juin 2023 —— Alain Lambert
La Septième Reine du Georgelet Zelnik Chesnel Trio, Eclosion du big band Orchid, Afrique du quartet Nomades, Second Life du Pierre Marcus 4tet avec invités, YOU Are The Song (sic) du trio Pilc-Moutin-Hoenig, Move Your Feet du Michael Veleanu trio et Vertes brumes du quartet Nobi de la flûtiste Fanny Ménégoz.
La Septième Reine (Petit Label 2022) du Georgelet Zelnik Chesnel Trio. Dix ans que le roi triste du premier album attendait sa nouvelle reine… Deux albums en une décennie pour ce superbe trio et quelques nuances même si l’esprit est toujours bien là. Deux thèmes de Bill Evans aujourd’hui pour quatre de Monk hier. Et un seul jadis, La tristesse du roi, pourquatre maintenant du pianiste François Chesnel, le thème titre, plus Belà, Lied et Momo. Le batteur, David Georgelet a aussi contribué avec L’Odyssée. Tous deux en grande complicité avec le contrebassiste Yoni Zelnik nous offrent un jazz classique, élégant, joyeux, joliment intemporel dans un échange riche et stimulant pour eux comme pour tous ceux qui auront la chance de les découvrir.
Eclosion (Déluge 2023) est le premier album du big band Orchid basé entre Paris et l’Aquitaine et composé de façon paritaire de cinq saxophones, quatre trompettes, quatre trombones, une guitare, un piano, une contrebasse, une batterie, avec une flûte invitée et à la direction Thomas Julienne. Dix titres ont été proposés par six des musiciens, ce qui crée une diversité musicale tout en restant dans l’esprit de l’ensemble. Un beau travail d’arrangement qui joue sur l’histoire du style, sans oublier Stravinsky dans Traversée du désert {et sa tempête] composée par la saxophoniste Jeanne Michard à la suite d’un confinement éprouvant. Le plaisir toujours renouvelé du jazz orchestral, pétillant, grondant, éclatant, ondoyant et envoutant tout à la fois.
Afrique (Mazeto Square 2023) du quartet Nomades en dit aussi long par son nom que par son instrumentation : l’oud d’Alaoua Idir, la flûte d’Etienne Lecomte, le saxophone alto ou soprano d’Alain Angeli et le tuba de Laurent Guitton entre Orient et Occident, entre trad et jazz, entre folk et blues, une quadruple rencontre émerveillée de funambules qui nous emporte aux quatre coins cardinaux, vers l’Afrique et le Maghreb sans doute, mais pas seulement. Le grave tuba groove en respirant, l’oud se déroule ou devient violoncelle en pizzicato, la flûte virevolte et le sax s’envole d’un autre élan pour mieux contourner les mirages et parcourir les hautes terres. Un bel album superbement enregistré.
Second Life (Jazz Family 2023) du compositeur et contrebassiste Pierre Marcus est comme le précédent un disque avec invités. Le quartet est le même, Baptiste Herbin est aux saxophones ténor, alto ou soprano, Bruno Chivallon au piano, Thomas Delor à la batterie mélodique. Sylvain Gontard s’ajoute à la trompette sur deux titres, et deux batteurs, Benjamin Henocq ou Raphaël Pannier viennent se relayer sur quatre encore. Mais ce qui innove par rapport aux deux précédents albums, c’est l’apport de la voix bienvenue et chatoyante de Melina Tobiana sur Second Life et Angel Eyes. Le cédé s’ouvre avec Après un rêve de Fauré, mais qu’on ne s’y trompe pas, les rythmes se bousculent et les cuivrent vous réveillent complètement dès le suivant.
YOU Are The Song (Justin Time 2023) est l’œuvre du trio de Jean Milchel Pilc au piano, François Moutin à la contrebasse et Ari Hoenig à la batterie. Un ensemble de standards ouvert tambour battant par Impressions de Coltrane, et continué avec The Song Is You de Kern et Hammerstein. A quoi le trio répond un peu plus loin par la composition collective You Are The Song. Le moment autour de Monk, Straight No Chaser et Bemsha Swing passionne, dans sa relecture chantournée qu’on retrouve aussi sur Dear Old Stockholm. Deux autres compositions du trio, sur le principe de l’improvisation libre et spontanée, complètent ce bel album, avant deux ballades standard, After You’ve Gone et Alice In Wonderland.
Move Your Feet (Jazz Family 2023) du guitariste et compositeur français Michael Veleanu installé à New York depuis dix ans en trio avec Fred Nardin à l’orgue et Andreas Svendsen à la batterie. Un son de guitare velouté qui convient bien au son ample de l’orgue et aux roulements percussifs comme jadis René Thomas avec Eddy Louis et Kenny Clarke. Deux standards, Limehouse Blues de Furber et Braham et King Cobra d’Herbie Hancock s’entremêlent aux compos du leader, et s’y intègrent en toute sensibilité. La ballade Virginia nous caresse dans le sens de l’ouïe avec son dialogue orgue batterie et son thème bien ciselé. Le morceau titre, comme ses mots l’indiquent, balance bien, tout en langueur et nuance, à l’image de l’album.
Vertes brumes (Onze Heures Onze 2023) est le nouvel album du quartet Nobi de la flûtiste et compositrice Fanny Ménégoz bien entourée par Gaspar José au vibraphone, Alexandre Perrot à la contrebasse et Ianik Tallet à la batterie. Une écriture qui se veut un brin conceptuelle comme dans les groupes auxquels elle a participé avec Magic Malik, mais une liberté d’improviser et d’arranger dans cet ensemble instrumental rare et riche à la fois. Vertes brumes ouvrent l’album et cache un Vol d’oiseaux invisibles. Virgule et Point virgule ponctuent de façon percussive cette jolie suite qui se décline dans la pochette sous la forme d’un conte écrit par la flûtiste. Tandem pour huit mains résume bien l’esprit de l’ensemble.
Alain Lambert
5 juin 2023
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