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21 avril 2021 —— Jean-Marc Warszawski.

Les amours magyares de la pianiste Emmanuelle Moriat

Danses magyares, Kodály, Weiner, Farkas, Emmanuelle Moriat (piano/ Polymnie 2021 (POL 1310152).

Enregistré les 3-4 juillet 2020, studio Stephen Paulello, Villethierry.

Après un cédé « Escale en pays magyar » (Kdream Music 2017), avec des œuvres d’Ernő Dohnányi et de Miklós Rózsa, la pianiste Emmanuelle Moriat récidive avec un cédé « Danses magyares », non pas hongroises, parce que les frontières géopolitiques ne sont pas exactement celles des langues et des traditions populaires.

Entre temps, l’ancienne élève de Jean-Claude Vanden Eynden au Conservatoire royal de Bruxelles et de Serge Zapolsky au Conservatoire national supérieur de Paris a eu la chance d’être invitée à jouer à l’Institut de musicologie de Budapest, pour la Journée Ernst von Dohnányi, et de découvrir de visu les archives conservant le travail de Zoltán Kodály et de Béla Bartók.

Pour ces danses, évitant, Béla Bartók, elle a choisi des œuvres de Kodály, le compagnon des premières collectes de chansons populaires et explorations modales et rythmiques, de Leo Weiner, leur contemporain à Budapest, esthétiquement opposé il est plutôt attiré par le romantisme germanique, et de Ferenc Farkas, leur cadet d’une vingtaine d’années, certainement influencé par les deux défricheurs, mais aussi par son professeur Ottorino Respighi à Rome. De retour en Hongrie pour une courte période en 1934, il participe à la collecte de chansons folkloriques.

À première écoute on sera attiré par l’âpreté, la rudesse rythmique et des accentuations, une sauvagerie qui marque plus ou moins fortement l’ensemble, cette callosité qui surprit le public américain quand Béla Bartók et son épouse, la pianiste Ditta Paztory, débarquèrent sur leur sol et dans leurs salles de concert. Cela donne une cohérence qui traverse tout le programme.

Mais à seconde écoute les différences sautent aux oreilles et les passionnent.  Kodály le modal le plus rude, le plus cru, y compris dans ses épisodes élégiaques (Danses de Galánta, réduites ici d’orchestre à piano). Weiner l’harmoniste tonal qui ne cède pas facilement à la modalité, ce qui fait surgir ici et là, paradoxalement, des coloris slaves. Farkas qui frotte les modes populaires magyars en vrai et imaginés à ceux d’un passé latin où modes et tonalité émergente flirtaient encore ensemble.

Au passage on ne peut qu’admirer l’art de ces trois formidables compositeurs, servis par la tout aussi formidable prestation d’Emmanuelle Moriat, l’authenticité musicale et la spontanéité ne cédant rien à la bravoure technique requise, comme c’est souvent le cas quand les compositeurs sont aussi des interprètes solistes.

Ce cédé a été fort bien enregistré, sur l’Opus 102 de Stephen Paulello, un piano de concert exceptionnel à cordes parallèles et 102 touches, qui évite le brouillard de la résonance harmonique sympathique non désirée des cordes croisées. En quelque sorte un pianoforte ayant la puissance des grands pianos de concert d’aujourd’hui, un ambitus surdimensionné en bonus.

À troisième écoute et suivantes, on est nécessairement séduit par tant de beauté et d’originalité, ces œuvres ne courant pas les concerts.

Excellent livret rédigé par Viktória Ozsvárt de Institut de musicologie de Budapest.

Zoltán Kodály, Danses de Marosszék (extrait), plage 3.


PS. Curiosité et rapprochement fortuit, Les Danses de Marosszék de Kodály (plage 3), donnent le thème exact de la chanson Il n’y a plus d’après, popularisée pas Juliette Greco. Si cette mélodie avait été du hongrois Joseph Kosma, nous aurions pu gloser. Mais elle est de Guy Béart, en 1960.

 

plume 7 Jean-Marc Warszawski
21 avril 2021


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Mercredi 21 Avril, 2021 4:50