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Barraqué Jean
1928-1973

Jean Henri Alphonse Barraqué

Jean Barraqué

Né à Puteaux, 17 janvier 1928, mort à Paris, 17 août 1973.

Son père, Grat Barraqué (1898-1975) et sa mère Germaine Barraqué, née Millet (1903-1987) sont commerçants.

En 1940, il entre à la Maîtrise de Notre-Dame de Paris. Élève au lycée Condorcet depuis 1943, il projette de devenir prêtre, mais de premiers troubles nerveux en 1947 l'empêchent de se présenter aux épreuves du baccalauréat, il est mis au repos à l'Abbaye de Solesmes.

Il suit des études de piano selon la méthode de Marie Jaëll, et des cours d'harmonie, de contrepoint et de fugue avec Jean Langlais.

De 1948 à 1951, il suit comme auditeur libre les cours d'analyse musicale d'Olivier Messiaen au Conservatoire national supérieur de Paris.

Entre1951 et 1954, il participe aux travaux du Groupe de recherches musicales (GRM), du studio de musique concrète de la Radio télévision française, fondé par Pierre Schaeffer.

Il donne des conférences pour les Jeunesses musicales de France, collabore à une émission mensuelle, « Jeune Musique », produite par André Hodeir, écrit pour Le Guide du concert, et donne des cours privés, puis de 1956 à 1960, des cours collectifs d'analyse musicale.

Sa liaison avec Michel Foucault (1952-1956) lui inspire des œuvres nouvelles, comme la mise en musique des poèmes de Nietzsche (Séquence, créée au Domaine musical en 1956). Après la rupture, il entreprend la composition d'un vaste cycle sur la mort de Virgile d'après le roman d'Hermann Broch, que Foucault lui avait fait lire.

En 1958, il est atteint de dépression, maladie qui nécessitera au cours des années suivantes de nombreuses hospitalisations.

En 1959 Yvonne Loriod enregistre sa sonate (de 1952).

Jean Barraqué, Sonate pour piano (1950-1952), Yvonne Loriod (piano), 1959.

En 1961, sur l'intervention d'Olivier Messiaen, il est nommé attaché de recherches à la section de philosophie du CNRS, sous la direction d'Étienne Souriau. Il soutient une thèse en 1962 : Debussy : ou l'approche d'une organisation autogène de la composition. Il conserve ce poste jusqu'en 1970.

En 1962, il publie un livre sur Claude Debussy.

À la fin des années 1970, plusieurs de ses œuvres sont enregistrées.

En 1973, il est élevé au grade de Chevalier dans l'Ordre national du mérite.

Jean Barraqué, Séquence (1950-1955), Joséphine Nendrick (Soprano), Ensemble 2e2m, sous la direction de Paul Mefano.
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Catalogue des œuvres

Écrits

Bibliographie

Discographie

Jean BarraquéJean-Barraqué, Sonate pour piano. Herbert Henck (piano). ECM Records 1621 (1999).

C'est au début des années soixante-dix que j'ai entendu parler pour la première fois de Jean Barraqué et de sa Sonate pour piano, grâce à Richard Toop, musicologue anglais et assistant au Conservatoire de Cologne de Karlheinz Stockhausen, lequel venait tout juste d'être nommé professeur. Toop était le médiateur idéal - large d'esprit, toujours au courant des nouvelles tendances musicales, érudit, il prêtait en outre généreusement ses livres et ses disques. Son domicile est vite devenu le lieu de rencontre des étudiants qui, comme moi, s'intéressaient à la musique contemporaine.

Lors de l'une de ces rencontres, il fut question de la Sonate de Barraqué, mais sans que l'œuvre soit davantage analysée ou interprétée, en ma présence du moins. J'ai appris plus tard seulement que Toop avait rédigé, à cette époque même, une minutieuse introduction à l'enregistrement de Roger Woodward. Barraqué, décédé en août 1973 à l'âge de 45 ans, avait assisté à l'automne 1972 à l'enregistrement par Woodward, et, pendant longtemps, cet enregistrement fut, avec celui d'Yvonne Loriod (le premier, en 1957) et celui de Claude Helffer (1969, également en présence du compositeur), l'un des trois seuls documents sonores de l'œuvre disponibles sur le marché.

