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IRCAM, Salle de projection, 27 avril 2024 — Frédéric Norac.

Janus 2024 : le miroir à deux faces de la musique d’aujourd’hui

Janus 2024. Photographie © Anne-Élise Grosbois

Inauguré en 2023, à l’initiative de l’IRCAM et du Centre de Musique baroque de Versailles, dans le cadre du festival Présences, le programme « Janus » se propose de confronter les compositeurs d’aujourd’hui à ceux de la période baroque. Pour sa deuxième édition, il proposait deux grandes pièces chorales en création, encadrant un programme de musique sacrée du XVIIe siècle. Commandées à la compositrice lituanienne Justina Repeckaitié (née en 1989) et au compositeur bulgare Jug Markovic (né en 1987), elles utilisent toutes deux l’électronique, mais de façon très différente. Dans la première, les sons sont transformés en direct par la machine, donnant au serpent de Patrick Wilbart qui l’accompagne une identité sonore démultipliée, tour à tour didgeridoo ou trompe tibétaine. Les voix sont doublées de leur propre résonance, ce qui, ajouté au traitement par phonèmes du texte, lui donne une spatialité qui n’est pas sans évoquer l’héritage d’un Ligeti. Destiné aux Pages du Centre de musique baroque, le choix d’un essai sur la mue de Samuel Auguste Tissot de 1754 comme base textuelle, tient plus du clin d’œil que de l’évocation du phénomène naturel car le texte reste résolument incompréhensible dans ce traitement, mais l’œuvre n’en possède moins une dimension « sacrée » qui l’apparente aux autres pièces du programme.

La seconde pièce, très spectaculaire, alterne des séquences vocales où la voix est utilisée dans ses formes les plus extrêmes, entre cri et chuchotement, chant, déclamation, martèlement, amplification, auxquelles s’ajoutent entre les séquences chantées des sons électroniques « fixes », c’est-à-dire préenregistrés. Le compositeur a choisi le texte du Stabat Mater dont seulement l’incipit de chaque séquence reste vraiment compréhensible et dit considérer sa pièce comme un hommage à la tradition. À notre sens, il y a plus d’effets et de théâtralité que de musique dans cette œuvre destinée aux Chantres du CMBV. L’exécution complétée d’un travail assez sophistiqué sur la lumière renforce encore la dimension dramatique de l’ensemble. Ici, la basse continue est assurée par la viole de gambe de Christine Plubeau-Mazaud (peu audible à vrai dire dans ce contexte).

On la retrouve en compagnie de l’orgue positif de Louis-Avit Colombier et du serpent de Patrick Wibart dans des extraits d’un très beau Requiem à cinq voix  de Pierre Bouteiller, compositeur basé à Châlons-en-Champagne dont l’œuvre a été recueillie par Sébastien de Brossard. Comme le Stabat elle est interprétée par les Chantres, sous la direction de Fabien Armengaud. En première partie, les Pages dirigés par Clément Buonomo donnaient un Magnificat d’Antoine Boësset, d’une grande fraicheur d’inspiration, et un motet anonyme « Tota Pulchra es ». Les deux pièces spécifiquement composées pour voix d’enfants, comme celle de Justina Repeckaitié, permettent d’apprécier la qualité et la justesse des jeunes voix au fil de nombreuses interventions solistes. L’ensemble des interprètes — Pages et Chantres — était réuni pour un motet à cinq voix de Jean-Philippe Rameau « Laboravi clamans » qui concluait ce concert d’une grande richesse, où l’ensemble vocal montrait sa versatilité et pour lequel les techniciens de l’IRCAM avaient recréé par la magie de l’électronique, l’acoustique même de la Chapelle royale de Versailles où les jeunes chanteurs se produisent régulièrement.

Concert diffusé en streaming sur la chaîne YouTube de l’IRCAM à la fin du mois de Mai.

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Mardi 30 Avril, 2024 22:31