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23 septembre 2023 — Frédéric Norac

La Guilde des Mercenaires riposte... mais à quoi ?

Riposta, Violaine Le Chenadec (chant), La Guilde des Mercenaires, sous la direction d’Adrien Mabire, Œuvres de Monteverdi, Gabrieli, Grandi, Donati, Picchi, Bovicelli, Castaldi, Rognoni, Merula, Cima. L’Encelade 2023 (ECL 2205)

Un mystère (ou au moins une question) demeure après l’écoute de ce disque et la lecture des notes qui l’accompagnent : son titre. Pourquoi « Riposta »  ? À quoi la Guilde des Mercenaires a-t-elle voulu répondre (ou riposter) avec ce passionnant programme ? Est-ce à ces « énièmes disques de basse obstinée de la scène baroque actuelle », auxquels fait référence dans sa présentation Adrien Mabire, son directeur artistique, et qui banalisent « en l’effleurant » une musique qui a besoin d’être « comprise » afin d’être « restituée avec alchimie » selon ses propres mots ? Si c’est le cas, la réponse est en effet pleine et entière.

La richesse du programme, construit autour de la musique vénitienne de la première moitié du xviie siècle et de Monteverdi, se révèle passionnante. D’abord par le choix des pièces où la rareté n’est pas là pour faire preuve d’érudition, mais pour offrir à l’auditeur une variété de registres et d’authentiques découvertes. Une des plus fascinantes est cette étonnante berceuse mystique de Tarquinio Merula, sur un poème anonyme (?), « Canzonetta spiritual alla nanna Curtio precipitato », où la Vierge évoque à l’enfant ses souffrances futures. Elle concrétise à merveille cette rencontre, cette fusion voulue, entre l’inspiration sacrée et l’inspiration profane qui y sont toutes deux présentes.

Le fil conducteur du programme est le duo vocal avec basse continue, mais ici la seconde voix est confiée au cornet à bouquin, instrument fascinant par la beauté de son timbre et l’expressivité de son chant. À preuve, on le retrouve dans deux motets à voix seule (donnés sans paroles) d’Ignazio Donati, où il remplace purement et simplement la voix.

Le petit ensemble réunit harpe et viole de gambe (Manon Pasariego), clavecin et orgue (Jean-Luc Ho ou Yoann Moulin), basson (Jérémie Papasergio), théorbe (Gabriel Rignol) et bien sûr Adrien Mabire (cornet à bouquin). (Mais à qui est cette voix de contreténor qui introduit le motet de Monteverdi, « Sancta Maria, succure miseris », SV.328 ?).

La richesse des timbres sert merveilleusement la polyphonie de la basse continue qui soutient la voix de Violaine Le Chanec et se renouvelle sans cesse. La chanteuse varie à plaisir les registres expressifs au fil des pièces et se révèle aussi à l’aise dans le registre religieux que dans la désinvolture des madrigaux amoureux. Parmi les pièces instrumentales qui émaillent ce programme essentiellement vocal, on note deux très beaux duos pour cornet et basson, une Canzon de Picchi et un Capriccio de Cima, mais nombreuses sont celles qui permettent de faire entendre tour à tour en soliste et en accompagnement les instruments qui composent l’ensemble. Le résultat s’écoute dans la continuité sans lassitude et il s’en dégage une sensation d’intimité avec la musique et les musiciens qui est exactement celle que le mélomane va chercher au concert. Une remarquable réussite.

Programme à retrouver en concert à Sézanne (festival de musique baroque) le 7 octobre, à Lanvellec le 13 octobre, à Nantes le 30 novembre et à Neuilly sur Seine le 17 décembre.

plume_07 Frédéric Norac
26 septembre 2023
norac@musicologie.org

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