J'ai commandé la partition de la Sonate quelque temps plus tard ; j'en avais gardé un souvenir positif, et sa taille spectaculaire, sa complexité singulière et ses qualités musicales me séduisaient. Après une attente interminable, j'avais enfin l'édition imprimée entre les mains, mais je me trouvais aussi en présence d'une autre difficulté. Toop en son temps avait déjà mis en garde contre les erreurs que renfermait l'édition, et j'étais assez désemparé à l'idée de trouver une partition sans faute.

Ecrire aux pianistes que je ne connaissais pas personnellement et qui avaient déjà travaillé ou enregistré la Sonate me paraissait maladroit et j'hésitais à confier ce travail de correction à un concurrent potentiel. Dans un premier temps, je ne pouvais guère que parcourir la partition ou, lors de la retransmission de l'enregistrement par Claude Helffer à la radio, tenter péniblement de suivre - pour ne parvenir qu'exceptionnellement à démêler suffisamment vite cet entrelacs de voix et de rythmes. Un journaliste de la radio, réputé pourtant ouvert, et avec lequel je parlais de la Sonate, me découragea encore un peu plus par son jugement : certes il trouvait le morceau intéressant et le savait apprécié des milieux théoriques, mais il lui reprochait aussi un côté gris et monotone, une préférence pour les registres intermédiaires et une âpreté générale.

L'œuvre resta de nouveau sur une étagère sans que j'y touche. Puis, en décembre 1994, après que Josef Anton Riedl m'eut lancé plusieurs invitations dans le cadre du festival « Neue Musik Milnchen » dont il était l'organisateur, je me remis à cette Sonate de Barraqué. Riedl accepta aussitôt ma proposition ; il appréciait la musique expérimentale du début des années cinquante et connaissait le travail de Barraqué. De plus, l'interprétation de la Sonate avait toujours valeur de rareté et s'inscrivait bien dans le concept de la manifestation. D'un commun accord, la date du concert fut fixée au 4 décembre 1995, et le hasard d'une invitation par Thomas Adank à Berne devait me donner l'occasion de rejouer l'œuvre deux jours plus tard au Kunstmuseum, dans le cadre de la série « TonArt ».

De nouveau, je devais affronter le problème que posaient les erreurs de la partition, mais la perspective d'un concert imminent me donna une énergie nouvelle. Pour commencer, j'ai essayé de savoir par l'éditeur italien d'origine, Bruzzichelli à Florence, si une nouvelle édition de la Sonate était sortie depuis la première parution en mai 1966, si entre-temps un index des fautes avait été établi ou si l'on pouvait m'indiquer des spécialistes en mesure de m'aider. Mais ni par la Société italienne des droits d'auteurs, ni directement, il m'a été possible d'apprendre ne serait-ce que si l'éditeur existait encore ou ce qu'était advenue sa succession.

Craignant encore de passer par la filière des pianistes qui m'avaient précédé, je me suis mis à sonder les références littéraires disponibles. A part quelques brefs essais, je possédais l'édition allemande (Rowohlt) de la monographie illustrée de Claude Debussy par Jean Barraqué, le livre sur Barraqué publié en 1993 dans la série « Musik-Konzepte », ainsi que le numéro spécial que la revue française « Entretemps » avait sorti sur Barraqué en 1987 et dans lequel le compositeur Joël-François Durand avait effectué une analyse précise de la Sonate. C'est là que j'ai également découvert une Chronobiographie détaillée, établie par Rose-Marie Janzen et signalant en note l'existence d'une Association Jean Barraqué priant le lecteur de son soutien dans la compilation de témoignages sur la vie du compositeur. Une adresse y était jointe (54, rue Monsieur-le-Prince, 75006 Paris).

