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23 septembre 2023 — Frédéric Norac

Francis Poulenc : un requiem sans désespoir

Poulenc : Stabat Mater ; Litanies à la Vierge noire. Clément Janequin : « O doulx regard, ô parler gracieux », Ensemble Aedes, Les Siècles, sous la direction de Matthieu Romano. Aparté 2023 (AP 323).

Un « requiem sans désespoir », c’est ainsi que Poulenc avait défini lui-même son Stabat Mater, composé entre l’été 1950 et le printemps 1951, sous le coup de la mort de son ami le décorateur Christian Bérard, « Bébé » pour les intimes.

Cette œuvre puissante, richement orchestrée, à l’écriture chorale somptueuse, baigne déjà dans une atmosphère qui semble annoncer la religiosité des Dialogues des Carmélites dont la composition ne commencera que quatre ans plus tard. La théâtralité aussi y est omniprésente dans les contrastes très marqués entre moments tragiques et pacifiés. Dans sa façon d’allier les réminiscences de la musique chorale française du xviie et xviiie siècle et une inspiration mélodique parfaitement contemporaine, impossible à confondre avec aucune autre, on découvre un Poulenc d’une extrême modernité qui n’est pas si éloigné par moments de l’inspiration d’un Messiaen.

Si la gravité fait le fond de l’œuvre, quelques éclairs de lumière, notamment les parties confiées à la soprano viennent périodiquement l’éclairer d’une nuance d’espoir. Au-delà du message religieux, c’est celui d’une humanité souffrante qui s’exprime dans cette musique et sûrement il n’est pas besoin d’avoir soi-même une foi chevillée au corps pour être touché par son message.

Par contraste, les Litanies à la Vierge noire de Rocamadour de 1936 paraissent d’un dépouillement et d’une totale simplicité. Écrites pour un chœur à trois voix (de femmes) dans le registre de la psalmodie avec des ponctuations à l’orgue qui en renforcent le caractère archaïque et créent tout un jeu de dissonances, elles nous emmènent dans un univers dépouillé de tout ornement.

Entre ces deux œuvres, Matthieu Romano a intercalé une chanson de Janequin où il dit voir une possible rencontre entre l’amour courtois et la dévotion à la Vierge. L’interprétation de Matthieu Romano et de son ensemble Aèdes capture remarquablement l’esprit de ces pièces, grandiose dans le Stabat et d’une grande humilité dans les Litanies. L’ensemble choral est y est d’une absolue perfection et remarquablement servi par l’orchestre des Siècles que dirige ici le chef. Avec deux solistes de grande envergure, Louis-Noël Bestion de Camboulas à l’orgue dans les Litanies et la soprano Marianne Croux pour le Stabat, cet enregistrement devrait trouver place parmi les versions de référence de la musique religieuse chorale de Poulenc, voire même y occuper la première.

À paraître le 20 octobre 2023

plume_07 Frédéric Norac
23 septembre 2023
norac@musicologie.org
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Mardi 12 Décembre, 2023 13:54