Portbail-sur-Mer, 22-24 septembre 2023 —— Alain Lambert.

Arches en Jazz entre terre, ciel et mer

Entre ciel, terre et mer, pour élargir le titre d'une jolie composition de Pierrick Hardy [voir notre chronique], présent ici en tant que guitariste lusophile, comme vous le découvrirez plus loin. Une troisième édition de ce festival très réussie, des arches du vieux pont de Porbail, près de l'église, à la salle des fêtes de Saint-Lô d'Ourville et à la chapelle de Denneville. Pour faire vibrer les trois lieux de la communauté de communes de Portbail sur Mer, à l'ouest du Cotentin avec des musiques très diverses autour des jazz et musiques du monde.

Le trio Jourdan à Portbail. Photo Patricia Segretinat.

Le vendredi commence l'après-midi avec les balances du concert du soir, où les collégiens sont invités pour faire la connaissance des musiciens de Black Pantone, et de leurs instruments. Puis à la médiathèque, un trio de guitaristes voisins propose un concert (gratuit) en passant du baroque (Bach) au manouche (Django), au jazz (Spainde Chick Corea, un beau duo très enlevé) puis à la chanson française (Brassens, Aznavour, Olivia Ruiz) jusqu'au rock anglo-saxon (Beatles, Sting, AC/DC, Ricky Lee Jones). Le trio Jourdan, Eric le père et ses deux
enfants, Léa et Lucas, tous aussi bons à la guitare que dans les harmonies vocales et dans les arrangements très personnels et réussis des thèmes proposés.

Black Pantone en quartet à Saint-Lô d'Ourville.© Photo Patricia Segretinat.

Black Pantone, ce trio normand que nous suivons avec enthousiasme depuis un bon lustre, auquel les organisateurs avaient proposé d'inviter un quatrième, en la personne du violoniste Sébastien Guillaume, venu du Havre où ils se sont rencontrés. Son violon électrique s'est sans problème acclimaté aux ambiances proposées par Antoine Bouchaud au piano lyrique, Clémence Gaudin à la contrebasse ondoyante (acoustique et électrique), Martin Mabire à la batterie joyeuse. Et à leurs superbes compositions, passant sans heurt du classique au jazz ou aux romances pop bien balancées. Entre deux moments en quartet, le trio reprend son identité mélodique le temps d'un titre. Une grande complicité et un plaisir de jouer ensemble à trois ou quatre simplement contagieux y compris pour le public nombreux.

Un trio dans l'église de Portbail et un duo dans la chapelle de Denneville. Photos © Patricia Segretinat.

Un univers musical très différent nous attend le samedi midi dans l'église de Porbail, avec le Triumviret. Encore un trio père fille fils, Jean Philppe Viret à la contrebasse, Adèle au violoncelle et Oscar à la trompette. Une musique exigeante aux titres souvent humoristiques qui évolue dans une sorte de baroque improvisé sur lequel plane parfois l'esprit de Jean Sébastien dans certains phrasés ou certains coups d'archet. La trompette à la sonorité éclatante ou feulée s'entrelace joliment entre les cordes. Avec aussi un clin d'œil aux accordéonistes du musette et quelques incursions vers d'autres territoires du jazz.
L'après-midi nous emmène dans la chapelle de Denneville jusqu'au Portugal et au Brésil avec Chloé Breillot au chant, et Pierrick Hardy à la guitare. Pour du fado et deux morceaux de Tom Jobim. Pourtant, la chanteuse vient de Mortain dans la Manche, à quelques encablures, et n'a aucune filiation portugaise, s'étant éprise du fado, de sa langue poétique, comme si elle y était née. Et c'est une incroyable surprise de pénétrer avec elle dans cette poésie populaire qu'elle nous chante avec puissance et émotion, et nous explique en français entre chaque chanson. Magnifiquement accompagnée par la guitare lumineuse.

Charlier – Sourisse - Winsberg à St Lô d'Ourville. Photo © Patricia Segretinat.

Changement radical d'ambiance le soir dans la salle des fêtes de Saint-Lô d'Ourville avec le trio électrique composé d'André Charlier à la batterie, de Benoit Sourisse à l'orgue et de Louis Winsberg à la guitare. Électrique et puissant, bourré d'énergie, mais parfaitement sonorisé. Un rejeton de Sixun, en plus sobre et explosif à la fois. Un organiste virtuose aux compositions éclectiques et humoristiques. Un batteur palpitant au bord de l'orgasme. Un guitariste aux phrasés tout à la fois intrigants et élégants. Un beau trio aux univers multiples, et une belle palette de nuances, qui revient pour le rappel avec un blues de Mickael Brecker.

Brass Dance in the wind à Portbail. Photo © Patricia Segretinat.

Le dimanche, pour clore le festival, un concert (gratuit) devant l'église de Portbail, par le Brass Dance Orchestra composé de Didier Ithursarry, Jean Louis Pommier au trombone, Geoffroy Tamisier à la trompette et François Thuillier au tuba. Un ensemble aux arrangements travaillés et aux improvisations éoliennes qui doit lutter contre le fort vent marin envolant les partitions dans une sarabande imprévue au programme. Peut-être plus une musique de concert en intérieur que de fanfare en extérieur. Mais les musiciens tiennent bon et passent d'un pays à l'autre avec humour tout en maniant les épingles à linge qui elles, dansent bien autour des pupitres.
Un public comblé (93% de remplissage des salles), des organisateurs passionnés, des bénévoles accueillants, de 7 à 77 ans, des musiciens heureux d'y jouer, une troisième édition qui en appelle forcément une suivante le dernier week-end de septembre l'an prochain, quand l'été et l'automne se rencontrent.

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.

ISNN 2269-9910.

bouquetin

Mardi 26 Septembre, 2023 5:58