvre ; la succession de 23 accords pour les 23 chromosomes, etc. La citation de l'Apprenti sorcier de Paul Dukas, pour nous alerter sur les dérapages possibles de l'utilisation de la recherche génétique, par exemple l'admission future au Conservatoire sur présentation du séquençage de son gène UGT8 ?
Ce cédé se veut également pédagogique, mais le texte récité (très discret) est en anglais. La fin du cédé, est consacré, cette fois en français (puis en anglais), à des explications académiques sur la génomique, dont la portée nous semble très limitée (notamment par le manque de support visuel et de réflexion pédagogique), certainement peu compréhensibles pour la personne non renseignée, et sans nouveauté pour celle qui l'est (oublions là le fantasme du gène musicien).
Côté musique, c'est fort beau et soutenu de bout en bout. Paradoxalement, l'atmosphère expressionniste de l'œuvre (quelque peu mécanisée ici et là par des effets répétitifs et rythmiques), exprimerait plutôt la crainte et le clair-obscur des pièges et des embûches, véritables heures du crime, qui conviendrait mieux aux dangers planétaires que fait peser la récente fusion des firmes Monsanto et Bayer, plutôt qu'à l'optimisme des bienfaits de la connaissance. Le final, en rupture avec l'esthétique générale, une improvisation sur des modes orientaux à seconde augmentée, évoquant par la force des choses et des habitudes la tradition passée, est selon le livret l'expression de la confiance en l'avenir. Au fond une belle rhétorique sur la stabilité de l'humanité, évoquant à la fois l'un des berceaux de l'humanité — le quatuor ne se nomme-t-il pas Ramsès ? — et l'avenir à venir.
Olivier Calmel, Opus 23, Music for a Gene, second mouvement, « Chromosomes », (extrait), plage 2.
Jean-Marc Warszawski
1er octobre 2016.
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