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Théâtre des Champs-Élysées, 18 novembre — Frédéric Norac.

Une « Zauberflöte » au goût français : La Flûte enchantée vue par Cedric Klapisch

Regula Mühlemann (Pamina), Cyrille Dubois (Tamino). Photographie © Vincent Pontet.

Pour sa première production d’opéra, Cédric Klapisch a jeté son dévolu sur La Flûte enchantée, l’opéra le plus populaire de Mozart et, pour le rendre encore un peu plus accessible, il en a traduit et adapté les dialogues, avec une pointe d’humour et des clins d’œil contemporains qui suscitent de nombreux rires spontanés dans la salle. On lui saura gré en revanche de n’avoir pas trop dénaturé le message humaniste originel, même si dans les notes de programme, il est question de nature (le côté féminin) et de civilisation (le côté masculin) et si l’on pouvait craindre que l’on nous resserve les tartes à la crème du moment : écologie et féminisme.

À l’arrivée, sa lecture reste assez classique, mais ne sait pas toujours sur quel pied danser, avec des numéros chorégraphiés de façon assez plate en guise de direction d’acteurs et un petit excès de bruitages qui ne s’imposaient afin de créer des ambiances pour lesquelles la musique est suffisamment parlante. Elle évite bien sûr le blackface pour Monostatos et ne fait pas des Initiés et de Sarastro une secte totalitaire.

Sa mise en scène est un peu tributaire des costumes plus ou moins réussis de Stéphane Rolland et Pierre Martinez et d’un habillage scénique peu homogène. Le costume de Pamina avec sa coiffure en amazone par exemple manque un peu de simplicité pour évoquer la tendre jeune fille du livret. À son entrée en scène, Tamino avec sa grande cape rouge flottante avec sa bizarre coiffure a l’air de sortir d’un mauvais péplum. La Reine de la Nuit quant à elle, avec son énorme tiare semble sortir d’un magazine de mode années 1920.

La Reine de La Nuit (Alexandra Olczyk). Photographie © Vincent Pontet.

Du côté du « décor », l’évocation des portes des trois temples est assez minimale, mais l’intérieur avec sa fausse perspective évoquant une sorte bibliothèque-prison est assez réussi et le cloitre à arcades derrière lequel apparait en toile de fond une forêt très xviiie puis au final un jardin futuriste ne fonctionne pas mal.

L’accent français est présent chez une bonne moitié de la distribution, du Tamino de Cyril Dubois qui semble se battre un peu avec la tessiture très centrale de son rôle et cherche l’expressivité dans des variations et des ornements auxquels il renonce un peu dans la seconde partie plus lyrique au Papageno gentiment plébéien de Florent Karrer. Jean Teitgen en revanche parait aussi idiomatique que possible même si l’extrême grave de Sarastro n’est pas encore tout à fait dans ses cordes. Rien à signaler du côté des Trois Dames parfaitement accordées et de l’excellente Papagena de Catherine Trottmann. Marc Mauillon est évidemment le plus expressif et le plus subtil des Monostatos. Les trois « Knäbchen » sont une fois de plus chantés par des filles ce qui dénature un peu la couleur attendue, mais leur trio est parfaitement homogène, de même que le duo des deux hommes d’armes, Ugo Rabec et Blaise Rantoanina, qui incarnent également les deux prêtres. Du côté des non français qui assument bravement leurs dialogues, la Reine de La Nuit d’Alexandra Olczyk, voix large et aigus forcés est affaire de goût. Est-ce une question de diapason, ici à 730 ? la Pamina de Regula Mühlemann paraît souvent bien mal à l’aise dans le bas de la tessiture et n’est pas toujours d’une parfaite justesse. Le plus idiomatique de la distribution est évidemment l’Orateur de Josef Wagner, splendide voix de baryton-basse, dont on regrette que le rôle soit si court, mais dont la présence est reconduite dans les deux grands chœurs, assurés avec une remarquable homogénéité par les voix masculines d’Unikanti.

À la tête de son ensemble Les Siècles, François-Xavier Roth joue de tempi très contrastés, de syncopes, de changement de rythme, habille les silences de quelques touches instrumentales et permet à l’orchestre comme à ses solistes (qui n’en abusent pas) de subtils ornements, appogiatures et cadences. Sa direction très vivante est un des atouts majeurs de la réussite d’un spectacle inégalement réussi, mais qui convainc de plus en plus au fil de la soirée et se taille, au rideau final, un succès qui ne masque pas tout à fait quelques contestations.

Prochaines représentations les 22 et 24 novembre.

Spectacle coproduit par l’Atelier lyrique de Tourcoing (9 et 10 décembre), le Théâtre Impérial de Compiègne (3 décembre 2023) et l’Opéra de Nice-Côte d’Azur.

La production fait l’objet d’une captation, réalisée par Cédric Klapisch, coproduite par le TCE et FRAprod avec la participation de France-Télévisons et Olympia TV, et le soutien du CNC.

France-Musique en diffusera un enregistrement le 13 janvier 2024

plume_07 Frédéric Norac
18 novembre 2023
norac@musicologie.org
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Lundi 20 Novembre, 2023 16:32