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Maison de Radio-France et de la Musique, 2 décembre 2023 — Frédéric Norac

Le retour du Grand Macabre : un pied de nez à la mort de György Ligeti

Roland Topor, Le grand macabre, dessins des décors et costumes de l'opéra de György Ligeti, L'aide de la Mort. Hubschmid & Bouret, 1981, p. 41.

Le Grand Macabre, sans doute un des opéras les plus importants de tout le répertoire lyrique du XXe siècle, n’avait pas paru une scène française depuis la production de Peter Sellars importée du Festival de Salzbourg au Châtelet en 1998. Le spectacle nous avait laissé un tel souvenir que nous n’aurions voulu sous aucun prétexte rater cette proposition de Radio France et du Festival d’Automne, destinée à célébrer le centenaire de la naissance de György Ligeti.

À plus de quarante ans de sa création à Stockholm (1978), l’œuvre n’a rien perdu de sa force ni de sa modernité. Dans une parodie où abondent les clins d’œil au grand répertoire, le compositeur joue en permanence entre farce (les deux préludes au klaxon en référence à la fanfare de l’Orfeo de Monteverdi) et sérieux — les extraordinaires interludes où il donne toute la mesure de son génie d’orchestrateur et d’un sens aigu de la tension dramatique. C’est du reste cet aspect qui nous a semblé être privilégié par la direction précise et ample de François-Xavier Roth qui nous emmène souvent dans une dimension proprement tragique.

Du côté du chant, la distribution ne démérite pas, avec des solistes allant du très du bon — le Piet de Bock de Matthieu Justine, le Nekrotzar de Robin Adams, à qui l’on pourrait souhaiter un peu plus de noirceur de timbre — à l’excellent (la Mescalina de Lucile Richardot et Sarah Aristidou dans le double rôle de Vénus et du chef de la Gepopo).

La version française du livret, en revanche, légèrement retouchée par Arnaud Arbet sur la première traduction de l’original allemand de Michel Vittoz, pour tenir compte des modifications apportées à la partition par Ligeti en 1996, nous a semblé assez faible au plan de la prosodie, affadissant la vocalité déjà très déclamatoire de l’écriture avec l’inconvénient majeur de rendre la compréhension du texte très aléatoire, ce qui évidemment est dommageable pour les aspects comiques.

À ces réserves près, on est resté fasciné par la puissance de cette composition et la qualité de l’Orchestre national de France tant du côté des cuivres que des percussions, très sollicités, ainsi que des chœurs et de la Maîtrise de Radio-France.

La mise en espace de Benjamin Lazar joue habilement de tout une batterie de néons qui se colorent selon les ambiances et introduit quelques jeux de scène qui suffisent à évoquer l’action et à donner un peu de relief aux personnages, parmi lesquels étaient particulièrement réjouissantes, l’agitation fébrile de la soprano dans le rôle du chef de la police ou la marche immobile et le brouhaha musical du chœur incarnant le peuple révolté ou en panique.

Si le concert nous a paru un bel hommage au compositeur disparu en 2006, un retour sur la scène de l’Opéra de Paris semble désormais s’imposer pour une œuvre où elle fut créée en 1981 et qui appartient donc de plein droit à son répertoire.

En attendant, ceux qui n’étaient pas à l’écoute à la diffusion en direct pourront retrouver sur le site de Radio-France le podcast avec tout un ensemble de pièces associées pour approfondir leur connaissance.

Le concert peut également être visionné sur Arte Concert jusqu’au 31/05/2024

plume_07 Frédéric Norac
2 décembre 2023
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Lundi 4 Décembre, 2023 3:15