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31 août- 2 septembre 2023 —— Alain Lambert (Photographies de Patricia Segretinat)

Des Traversées Tatihou festives et arrosées...

Étude 4 L'arrivée sur l'île avec le Tatihou III - Étude 4 en mouvement devant la tour Vauban. Photographies © Patricia Segretinat

...Arrosées parfois par la pluie, parfois à la bière ou au cidre cotentinais. Une 29e année des Traversées Tatihou, plus courte à cause des grandes marées tardives fin août début septembre. Pas de chapiteau à Saint-Vaast ni de village du festival, mais une scène ouverte avec les groupes régionaux et des concerts dans les salles communales alentour. Toujours bien sûr les doubles concerts dans le grand chapiteau, sur l'île de Tatihou à 2 km de marche les pieds mouillés, à la pointe Est du Cotentin. Souvent précédé d'un concert en plein air à petite jauge devant la tour Vauban, ou dans les jardins. Mais il faut alors prendre le nouveau bateau amphibie, le Tatihou III, pour arriver à temps, car la mer est encore haute. Quand la grande troupe des marcheurs, elle, se prépare à traverser pour accéder à l'île. Environ 6 000 festivaliers sur six jours dont un millier pour les animations gratuites, déambulations, musique et danse, et 4 000 pour les concerts sur l'île.

Jeudi, avec un bateau de retard, on arrive juste à temps pour le second moment du spectacle sous la tour Vauban. Une bande-son parlée et rythmée, le danseur, Yannick Hugron, en est peut-être le récitant, raconte des premiers souvenirs de danse basque et l'évolution de celle-ci du masculin au féminin. La danseuse, Aina Alegre en est aussi la chorégraphe et la conceptrice d'Étude 4. Un joli moment entre tradition et contemporain, dans le vent et la bruine.

Le duo Caamano & Ameixeiras Le duo Caamano & Ameixeiras – Carlos Nunez et sa gaïta. Photoghraphies © Patricia Segretinat.

Dans le chapiteau, on se retrouve en Galice, d'abord avec un duo féminin, Sabela Caamano à l'accordéon et Antia Ameixeiras au violon et au chant. Un duo tout neuf qui compose à partir de la tradition en la réinventant. Très vivifiant.

Avec Carlos Nunez, pour la quatrième fois ici, l'un des rénovateurs de la nouvelle tradition galicienne celtique, on passe de l'intimiste au festif collectif. Rien à voir avec son concert lors de la Nuit des étoiles au début du siècle. Il n'est plus là pour faire connaître la Galice, mais pour faire danser le public, y compris sur la scène, avec ses musiciens comme une sorte de M. Loyal virtuose des flûtes et de la gaïta, la cornemuse de son pays. Ses musiciens sont excellents, à la guitare atlantique, à l'accordéon, au violon et chant. En particulier son frangin aux effets et aux percussions, un gros tambour et une cymbale, jouant des rythmes comme un batteur inventif. Et pour quelques morceaux, deux sonneurs venus de la Bretagne voisine.

Le duo Ruth Keggin & Rachel HairLe duo Ruth Keggin & Rachel Hair – Mànran en rock celtique. Photoghraphies © Patricia Segretinat.

Vendredi, après le grand déluge de la nuit, le double concert de l'île nous emmène en Écosse d'abord avec le duo de Ruth Keggin, originaire de l'île de Mann avec sa langue gaélique spécifique, au chant et Rachel Air à la harpe celtique. Un duo idéal où les deux instruments, vocal et instrumental, se révèlent sans s'étouffer. Des airs traditionnels et des compositions récentes très belles font passer l'heure en un souffle de vent.

Puis Mànran arrive avec son rock celtique festif bien syncopé, guitare, basse et batterie. Plus bien sûr, accordéon, violon, flûte, cornemuse et deux voix principales masculine et féminine. Un niveau sonore maximum qui couvre un peu cette dernière, mais l'énergie joyeuse est contagieuse.

Le duo Rüüt dans l'église de Montfarville. Photoghraphie © Patricia Segretinat.

On s'en va ensuite vers l'Est en gagnant l'église de Montfarville un peu plus à l'Ouest, pour un duo estonien, deux musiciennes chanteuses, Ann Lisett Rebane et Katarina Kivi, autour d'une seule cithare de leur pays, l'arpégeant des doigts, la frottant de l'archet, la percutant avec des baguettes. On n'en revient pas de ce qu'elles font de leur instrument et de leur incroyable duo vocal, juché sur une estrade pour que tout le monde les voit. Avec des jeux d'éclairages qui donnent d'étranges couleurs aux fresques du peintre Guillaume Fouace.

Trois duos dans les jardins de Tatihou. Photoghraphies © Patricia Segretinat.

Samedi, le concert promenade dans les jardins de l'île nous fait réentendre le duo écossais en plein air sans aucune amplification, et c'est toujours aussi plaisant. Puis sous un grand pin torturé, on découvre deux violons irlandais, même si le fils est aussi belge. Kieran et Lorcan Fahy dans un répertoire traditionnel du pays paternel, complété par une suite d'airs galiciens. La troisième étape sous l'eucalyptus reste belge, une jolie découverte, un autre binôme père-fils, Thierry et Téo Crommen, le premier aux harmonicas et le plus jeune à la guitare. Du folk mélodique et acoustique envoûtant qui se plait parmi les arbres du jardin. Ces deux paires belges forment un ensemble qui jouait la veille dans la salle communale de Saint-Vaast.

Le trio Skeeq – Denez Prigent et son ensemble. Photoghraphies © Patricia Segretinat.

Le grand concert nous fait d'abord découvrir un trio breton, Skeeq, spécialisé dans la composition de musique traditionnelle suédoise. Et qui le fait magnifiquement, enchaînant les polskas et autres danses nordiques entre les cordes de la harpe celtique de Mael Lhopiteau, la guitare de Tristan le Breton, et pour ce concert, le violon de Coline Jeunet, sonnant parfois comme un nyckelharpa.

Autre paradoxe avec Denez Prigent, le barde des complaintes en breton, et son superbe ensemble parfois jazzy avec un saxo soprano éclatant, parfois musique du monde aux inflexions argentine ou arménienne ou tsigane, et des instruments comme le bandonéon, le charango du guitariste ou le duduk du saxophoniste. Sans oublier le violoniste et le contrebassiste. De quoi mettre un brin de couleur et de rythme tout au long de ces gwerz graves, mélancoliques et monodiques, quand le chanteur laisse tomber sa feuille et fait un pas en arrière pour permettre aux musiciens d'occuper l'espace musical au-delà du seul accompagnement.

En repartant à pied dans le soleil couchant, nous croisons les derniers arrivants venus participer à la nuit du bal.

La marée le mènera jusqu'au petit matin. Car ici elle décide de tout, comme les dates de la 30e édition du festival, entre le 19 et le 25 août prochain.

Alain Lambert
31 aoûit- 2 septembre 2023
© musicologie.org
alain@musicologie.org
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Mercredi 6 Septembre, 2023 11:30