Le salon de la rue du Hasard, Mlle Certain, claveciniste du Grand Siècle, Mathilde Mugot (clavecin), œuvres de Jean-Henri d'Anglebert, Jacques Hardel, François Couperin, Élisabeth Jaquet de La Guerre, Mlle de Ménetou, Jean-Baptiste Lully. Seulétoile 2024.
Mademoiselle Certain tenait salon rue du Hasard. Cela ne s’invente pas. Mais au-delà de l’association de mots, certes attirante, il y a toute une étude musicologique et un véritable intérêt pour une interprète qui a marqué son époque : Mademoiselle Certain, exemple rare de femme du Grand Siècle qui réussit à vivre de son talent d’interprète, qui tint salon (ça, c’est moins rare) et qui fut admirée par ses contemporains, La Fontaine en tête qui lui dédia quelques vers.
Ce CD autour de sa figure fait renaître les images (et les sons) d’autres interprètes réputés (Chambonnières, Hardel...) dont une autre femme, Mademoiselle de Ménetou, qui elle n’eut pas à vivre de son travail puisqu’elle appartenait à la haute noblesse, « la Ménetou » à laquelle François Couperin en personne dédia un rondeau.
Sont ainsi assemblées des pièces de Jacques Hardel (v.1643-1678), d’Anglebert (1629-1691), de François Couperin (1668-1733), de Lully (qui y figure par le biais de transcriptions d’Anglebert ou de Mathilde Mugot) et de deux autres femmes, la propre Melle de Ménetou (Françoise-Charlotte de Saint-Nectaire) et la plus connue Élisabeth Jacquet de la Guerre. Des pièces qui reflètent la diversité de tons de la littérature pour clavier du Grand Siècle, du style imitatif (Les Papillons de F. Couperin) à la mélodie charmante (en particulier les deux pièces de Ménetou, ou la brunette anonyme J’avois cru qu’en vous aymant) , ainsi que le style héroïque dans les transcriptions d’opéra, ou les influences des rythmes dansants...
On sent le plaisir de Mathilde Mugot à égrener cette musique, à la rendre vivante à partir des manuscrits consultés. La délicatesse un brin nerveuse avec laquelle elle rend les ornementations.
Le son est clair, l’enregistrement limpide sans être sec.
Peut-être pourrait-on suggérer de laisser un peu plus d’espace entre les plages, pour que l’auditeur distrait puisse reconnaître plus facilement le passage d’un morceau à l’autre, pour donner une respiration au flot musical que nous propose Mugot.
Dans tous les cas bravo aux éditions Seulétoile pour un CD qui nous ouvre une fenêtre sur des compositeurs, sur un monde musical, dont la richesse et la diversité ne sont pas encore assez connues.
Frédéric Léolla
4 mai 2024
Le salon de la rue du Hasard, Mlle Certain, claveciniste du Grand Siècle. Jacques Hardel : Suite en ré ; Jean-Henri d’Anglebert : Tombeau de Mr de Chambonnières, Ouverture de Cadmus et Hermione, Chaconne de Phaeton, Prélude en do ; Allemande du Vieux Gautier, Courante Iris et double courante, Sarabande et double sarabande, Gigue du Vieux Gautier, Chaconne du Vieux Gautier ; Elisabeth Jacquet de la Guerre : Suite II en sol, Toccade en fa ; Anonyme : J’avois cru qu’en vous aymant ; François Couperin : La Ménetou, La Séduisante, Les Papillons ; Jean-Baptiste Lully : Rigaudon extrait d’Acys et Galatée ; Mademoiselle de Ménetou : Aux loix d’amour mon cœur estait rebelle, On dit qu’Amour vient surprendre. Transcriptions et interprétation au clavecin, Mathilde Mugot. Livret avec articles de Mathilde Mugot et de Bertrand Porot. Enregistré en 2022 à l’abbaye de Royaumont sur un clavecin d’Émile Jobin. Enregistrement et post-production, Camille Frachet. Éditions Seulétoile 2024.
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Samedi 4 Mai, 2024 22:33