Caen, 30 décembre 2023 —— Alain Lambert.
L'Avare. Photographie © Juliette Parisot.
Une pièce de Molière presque sans musique, faut-il donc en parler ? Car ici pas de ballets lullistes entre chaque acte ou pour le final qui durent et émoussent un brin en rire ou en émotion. Pas de musiques anachroniques comme dans l’insolent Scapin d’Omar Poras vu l’an dernier à la même période, pour les fêtes, au théâtre de Caen.
Juste un sobre décor de tentures changeant en couleurs, avec en toile de fond une esquisse de nuages et de soleil variant au cours de la journée. Et pour accompagner ces changements de lumières entre les actes, des brefs extraits musicaux, dont un clin d’œil, au cliquetis joyeux de la Danse macabre de Dukas et au Loup de Prockofiev pour annoncer l’acte final. Peu d’accessoires, une table deux bancs, un pouf et une cassette. Mais de superbes costumes pour des comédiens épatants.
Sinon la sonorité bruitiste du langage propre à Jérôme Deschamps fait d’un mélange d’intonations, d’onomatopées et d’interjections qui se répondent en rythme entre les personnages. Avec en particulier un trio quasi Deschiens quand Frosine (Lorella Cravotta), s’entremettant avec Harpagon (Jérôme Deschamps), prend à témoin Dame Claude (Yves Robin) et sa casserole. Un sketch désopilant qui fait applaudir spontanément toute la salle comble et comblée. Comme cet autre, musical cette fois, où la référence à une vague marquise bas-bretonne amène Frosine à entonner un Tri Martolod peu stivellien, repris par les jeunes comédiens présents (Bénédicte Choisnet, Aurore Lévy, Stanislas Roquette), en quadrille,
Pour le reste, la mise en place des situations, évocations, sujétions, insubordinations, insinuations, provocations, appropriations, lamentations, colères, quiproquos, résolutions, acclamations tient toujours par le génie du metteur en scène d’aujourd’hui, et de l’auteur d’hier toujours actuel, c’est-à-dire la musique incomparable de la langue de Molière. Quand même !
Un beau spectacle toujours en tournée en janvier prochain à Tarbes, Saint-Priest, Charleroi, Épinal, Draguignan puis en Mars à Montpellier et en juin au Festival d’Anjou.
Et au théâtre de Caen les 19 et 21 janvier, Orphée et Eurydice de Gluck revu par Aurélien Bory.
Alain Lambert
Caen, 30 décembre 2023
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