J'obtins le numéro de Rose-Marie Janzen par les renseignements internationaux, et contactai parallèlement, également par téléphone, Heinz-Klaus Metzger, l'éditeur avec Rainer Riehn de « Musik-Konzepte», qui devait certainement connaître les spécialistes de Barraqué : Metzger me confirma que Rose-Marie Janzen était la personne à laquelle il fallait s'adresser. Elle avait fait la connaissance de Barraqué dès 1960 par l'intermédiaire de Claude Helffer et représentait désormais l'Association Jean Barraqué, laquelle comptait ou avait compté plusieurs musiciens célèbres, parmi lesquels Pierre Boulez, Henri Dutilleux, Klaus Huber, Gyôrgy Ligeti, Witold Lutoslawski, Olivier Messiaen, Henri Pousseur et Gunther Schuller.

Rose-Marie Janzen, qui à mon grand soulagement parlait couramment l'anglais et l'allemand, connaissait parfaitement les problèmes théoriques de la Sonate et s'avéra par la suite un soutien indispensable. J'appris ainsi que l'éditeur Aldo Bruzzichelli, industriel et mécène florentin, était décédé et que les droits sur les ceuvres de Barraqué avaient été cédés à l'éditeur allemand Bärenreiter, à Kassel. Par ailleurs, un musicologue berlinois, Heribert Henrich, était en train d'achever une thèse sur Barraqué et travaillait à une nouvelle édition de la Sonate, pour laquelle il avait déjà microfilms et manuscrits.

Or il n'existait pas encore de tirages des films et les déchiffrer sur des appareils de lecture était pénible ; Marie-Rose Janzen se présenta donc à la Bibliothèque nationale de Paris, qui détenait les manuscrits de Barraqué, et accéléra la commande qui, en temps normal, peut durer très longtemps. Au début du mois de septembre 1995, j'obtenais à titre de prêt une copie de la partition originale de la Sonate de Barraqué et pouvais commencer à comparer les deux textes. Je relevai toutes les différences que je trouvais entre l'édition imprimée et le manuscrit ou tout ce qui me semblait curieux ; et lorsque je reçus, en novembre, la copie de la première partition de la Sonate complète de Barraqué, je pus élargir mon analyse. Toutefois, je m'étais mis deux mois auparavant à travailler sur l'instrument afin de me familiariser le plus tôt possible avec les difficultés techniques spécifiques à l'œuvre.

Heribert Henrich, le spécialiste berlinois avec lequel la correspondance se poursuivait, m'avait apporté entre-temps une aide précieuse. En effet, il avait établi une première liste de fautes qu'il m'avait remise à titre confidentiel. Connaissant parfaitement la composition, son contexte biographique et historique, il était à même d'expliquer bon nombre de divergences entre l'édition imprimée et les manuscrits que les non spécialistes (comme moi) ne remarquent pas immédiatement. Michael Tôpel enfin, des services éditoriaux de Bärenreiter, me copia certains fragments du manuscrit qui montraient bien la transcription au millimètre près de passages rythmiques complexes.

presque tous les rythmes de l'œuvre et les ai modifiés par endroit avec du correcteur blanc ou de l'encre, afin de ne pas être troublé, en jouant, par une image déformée. Après avoir passé tout le texte en revue, je me trouvais avec 125 pages manuscrites de corrections et de représentations rythmiques.

Certaines questions restèrent sans réponse et il fallut à plusieurs reprises choisir entre deux interprétations. Les erreurs à l'impression n'étaient certainement pas toujours le fait du opiste qui, manifestement, s'était escrimé à copier littéralement le manuscrit sur l'épreuve imprimée. Elles étaient aussi dues au compositeur lui-même qui refusait systématiquement toute relecture de contrôle et qui, en raison aussi de sa forte myopie, confiait volontiers ce travail à son élève Bill Hopkins.

D'un point de vue musical, la Sonate réunit des tendances opposées. Les modes de composition alternent entre rigueur et liberté ; ils se distinguent aussi par une configuration différente des tempos et des registres. Dans l'ensemble, l'agencement est marqué par la confrontation entre un mouvement rapide et un mouvement lent de même importance. Le mouvement rapide, cependant, intègre de plus en plus des plages de lenteur, et le mouvement lent des plages de rapidité, de sorte que les antagonismes, globalement, trouvent un équilibre. Le morceau se termine sur une monophonie dans un tempo intermédiaire, avec une série dodécaphonique dont la configuration de base régit l'architecture tonale de l'œuvre tout entière.

En principe, j'avais libéré les mois précédant la première exécution de la Sonate, mais, pour des raisons matérielles, je fus contraint à plusieurs reprises d'interrompre le travail d'étude. Notamment pour préparer la création de « etwas (lied) » d'Antoine Beuger, dans le cadre des « Donaueschinger Musiktage » en octobre 1995. Beuger, compositeur néerlandais, insérait dans quasiment toutes ses ceuvres récentes des zones d'attente, des pauses de plusieurs minutes parfois, dont la teneur me paraissait, sans que je puisse dire pourquoi, différente de démarches comparables chez John Cage. Le silence me sémblait ici non seulement influencé mais carrément défini par les structures sonores de la composition qui délimitaient les pauses de part et d'autre, et le mutisme de la musique devenait une fenêtre acoustique sur un autre espace acoustique, celui propre à l'auditeur.

Cette expérience, à laquelle la reproductibilité de l'enregistrement conférait une qualité particulière, traversa en quelque sorte mon interprétation de la Sonate de Barraqué. Elle me conforta du moins dans ma volonté de concevoir d'une manière extensive une section de cellules sonores s'éloignant toujours plus les unes des autres, et d'augmenter jusqu'à près d'une demi-minute neuf pauses à peine perceptibles et notées symboliquement comme points d'orgue. J'imaginais que le silence croissant (au début du dernier tiers du premier mouvement) pourrait faire figure de passage, pour préparer à l'ampleur du deuxième mouvement qui enchaîne presque imperceptiblement sur le premier, après une brève césure qui efface la forme globale de la composition plutôt qu'elle ne la souligne. Ici, les tempos et pauses indiqués engourdissaient véritablement la musique, pour laisser poindre de plus en plus des formes figées d'une beauté, d'un calme et d'une limpidité cristallines.

À la fin du travail de répétition, j'avais l'impression que le déroulement de cette Sonate (plus de 45 minutes) ne laissait à aucun moment transparaître trop de théorie ou pas assez d'expressivité ; partout, on pouvait ressentir la même affabilité musicale, une même énergie et élan réateur, la même ardeur de l'esprit. J'avais découvert une œuvre à laquelle j'aurais été bien en peine d'en comparer une autre du répertoire pour piano.

Herbert Henck
Deinstedt, du 4 au 19 janvier 1997
traduction: Martine Passelaigue

Jean BarraquéOeuvres complètes : ConcertoLe temps restitué,au-delà du hasard,Chant après chant,Étude,Séquence, Sonate pour piano, R. Hardy, mezzo-soprano, J. Moffat, D. Miles-Johnson, Chr. Ascher, CI. Barainsky, voix, E. Molinari, B. Zachhuber, clarinettes
Ch. Fischer, percussions, F. Müller, piano
St. Litwin, Vokalensemble NOVA Wien, C. Mason, chef de choeur, Klangforum Wien, S. Cambreling, P. Rundel, J. Wyttenbach, dir.

Westdeutscher Rundfunk Köln ; Klangforum Wien ; MFA ; Association Jan Barraqé ; Thomastik Infeld. CPO 999 569 (1998).

 

Jean BarraquéJean Barraqué, Concerto
Le temps restitué, Rémi Lerner, clarinette, Anne Bartelloni, mezzo-soprano, Groupe Vocal de France, (Boris Vinogradov, dir), Ensemble 2e2m (Paul Mefano, dir.), Hemonia Mundi / HMC 905199.

Enregistré en janvier 1987 au studio 103 de Radio France.

01 Concerto (Rémi Lerner, clarinette, ensemble 2e2m ; Le temps restitué (extrait de la Mort de Virgile d'Hermann Broch), 02. I. La loi et le temps , 03. II. Symbole de nuit, 04. III. Portail de la terreur, 05. IV. ...L'inachèvement sans cesse, 06. V. Car ce n'est que pqr l'erreur.

Jean-Marc Warszawski
2002-2019


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Dimanche 17 Mars, 2024